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Karine Bauzin: le temps, l’universel et le particulier

mai 2023


Karine Bauzin: le temps, l'universel et le particulier

Du temps de la détente au temps de l’urgence, l’artiste et photographe genevoise Karine Bauzin a parcouru le monde pour nous livrer des instantanés d’une perception très variable. Son exposition «What time is it?» était d’ailleurs l’un des temps forts du salon Watches and Wonders! Elle nous partage quelques-uns de ses clichés.

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ravaillant pour de nombreuses publications, la photographe genevoise Karine Bauzin a l’occasion de sillonner le monde dans le cadre de ses différents reportages. Et depuis une quinzaine d’années – est-ce que ce sont ses origines suisses? – elle a pris l’habitude de demander l’heure à des inconnues et inconnus croisés au fil de ses voyages, afin d’engager la conversation. Et quoi de plus naturel, finalement, comme question d’introduction!

Elle a ainsi entamé une véritable série aux multiples clichés interrogeant la notion de temps, qu’elle soit toute personnelle ou universelle (on remarquera d’ailleurs que le «geste du poignet» reste instinctif et inscrit dans les mémoires collectives, même à l’heure du smartphone).

Le résultat est l’exposition «What time is it?» qui a été dévoilée par la Fondation de la Haute Horlogerie lors de la récente édition du salon Watches and Wonders à Genève, comportant une sélection de ses travaux, ainsi qu’un livre dédié. Mais le temps ne s’arrête jamais et la série de Karine Bauzin se poursuit, au fil de ses rencontres – un travail au long cours…

Angleterre, Bournemouth: «Je devais me rendre à Londres en passant par Bournemouth. Je ne connaissais pas cette ville et je me suis promenée le long de la mer, bordée de cabines de plage. Toutes les portes étaient ouvertes, dévoilant des familles réunies. Pour elles, ces cabines représentent la possibilité de s'approprier quelques mètres carrés au bord de l'eau. Je suis arrivée devant ce couple de retraités: il était assis, elle a regardé sa montre. J'avais ma photo. C'est l'image d'une génération qui entretient un rapport au temps particulier.»
Angleterre, Bournemouth: «Je devais me rendre à Londres en passant par Bournemouth. Je ne connaissais pas cette ville et je me suis promenée le long de la mer, bordée de cabines de plage. Toutes les portes étaient ouvertes, dévoilant des familles réunies. Pour elles, ces cabines représentent la possibilité de s’approprier quelques mètres carrés au bord de l’eau. Je suis arrivée devant ce couple de retraités: il était assis, elle a regardé sa montre. J’avais ma photo. C’est l’image d’une génération qui entretient un rapport au temps particulier.»

France, Megève: «Dans le cadre d'un reportage pour un magazine, j'ai passé une journée entière avec un secouriste à Megève en le suivant durant ses interventions. Pour le prendre en photo de face alors qu'il descendait à fond avec sa barquette, j'ai dû skier à l'envers. Quand j'ai fait cette image, il avait un peu de temps pour moi et je lui ai demandé l'heure. Pendant ce reportage, j'ai pris conscience de l'importance du facteur temps pour les secouristes de haute montagne: il est compté. C'est le temps des urgences.»
France, Megève: «Dans le cadre d’un reportage pour un magazine, j’ai passé une journée entière avec un secouriste à Megève en le suivant durant ses interventions. Pour le prendre en photo de face alors qu’il descendait à fond avec sa barquette, j’ai dû skier à l’envers. Quand j’ai fait cette image, il avait un peu de temps pour moi et je lui ai demandé l’heure. Pendant ce reportage, j’ai pris conscience de l’importance du facteur temps pour les secouristes de haute montagne: il est compté. C’est le temps des urgences.»

