est le croisement de deux besoins identifiés qui a donné naissance à la Fondation Battenberg en 1962. Andreas Nauer, récemment nommé CEO de la fondation, raconte: «À cette époque, il y avait, d’une part, la réalisation du potentiel des personnes en situation de handicap sur le marché du travail et la nécessité de mieux les y intégrer. Et d’autre part, le manque de main d’œuvre qualifiée dans le secteur en plein développement de l’horlogerie de l’époque. Les patrons de l’industrie se sont alors associés pour créer la fondation.»

En 1965, ils investissent dans la construction du premier bâtiment de la structure à Bienne. La fondation l’occupe toujours. Avec la crise du quartz dans les années 1970, elle décide d’élargir son champ d’action à d’autres secteurs comme l’électronique, l’industrie mécanique ou encore le commerce, tout en restant concentrée sur l’aide aux personnes bénéficiaires de l’assurance-invalidité (AI). «Le but a toujours été - et c’est le cas aujourd’hui encore - l’intégration des personnes en difficultés profondes dans le premier marché de travail», insiste le nouveau CEO.

Andreas Nauer, nouveau CEO de la Fondation Battenberg

Les liens avec l’horlogerie restent forts - Jean-Daniel Pasche, patron historique de la Fédération de l’industrie horlogère suisse FH, a d’ailleurs aussi présidé la Fondation Battenberg jusqu’à cette année.

Mais après le geste initial des patrons horlogers dans les années 1960, comment a été financée la fondation? «Aucune subvention de la commune, du canton ou de l’état fédéral ne rentre dans notre budget. Seules trois sources nous permettent de fonctionner et de grandir. Premièrement, les assurances AI et chômage qui font appel à nous. Ensuite, les ventes de nos produits et services aux entreprises ou aux particuliers. Enfin, une petite partie provient des dons privés, notamment en nature, comme les 106 tonnes de tissus collectés en 2022», répond Andreas Nauer.

Ce fonctionnement a permis à la fondation, qui compte aujourd’hui environ 250 employés, de se diversifier vers d’autres secteurs économiques et d’assurer sa transformation digitale pour répondre toujours au mieux aux besoins du marché de l’emploi suisse.

Les entreprises suisses se tournent donc vers la fondation lorsqu’elles ont des besoins spécifiques. Mais quelles sont leurs motivations? Le coût? La pénurie de main d’oeuvre qualifiée? Stefan Kuonen, responsable du domaine d’activité Horlogerie, Industrie et Artisanat et membre de la direction, rectifie: «C’est souvent nous qui allons vers les entreprises pour leur montrer le potentiel des personnes que nous formons et la qualité de nos formations. Ensuite, elles voient très bien le double intérêt que nous offrons: des travaux productifs de grande qualité, comme tous les montages T1, T2 ou T3, ou l’emballage, par exemple, et une intégration au marché du travail de personnes en difficulté pour la dimension sociale inclusive.»

Stefan Kuonen, responsable du domaine d’activité Horlogerie, Industrie et Artisanat

L’horlogerie représente une part toujours importante des clients de la fondation - «de l’ordre de 15 à 20%», précise Andreas Nauer. Mais tous leurs partenaires expriment une même motivation quant à l’intégration sur le marché du travail d’une frange sociale souvent délaissée.

Est-ce qu’un coût moindre entre en ligne de compte? Stefan Kuonen répond: «Notre but n’est pas de concurrencer les autres acteurs du recrutement ou de l’économie. Nos coûts sont parfaitement en phase avec le marché. C’est plutôt sur les délais que nous pouvons faire la différence, en particulier sur des tâches simples comme l’emballage, le changement de piles ou le raccourcissement des bracelets.»

C’est en 1962 que la fondation est lancée à Bienne, à l’initative de dirigeants horlogers locaux, avec pour objectif l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap.

Et de renchérir: «Pour les petites structures horlogères, la fondation peut devenir un vrai partenaire qui effectue différents travaux pour l’industrie horlogère, jusqu’au pliage des boîtes en carton pour les montres, voire pour présenter les produits grâce à notre Media Design, par exemple en créant un site internet, des photos ou des articles imprimés. Des services centralisés bien utiles pour les petites entreprises.»

Mais la fondation propose également des réparations (SAV) pour les montres de plus grandes marques. Elle est en effet certifiée par une douzaine de celles-ci (Balmain, Certina, Groupe Festina, Hamilton, Longines, Mido, Nomos Glashütte, Omega, Rado, TAG Heuer, Tissot, Vogard) pour mener des réparations avec les composants d’origine fournis par lesdites enseignes. Preuve que la fondation a su rester pertinente dans son offre aux entreprises.

Le site de la fondation dédié notamment à l’horlogerie, à Bienne

La stratégie 2025, mise en place depuis 2019, continue dans ce sens. Andreas Nauer confie: «Notre souci premier est toujours l’intégration au premier marché du travail. Nous nous dotons d’une équipe de placement pour être au plus près de l’industrie et des cabinets RH. Nous voulons aussi être innovant dans nos formations. La concurrence est grande. L’AI a beaucoup de choix à sa disposition. Notre proximité avec les industries, notre bilinguisme total et notre organisation efficace sont nos meilleurs atouts.»

Horloge Nixie NX.2, dont les bénéfices de la vente sont réinvestis dans la fondation

Stefan Kuonen confirme: «Auparavant, nous avions quatre ateliers séparés dans l’horlogerie, liés à l’année d’apprentissage. En 2018, grâce à la fusion avec AK15, une autre institution sociale reconnue, nous avons gagné de l’espace. Nous avons opté pour un atelier en open space, car cela reflète la réalité du monde du travail actuel. Nous adaptons également nos méthodes pour qu’elles soient les plus adaptées possibles aux conditions réelles du travail en entreprise. Et, pour la première fois, nous ouvrons un nouveau cours ouvert à tous: le «Watchmaking Adventure». Les participants travaillent sur leur propre montre avec le soutien d’un formateur et l’assistance d’un apprenti et quittent le cours avec leur montre Swiss Made personnalisée.» Une offre innovante qui s’inscrit dans une communication plus ouverte et toujours dans un cadre de responsabilité sociale inclusive.

Au sujet de la politique ESG (Environnementale, Sociale et de Gouvernance), la fondation offre-t-elle des formations spécifiques sur le volet environnemental? Le récent CEO confirme que cela fait partie des plans d’avenir: «Il est évident que toutes les entreprises doivent s’engager plus profondément dans ces sujets. Notre volet social est très fort avec l’inclusion que nous permettons, qui permet aussi d’accroître la diversité au sein des entreprises. Mais nous souhaitons développer d’autres aspects comme l’éco-design, par exemple.» La fondation Battenberg poursuit donc sa mission d’intégration en restant au plus près des préoccupations du marché du travail et des besoins des entreprises. Comme il y a 60 ans.