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Genève: ces horlogers qui brillent dans la rade

ENSEIGNES LUMINEUSES

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août 2020


Genève: ces horlogers qui brillent dans la rade

Apparues dès les années 1930 et prisées des marques de montres, les enseignes lumineuses du bout du lac sont entrées dans l’imaginaire collectif. La société Force Promotion, qui gère une quinzaine d’entre elles, a récemment introduit un système de commande numérique qui permet aux horlogers de contrôler l’éclairage de leur logo à distance. Nous avons voulu en savoir plus. Portrait.

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ême inconsciemment, on ne peut échapper à leur emprise. Au même titre que le Jet d’Eau ou l’île Rousseau, elles font partie de l’identité de la rade de Genève, à tel point que sans elles, cette dernière n’aurait pas tout à fait le même visage la nuit tombée. Apparues dès les années 1930, les enseignes sont entrées dans l’imaginaire collectif genevois.

Richard Mille en a trois. Rolex deux (une de chaque côté du pont du Mont-Blanc), tout comme Cartier. Patek Philippe, Chopard, Blancpain, Breitling, Baume & Mercier, Zenith, Bovet, Breguet, Hublot, Tudor, Tissot, Piaget, Jacob & Co., TAG Heuer ou encore Vacheron Constantin affichent également leur nom en haut de toiture au bout du lac.

Une quinzaine de ces emplacements sont gérés par Force Promotion, une société familiale fondée par Daniel Berset il y a une trentaine d’années qui s’est spécialisée dans l’affichage lumineux de prestige à Genève. Et cherche donc à donner à cette ville plutôt conservatrice un petit peu du glamour lumineux de Hong Kong ou Las Vegas – toutes proportions gardées.

Richard Mille en a trois, Rolex deux (une de chaque côté du pont du Mont-Blanc), tout comme Cartier. Apparues dans les années 1930, les enseignes de la rade sont entrées dans l’imaginaire collectif genevois.

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Les horlogers s’affichent

«Notre société a commencé par de la publicité classique à la radio et la télévision locale, ainsi que dans le milieu du sport, avant de s’orienter sur les enseignes lumineuses en toiture», souligne Julie Schillaci, chargée de communication de Force Promotion. L’entreprise y a vu une niche intéressante, avec l’opportunité de professionnaliser un système qui était auparavant géré en direct – soit les marques possédaient leurs bureaux dans l’immeuble en question soit elles négociaient directement avec son propriétaire.

Les marques horlogères et joaillières sont les principales clientes de Force Promotion, devant des entités bancaires et immobilières. Outre les enseignes autour de la rade, la société gère également des emplacements en d’autres lieux stratégiques du canton (gare, aéroport), de l’affichage numérique (parking du Mont-Blanc) et pratique le «street marketing» (comme l’habillage de vélo-taxi). Aujourd’hui, les enseignes lumineuses représentent 80% du chiffre d’affaires de l’entreprise genevoise, qui propose aussi quelques emplacements à Bâle et Zurich.

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Genève n’est pas Hong Kong

Concrètement, comment fonctionnent ces partenariats? Les contrats pour les enseignes sont planifiés sur le long terme (cinq ans en moyenne) avec les marques horlogères. Toujours à la recherche de nouveaux emplacements, Force Promotion gère l’ensemble des prestations liées à la mise en oeuvre des enseignes, des négociations avec les propriétaires immobiliers à leur installation proprement dite.

Un premier montage virtuel de l’affichage (LED qui a remplacé les anciens néons énergivores) permet de valider la disposition de l’enseigne, dont la réalisation est ensuite confiée à des prestataires spécialisés. Selon des estimations de la RTS dans un reportage sur le sujet (à visualiser ici), les propriétaires d’immeubles en rade de Genève touchent près de trois millions de francs de revenus annuels de cette activité.

Pour chaque nouveau projet, une demande est déposée auprès de la Ville de Genève. Il s’agit surtout de respecter le cadre légal qui veille tant à préserver le patrimoine qu’à lutter contre la «pollution lumineuse», un thème qui s’est imposé sur le devant de la scène ces dernières années.

