é en 1931 à Strasbourg, Jean- Thomas Ungerer, dit Tomi, est le fils d’un ingénieur fabricant d’horloges astronomiques, également artiste et historien.

Sa famille est à la tête d’une entreprise d’horloges monumentales. Quatre générations s’y sont succédées, de 1858 à 1989, date à laquelle elle a été vendue au spécialiste français Bodet. Entre 1838 et 1842, ses aïeux ont collaboré avec le grand mécanicien et horloger Jean-Baptiste Schwilgué à la troisième reconstruction et restauration de la célèbre horloge astronomique de Strasbourg, l’une des plus complexes machines mécaniques jamais réalisées. A la mort de Schwilgué, en 1858, ils reprennent la fabrique à leur compte.

En 1933, l’entreprise Ungerer construit l’horloge astronomique de Messine, la plus grande au monde. Théodore, le père de Tomi, dessine les nombreux automates dont certains mécanismes reprennent en partie ceux de l’horloge astronomique de Strasbourg. Parmi ces automates, la Mort qui bat la mesure avec sa faux.

Carrière américaine

On ne saurait dire si cette fréquentation dès l’enfance avec ces horloges monumentales et avec le motif immémorial du memento mori a été à la source des obsessions de Tomi Ungerer autour du Temps et de la Mort. Toujours est-il que les systèmes mécaniques, les représentations de la grande faucheuse et de l’inexorabilité du temps qui passe sont omniprésents dans son œuvre graphique.

Après avoir vagabondé puis suivi les cours de l’École municipale des arts décoratifs de Strasbourg, section dessin publicitaire, Tomi débarque en 1956 à New York avec «soixante dollars en poche et une cantine de dessins et de manuscrits». Ses débuts sont difficiles, mais rapidement, il va devenir un illustrateur, un créateur publicitaire et un cartooniste reconnu, publiant dans les plus grandes revues américaines et enseignant à New York.

Ses champs d’exploration sont multiples, allant du livre pour enfant à la satire sociale et politique acerbe, notamment contre la guerre du Vietnam, ou encore à l’exploration de la «mécanisation de la sexualité », dans Fornicon, un ouvrage devenu fameux, à ne pas mettre entre toutes les mains.

Après les USA, Tomi Ungerer ira s’installer au Canada, puis en Irlande et en Alsace où s’ouvre en 2007 à Strasbourg un musée qui lui est consacré.

La mort est une obsession

Comme l’expliquent les commissaires de l’exposition de Besançon, «la mécanique du Temps est une notion qui semble fasciner Tomi Ungerer. Les instruments de mesure du Temps sont des motifs récurrents dans tous ses registres graphiques.

Dans les livres pour enfants, ils ornent les décors intérieurs et sont représentatifs d’une époque. Dans les dessins satiriques, ils servent de support à la critique sociale du monde contemporain. Le dessinateur ne marque pas de préférence et représente sans distinction le coucou suisse, la montre-bracelet, la montre à gousset ou l’horloge mécanique avec ses poids. Le sablier ou le métronome appartiennent également à cette famille iconographique dans laquelle puise Tomi Ungerer pour dépeindre la marche inéluctable du Temps et son corollaire, la mortalité.»

C’est peu dire que Tomi Ungerer est obsédé par cette thématique de la Mort et de la finalité de toute chose, intrinsèquement liée au Temps, car elle est omniprésente dans l’ensemble de son œuvre par ailleurs incroyablement prolixe.

Tomi Ungerer est obsédé par cette thématique de la Mort et de la finalité de toute chose, intrinsèquement liée au Temps.

L’exposition de Besançon est l’occasion d’en découvrir un pan important et de réfléchir à ces liens étroits et pour lui intimes entre mécanique horlogère, érotisme, décrépitude et mort. Mais rassurez-vous, la vitalité de son trait et son humour caustique sont aussi le meilleur des remèdes contre la nostalgie.