Botswana, Delta de l'Okavango: «Je me suis retrouvée au Botswana où il n'y avait pas un seul touriste, pendant la pandémie. Je voulais me déconnecter de cette période. Les voyages m'aident à cela. Pour arriver dans ce lieu, nous avions pris un petit avion de quatre places et avant d'atterrir, il a fallu chasser les éléphants de la piste. C'est un pays où l'on se retrouve face à la nature et l'émerveillement qu'elle procure. Nous dormions dans un lodge où ces femmes nous étaient dédiées. Quand je leur ai proposé de les whatimiser, cela a créé l'animation de la demi-journée! Je voulais montrer le visage de ces personnes qui doivent souvent laisser leur famille à des centaines de kilomètres de là pour travailler.»
Botswana, Delta de l’Okavango: «Je me suis retrouvée au Botswana où il n’y avait pas un seul touriste, pendant la pandémie. Je voulais me déconnecter de cette période. Les voyages m’aident à cela. Pour arriver dans ce lieu, nous avions pris un petit avion de quatre places et avant d’atterrir, il a fallu chasser les éléphants de la piste. C’est un pays où l’on se retrouve face à la nature et l’émerveillement qu’elle procure. Nous dormions dans un lodge où ces femmes nous étaient dédiées. Quand je leur ai proposé de les whatimiser, cela a créé l’animation de la demi-journée! Je voulais montrer le visage de ces personnes qui doivent souvent laisser leur famille à des centaines de kilomètres de là pour travailler.»

Entre Le Cap et Genève: «Je rentrais d'Afrique du Sud et il m'est apparu évident que cette hôtesse de l'air allait incarner une certaine perception du voyage et répondre à un questionnement sur les déplacements dans l'espace et le temps. Quand on travaille dans l'aviation, la notion de décalage horaire fait partie du job. Chaque voyageur qui traverse plusieurs fuseaux horaires a son propre rapport au temps. Lequel est le plus important pour lui: celui où il va, ou celui d'où il part? J'ai dû attendre que l'avion atterrisse et se vide pour faire cette photo.»
Entre Le Cap et Genève: «Je rentrais d’Afrique du Sud et il m’est apparu évident que cette hôtesse de l’air allait incarner une certaine perception du voyage et répondre à un questionnement sur les déplacements dans l’espace et le temps. Quand on travaille dans l’aviation, la notion de décalage horaire fait partie du job. Chaque voyageur qui traverse plusieurs fuseaux horaires a son propre rapport au temps. Lequel est le plus important pour lui: celui où il va, ou celui d’où il part? J’ai dû attendre que l’avion atterrisse et se vide pour faire cette photo.»

Espagne, Barcelone: «Avec ses 1'100 mètres de long, la plage de la Barceloneta attire la jeunesse, les skateurs, les rolleurs. La salle de sport en plein air est gratuite et les gens viennent s'y entraîner. Ce jeune homme s'entraînait avec des amis. Son rapport au temps est scandé: il regarde sa montre pour compter ses squats, ses pompes. Tout en me donnant l'heure, il a continué son entraînement, comme ça, de dos. C'est le seul que j'ai photographié de dos, d'ailleurs.»
Espagne, Barcelone: «Avec ses 1’100 mètres de long, la plage de la Barceloneta attire la jeunesse, les skateurs, les rolleurs. La salle de sport en plein air est gratuite et les gens viennent s’y entraîner. Ce jeune homme s’entraînait avec des amis. Son rapport au temps est scandé: il regarde sa montre pour compter ses squats, ses pompes. Tout en me donnant l’heure, il a continué son entraînement, comme ça, de dos. C’est le seul que j’ai photographié de dos, d’ailleurs.»

Japon, Nara: «Nous étions fin mai. Les cerisiers avaient terminé leur floraison et le Parc de Nara était envahi de cerfs. J'ai vu ce jardinier chaussé de jikatabi, ces chaussures à un orteil, qui venait de descendre de l'arbre. J'avais l'impression qu'il sortait d'un manga. Il m'a indiqué l'heure dans une ambiance féérique. Je me suis demandée s'il était dans la réalité ou si j'étais en train de rêver?»
Japon, Nara: «Nous étions fin mai. Les cerisiers avaient terminé leur floraison et le Parc de Nara était envahi de cerfs. J’ai vu ce jardinier chaussé de jikatabi, ces chaussures à un orteil, qui venait de descendre de l’arbre. J’avais l’impression qu’il sortait d’un manga. Il m’a indiqué l’heure dans une ambiance féérique. Je me suis demandée s’il était dans la réalité ou si j’étais en train de rêver?»

