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Nivada, le réveil d’une belle endormie

PORTRAIT

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juin 2020


Nivada, le réveil d'une belle endormie

Elles sont encore nombreuses dans l’industrie horlogère, ces vieilles gloires dormantes. La plus emblématique d’entre elles, Universal Genève, appartient au groupe hongkongais Stelux, qui la maintient au repos forcé. Minerva a quant à elle été transfusée dans Montblanc par le groupe Richemont. Une autre, Nivada Grenchen, est en phase de réveil sous l’impulsion d’un jeune entrepreneur et d’un vétéran de l’industrie horlogère. Explications, avec nos archives.

C’

est une illustration éclatante du pouvoir de l’écrit: «Chronomaster Story», le livre de Grégoire Rossier et Anthony Marquié sur l’histoire de Nivada, a eu tel impact qu’il mène à présent à la… relance de la marque. Déjà auteurs de la fameuse série Moonwatch Only sur la Speedmaster d’Omega, les spécialistes se sont attachés dans cet ouvrage de 300 pages, sorti en 2018, à retracer le destin de la Chronomaster Aviator Sea Diver, une montre professionnelle produite par la société suisse en partenariat avec la firme américaine Croton dès 1961. Un ouvrage édité par notre partenaire Watchprint à mettre entre toutes les mains.

La Nivada Chronomaster en 1967 dans Europa Star
La Nivada Chronomaster en 1967 dans Europa Star
©Europa Star

Entre Paris et Hong Kong, une idée a germé: relancer Nivada à l’international. Encore fallait-il l’accord du détenteur des droits basé quant à lui au Mexique.

Et parmi ceux qui l’ont eu entre les mains, un lecteur a été encore plus passionné que d’autres: Guillaume Laidet, un entrepreneur français qui a notamment fondé la marque horlogères William L 1985, qu’il a entre-temps revendue (lire notre portrait ici). Les modèles de William L sont produits en collaboration avec la société de private label Montrichard, établie entre la Suisse, Hong Kong et Shenzhen (lire ici). Et le directeur de Montrichard, Rémi Chabrat, collabore également avec... le détenteur actuel des droits sur Nivada, la société Grupo Industrial Omega, S.A. de C.V au Mexique, qui diffuse encore des modèles sous ce nom mais sur le marché mexicain uniquement.

Guillaume Laidet est un serial entrepreneur horloger: après avoir fondé la marque William L (entre-temps revendue), il s'attaque à présent à la relance de Nivada Grenchen.
Guillaume Laidet est un serial entrepreneur horloger: après avoir fondé la marque William L (entre-temps revendue), il s’attaque à présent à la relance de Nivada Grenchen.

Rééditions fidèles

Entre Paris et Hong Kong, une idée a germé: relancer la société Nivada Grenchen à l’international, avec l’accord de Grupo Industrial Omega, S.A. de C.V, sous forme de licence. Ce dernier a accueilli le projet avec enthousiasme. Tout le monde s’est mis d’accord et le projet a pu démarrer. L’horlogerie est d’abord affaire de réseaux, l’histoire de cette relance le démontre bien...

L’âge d’or de Nivada date des décennies d’après-guerre, qui ont vu l’apparition en horlogerie des modèles qui constituent toujours aujourd’hui les bestsellers du marché horloger mondial.

Nivada a été fondée en 1879 à Granges. La marque est tombée au champ d’honneur un siècle plus tard, durant la crise du quartz. Son âge d’or date des décennies d’après-guerre. Ce qui tombe bien: ces décennies ont produit les modèles qui constituent toujours aujourd’hui les bestsellers du marché horloger contemporain. «Notre intention est de réaliser des modèles aussi proches des originaux, tout en restant sur des prix accessibles», explique Guillaume Laidet.

Le tableau des rééditions du Réédition de la Chronomaster Aviator Sea Diver.

Les premières séries de rééditions, qui seront disponibles à la pré-vente durant l’été, ont été dévoilées. Les premiers clients qui commanderont la réédition de la Chronomaster recevront par la même occasion le livre de Grégoire Rossier et Anthony Marquié. Cette réédition est proposée à 1’600 euros avec un mouvement manuel et 1’800 euros avec mouvement automatique.

Réédition de la Chronomaster Aviator Sea Diver, équipée d'un mouvement Sellita SW 510
Réédition de la Chronomaster Aviator Sea Diver, équipée d’un mouvement Sellita SW 510

Outre la Chronomaster, la nouvelle structure relance également une série de modèles dans la collection Antarctic, dès 650 euros avec bracelet cuir (850 euros avec bracelet acier). Tous les calibres équipant les nouveaux modèles sont des Sellita. «Nous avons hésité à réutiliser des mouvements vintage, confie Guillaume Laidet. Ce sera l’étape suivante, sur des modèles plus haut de gamme. Mon rêve est une réédition avec un calibre Valjoux d’époque.»

«Nous avons hésité à réutiliser des mouvements vintage. Ce sera l’étape suivante.»

Le tableau des rééditions du modèle Antarctic (avec date).

Le verdict des «communautés Nivada»

Pour l’instant, la nouvelle équipe a surtout communiqué via Instagram. Si Nivada s’est peu à peu éteinte, la communauté de ses fidèles, elle, est restée vive et s’est notamment organisée autour des réseaux sociaux, qui comptent plusieurs groupes et forums dédiés à la marque. «Les Etats-Unis, où Croton a distribué la marque pendant des décennies, ainsi que d’autres pays comme l’Allemagne ou la Suède comptent des communautés intéressantes de passionnés. Nivada est une marque endormie qui ne demandait qu’à être réveillée…»

Réédition du modèle Antarctic
Réédition du modèle Antarctic

Contrairement à ce qu’il avait fait pour William L, Guillaume Laidet ne lancera pas de campagne Kickstarter pour Nivada Grenchen. «Depuis quelques années, on voit un peu de tout sur cette plateforme et nous voulons préserver la marque d’un label qui ne lui conviendrait pas. Et n’oublions pas qu’entre la commission prise par Kickstarter et les frais bancaires, environ 10% des sommes récoltées auprès de la communauté ne vont pas aux projets.» La nouvelle structure vise un modèle de vente directe sur son site.

La startup qui relance Nivada Grenchen compte capitaliser sur le regain d’intérêt pour la marque, alors que la popularité des designs des années 1960 est au plus haut.

Le modèle Antarctic en 1966 dans Europa Star
Le modèle Antarctic en 1966 dans Europa Star
©Europa Star

Une question importante, pour la renaissance de cette marque comme pour celles qui l’ont précédée, sera la crédibilité que lui accorderont les amateurs de l’héritage de Nivada. La cote des modèles vintage a certainement grimpé depuis le livre consacré à la Chronomaster Aviator Sea Diver. La startup qui relance Nivada Grenchen compte capitaliser sur ce regain d’intérêt. Si elle réussit, cela ouvrira peut-être la voie à d’autres renaissances de «belles endormies» horlogères, en s’alliant au nouveau pouvoir des réseaux sociaux. Tout sera, comme toujours, question d’authenticité de la démarche… et de temps.

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