uropa Star: En quoi la crise pandémique a-t-elle «transformé» Bulgari?

Jean-Christophe Babin: L’évolution la plus marquante a certainement concerné le e-commerce. Au plus fort de la crise, l’expansion du e-commerce nous a permis de combler une partie des ventes perdues par la fermeture des boutiques physiques. Notre présence dans la vente en ligne s’est étendue de 8 à 17 marchés. Cette année, nous avons la confirmation que nous retrouvons les niveaux d’avant-crise, mais le e-commerce continue de croître plus vite. Nos capacités ont été fortement accrues, notamment sur le conseil personnalisé au client en ligne. Ces évolutions étaient prévues, mais sur trois ans. La pandémie a accéléré leur mise en œuvre à neuf mois...

«Ces évolutions étaient prévues, mais sur trois ans. La pandémie a accéléré leur mise en œuvre à neuf mois.»

Lors de la dernière édition des Geneva Watch Days, Bulgari a introduit son nouveau modèle Octo Roma WorldTimer à affichage central des heures, des minutes et des secondes, associé à un disque rotatif double sur le bord extérieur: l’un pour les 24 villes de référence et l’autre avec une échelle graduée de 24 heures.

Vous avez été à l’initiative des Geneva Watch Days, un salon «spontané» durant la pandémie. Maintenant que l’agenda horloger traditionnel reprend - plus ou moins - ses droits, allez-vous continuer?

Absolument! Je crois que la manière d’organiser cet événement est en phase avec notre époque: décentralisé, autogéré, flexible, abordable, démocratique, inclusif – avec des ressources et des décisions partagées. La marque est déposée, sous l’égide d’une fondation. Non seulement nous souhaitons continuer à l’organiser avec le soutien des autorités genevoises mais pourrions tout à fait l’exporter, car l’image de Genève est forte dans le monde et exprime l’excellence horlogère. Les Geneva Watch Days sont devenus un label en soi, un événement que l’on pourrait tout à fait organiser à Pékin, New York ou d’autres grands centres à l’avenir.

«Les Geneva Watch Days sont devenus un label en soi, un événement que l’on pourrait tout à fait organiser à Pékin, New York ou d’autres grands centres à l’avenir.»

Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari, lors de l’édition 2021 du Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG)

La joaillerie, votre activité historique, s’est «extirpée» beaucoup plus rapidement de la pandémie que l’horlogerie, marquée quant à elle par une très forte polarisation entre marques et la percée de modèles historiques...

En ce qui nous concerne, les deux catégories ont connu des taux de croissance similaires en 2021 par rapport à 2019. La maroquinerie est davantage pénalisée comme segment de marché. Nos ateliers d’horlogerie sont restés ouverts même durant les traditionnelles «vacances horlogères», c’est la première fois que cela se produit depuis que j’ai rejoint la marque. Cela a permis de rattraper une partie des délais de production face à une demande supérieure à ce qui était prévu. Les grandes questions qui se posent encore consistent à savoir quand les marchés seront vraiment complètement rouverts et si le e-commerce va continuer à croître à plein régime même lorsque les boutiques seront à nouveau pleines.

«Je crois que la manière d’organiser cet événement est en phase avec notre époque: décentralisé, autogéré, flexible, abordable, démocratique, inclusif – avec des ressources et des décisions partagées.»

L’Aiguille d’Or 2021 du GPHG, qui a récompensé le modèle Octo Finissimo Quantième Perpétuel, consacre la saga de l’extrême finesse initiée par Bulgari dès 2014 (sept records du monde).

Votre pronostic?

Sur la question du e-commerce, cela dépend fortement des marchés. Une marque comme la nôtre peut faire 15-16% de ventes en ligne aux Etats-Unis mais je doute que ce taux aille au-delà des 3-4% en Italie. Il existe des sensibilités culturelles différentes. Le but n’est de toute façon pas d’arriver à un certain pourcentage mais de croître davantage que nos concurrents.

«Les grandes questions qui se posent encore consistent à savoir quand les marchés seront vraiment complètement rouverts et si le e-commerce va continuer à croître à plein régime même lorsque les boutiques seront à nouveau pleines.»