Les restrictions légales sont toujours plus nombreuses, qu’il s’agisse de la palette de couleurs à disposition ou de la taille des lettres du logo.

De fait, les restrictions sont toujours plus nombreuses, qu’il s’agisse de la palette de couleurs à disposition ou de la taille des lettres, dont la hauteur maximale est de 1.20m dans la rade (contre 1.50m dans le reste de la ville). Par ailleurs, une enseigne ne peut pas être placée sur un toit plat, car elle ne doit légalement pas dépasser de la silhouette de la toiture. «Certaines pratiques, comme les enseignes clignotantes, sont autorisées dans de grandes métropoles étrangères, mais restent interdites à Genève», explique Julie Schillaci.

L’entreprise conseille ses clients sur des points critiques comme la visibilité de leur enseigne ou l’espacement des lettres. Si certaines marques sont intransigeantes quant à l’adaptation de leur logo, d’autres se montrent plus flexibles pour bénéficier d’une visibilité maximale.

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Un «salon permanent» sur la rade

Les coûts varient fortement: outre la préparation technique de l’enseigne, qui revient entre à 20’000 à 25’000 francs en moyenne, les frais de location s’échelonnent de 15’000 francs à plus de 300’000 francs par an pour quelques emplacements exceptionnels. Sans surprise les espaces les plus prisés se situent sur les quais de la rade, le plus proche possible du pont du Mont-Banc sur les deux rives. Force Promotion essaie aussi de développer de nouveaux espaces dans le canton, en ouvrant son portfolio de clients pour convaincre des propriétaires de toitures libres.

A l’heure d’écrire ces lignes, l’intermédiaire proposait plusieurs locations disponibles, dont une en face de la gare, un «emplacement sous-estimé qui affiche un très fort potentiel» selon Julie Schillaci, et un espace très exclusif directement en face du Jet d’Eau. La crise du Covid-19 a réduit les budgets publicitaires des marques, ce qui explique cette disponibilité inédite d’emplacements rares.

Certaines marques horlogères, plus audacieuses que d’autres, ont tôt compris le potentiel et le prestige de ce «salon» ouvert en permanence sur la rade.

Certaines marques horlogères, plus audacieuses que d’autres, ont tôt compris le potentiel et le prestige de ce «salon» ouvert en permanence sur la rade. C’est le cas de Richard Mille, qui occupe trois espaces autour de la rade, un record. Pour l’anecdote, sur les conseils de Force Promotion, la marque a récemment interverti l’un de ses emplacements avec celui de Blancpain, afin de bénéficier de plus de place pour afficher ses caractères. Plus long est le nom, plus onéreuse est l’enseigne: à ce titre, certains sont mieux lotis que d’autres…

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App inédite

En ces temps marqués par le coronavirus et la distanciation sociale, Force Promotion lance une application qui permet de contrôler à distance les enseignes lumineuses et notamment de les allumer et éteindre à souhait. «Sa vocation première est de nous permettre d’intervenir rapidement en cas de panne, d’être réactifs et ainsi de garantir une maintenance permanente, précise Julie Schillaci. Pour nos clients aussi, c’est une expérience unique que de pouvoir contrôler leur logo en rade de Genève.»

Force Promotion lance une application qui permet de contrôler à distance les enseignes lumineuses et notamment de les allumer et éteindre à souhait.

Le système domotique opérant les enseignes est quant à lui réglé automatiquement chaque jour sur les heures de coucher et lever du soleil, à la minute près, pour assurer une visibilité maximale. De plus, les enseignes bénéficient d’un dispositif de sonde crépusculaire qui permet de régler l’ouverture et la fermeture électrique en fonction de la luminosité ambiante. Ainsi, si le temps est nuageux et sombre, les enseignes peuvent s’allumer en pleine journée.

Quand il s’agit d’imprimer sa marque sur l’un des panoramas les plus célèbres de la planète, chaque minute compte: une précision d’horloger est donc requise.