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Une horlogerie suisse «post-industrielle»?

ÉDITORIAL

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janvier 2022


Une horlogerie suisse «post-industrielle»?

2021 a non seulement été une année de rattrapage mais également une année record pour les exportations. Pour autant, l’horlogerie post-covid n’est plus celle de 2019: polarisation toujours plus marquée vers certaines locomotives du marché, baisse structurelle impressionnante des volumes, augmentation du prix moyen. C’est tout un écosystème qui doit s’adapter à cette industrie toujours moins «industrielle».

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algré un contexte mondial qui reste délicat, l’horlogerie suisse fait preuve d’une résilience remarquable. Elle a notamment su faire face à l’interruption de l’importante manne du tourisme d’achat pour se réorienter vers les clientèles locales, en Chine bien sûr mais également aux Etats-Unis et en Europe.

2021 a non seulement été une année de rattrapage mais également une année record pour les exportations, selon les chiffres de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, à 22,3 milliards de francs, soit 2,7% de plus qu’en 2019 (+31,2% par rapport à 2020) et 0,2% de mieux que le précédent record de 2014.

La FH note que «les biens personnels de luxe ont notamment bénéficié du fort accroissement de la demande chinoise et américaine, des opportunités supplémentaires offertes par la digitalisation, de l’utilisation de l’épargne accumulée pendant les confinements et des restrictions plus importantes imposées au luxe expérientiel, en particulier les activités liées au tourisme». Elle prévoit que «les biens personnels de luxe devraient connaître une demande accrue en 2022».

Les groupes cotés ont eux aussi connu une année de rattrapage, voire de record. Après la première perte de son histoire, Swatch Group a ainsi connu un fort regain, avec un bénéfice net de 774 millions de francs en 2021. LVMH, le champion mondial du luxe, décolle avec un chiffre d’affaires record de plus de 64 milliards d’euros et un bénéfice net de 12 milliards d’euros, soit une forte progression par rapport aux niveaux pré-pandémiques. Quant à Richemont, dont l’exercice est décalé, le groupe a annoncé des revenus en hausse de 35% pour le trimestre se finissant en décembre 2021.

Mais au-delà des groupes justement, un autre signal fort de cette période, portée par le succès des marques indépendantes (petites ou grandes), est la déconsolidation qui semble émerger après deux décennies de rachats par les géants du luxe. Désormais sorties du groupe Kering, Ulysse Nardin et Girard-Perregaux pourront ainsi bénéficier de la prime qui semble profiter aux marques indépendantes. D’autres, peut-être, suivront.

Car l’horlogerie post-covid n’est plus celle de 2019: polarisation toujours plus marquée vers certaines locomotives du marché dont la désirabilité a été décuplée; baisse structurelle impressionnante des volumes (15,7 millions d’unités exportées, soit un recul de 4,9 millions de montres en comparaison avec 2019), notamment dans l’entrée de gamme; augmentation du prix moyen.

C’est tout un écosystème, en commençant par la sous-traitance, qui doit s’adapter à cette industrie toujours moins «industrielle». A chacun de trouver sa propre formule créative pour rejoindre les marques gagnantes de la séquence qui vient de se dérouler. Car c’est très certainement cette nouvelle donne qui distinguera la décennie 2020.

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