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Nouveaux matériaux: éléments de progrès ou poudre marketing?

ÉDITORIAL

juin 2018


Nouveaux matériaux: éléments de progrès ou poudre marketing?

Tout à coup, une anxiété guette: et si les multiples annonces sur l’apparition de nouveaux matériaux, en particulier dans l’habillage, constituaient une pyramide de Ponzi horlogère? Faut-il croire les horlogers lorsqu’ils nous assurent que ces innovations tiendront sur la durée?

L

e consommateur de 2030 verra notre décennie soit comme celle d’une ouverture technologique de l’industrie soit comme celle du règne d’un marketing sans scrupules... Au fond, a-t-on jamais fabriqué des montres aussi durables et solides que les modèles en acier des années 1970?

Une note de prudence s’impose à l’heure de réaliser ce dossier. En effet, devant la multiplication des annonces sur des innovations matériaux dans l’industrie horlogère, il s’agit de faire la part des choses: les nouvelles matières appliquées au boîtier, à la lunette, à la glace, au cadran, voire au bracelet, constituent- elles un avantage réel pour le consommateur? Et comment tiendront- elles sur la durée, alors que l’acier, lui, a fait ses preuves?

L’industrie horlogère étant passée maître dans l’art du marketing – mais en subissant aussi le contrecoup sur d’innombrables sites et blogs ultra-spécialisés, tenus par des consommateurs avertis, avec l’explosion d’internet – la question de fond est celle-là: les nouveaux matériaux trouvent-ils leurs origines dans la recherche «désintéressée » de laboratoires horlogers ou dans l’agenda propre au département vente et marketing?

Nouveaux matériaux: éléments de progrès ou poudre marketing?

La réponse semble être, comme toujours, un mélange «savant» entre la passion réelle de nombreux horlogers pour cette recherche matériaux, qui comporte il est vrai de nombreux aspects tout à fait fascinants, et les intérêts propres à la vente et donc à la pérennité de chaque marque.

Devant le tourbillon des annonces en terme d’innovation matériaux, mettons simplement les marques en garde de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Seul le test de la durée dira si cette période est celle de la «poudre de perlimpinpin» ou si l’on en retiendra de réelles avancées technologiques.

Cette mise en garde s’alimente de plusieurs échos d’insiders, qui ne peuvent évidemment être nommés ici. L’une de ces notes critiques nous a interpellés: «Le matériau d’habillage est la tarte à la crème qui parle à tout le monde et qui ne veut rien dire! Léger? A-t-on des tendinites à cause de la masse? Dur, inrayable? Attaque-t-on sa montre avec un tournevis? Et qui pense à la santé, alors que la matrice des composites est souvent une résine thermodurcissable que nous ne voudrions jamais dans notre maison?»

La question de fond est celle-là: les nouveaux matériaux trouvent-ils leurs origines dans la recherche «désintéressée» de laboratoires horlogers ou dans l’agenda propre au département vente et marketing?

Diable, en plus de la suspicion sur l’intérêt horloger réel de la recherche matériaux, faut-il s’inquiéter pour notre santé, plusieurs décennies après l’arrêt de l’utilisation du radium en horlogerie? On n’arrête pas le progrès! Mais il faut parfois du temps avant d’en déceler toutes les conséquences...