USA, New York: «Ce joggeur arrivait de Central Park. Nos chemins se sont croisés dans une bouche de métro. Son allure de super-héros m'a interpellée, mais plus encore, sa montre astucieuse: il avait ajusté son téléphone portable à son poignet avec deux gros élastiques, alliant l'esthétisme à l'utilitaire par le biais de la technologie. Et par-dessus tout, j'avais un décor de cinéma en arrière plan: une ambiance de métro délabré. On était dans la réalité ou une fiction?»
USA, New York: «Ce joggeur arrivait de Central Park. Nos chemins se sont croisés dans une bouche de métro. Son allure de super-héros m’a interpellée, mais plus encore, sa montre astucieuse: il avait ajusté son téléphone portable à son poignet avec deux gros élastiques, alliant l’esthétisme à l’utilitaire par le biais de la technologie. Et par-dessus tout, j’avais un décor de cinéma en arrière plan: une ambiance de métro délabré. On était dans la réalité ou une fiction?»

Italie, Venise: «J'ai volontairement choisi cet angle-là, avec les arches de la place Saint Marc. J'avais envie de montrer une Venise un peu cliché, intemporelle. Sur cette place, on traverse les siècles. Chaque fois que l'on revient dans cette ville, on sait que l'on va retrouver ici ces mêmes tables, ces mêmes nappes, ce même serveur attendant l'affluence des touristes. C'est ce que j'aime dans cette image: ce rapport au temps. Venise existera-t-elle toujours ou pas?»
Italie, Venise: «J’ai volontairement choisi cet angle-là, avec les arches de la place Saint Marc. J’avais envie de montrer une Venise un peu cliché, intemporelle. Sur cette place, on traverse les siècles. Chaque fois que l’on revient dans cette ville, on sait que l’on va retrouver ici ces mêmes tables, ces mêmes nappes, ce même serveur attendant l’affluence des touristes. C’est ce que j’aime dans cette image: ce rapport au temps. Venise existera-t-elle toujours ou pas?»

Grèce, Athènes: «Après avoir fait cette photo, je me suis souvenue de certaines images de Martin Parr, à l'Acropole, avec des touristes. Cet homme, avec ses bretelles, m'a séduite. Entre sa chemise bleue, ce ciel bleu, ce lieu touristique, j'avais devant moi une image de temps arrêté qu'il me fallait whatimiser.»
Grèce, Athènes: «Après avoir fait cette photo, je me suis souvenue de certaines images de Martin Parr, à l’Acropole, avec des touristes. Cet homme, avec ses bretelles, m’a séduite. Entre sa chemise bleue, ce ciel bleu, ce lieu touristique, j’avais devant moi une image de temps arrêté qu’il me fallait whatimiser.»

«WHAT TIME IS IT?», LE LIVRE DE L'EXPOSITION: Photographies: Karine Bauzin, textes: Isabelle Cerboneschi, format: 220 x 280 x 20 mm, 144 pages, couverture cartonnée (4 couvertures disponibles), prix: 30 CHF, Editions Good Heidi Production, www.goodheidiproduction.ch
«WHAT TIME IS IT?», LE LIVRE DE L’EXPOSITION: Photographies: Karine Bauzin, textes: Isabelle Cerboneschi, format: 220 x 280 x 20 mm, 144 pages, couverture cartonnée (4 couvertures disponibles), prix: 30 CHF, Editions Good Heidi Production, www.goodheidiproduction.ch

L’exposition de photographies de Karine Bauzin sera également à retrouver à la Fondation de la Haute Horlogerie au Pont de la Machine à Genève du 1er juin au 10 septembre 2023.

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