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«Les héritiers des paysans-horlogers» – un film de Claude Schauli

octobre 2024


«Les héritiers des paysans-horlogers» – un film de Claude Schauli

La plupart des films horlogers produits aujourd’hui sont le fait des marques elles-mêmes. Aussi virtuoses et séduisants soient-ils techniquement, ils ne font souvent que raconter une histoire tronquée. Ils omettent la plupart du temps l’apport fondamental des artisans et des spécialistes indépendants qui concourent activement – et savamment – à procurer toute leur valeur aux pièces qu’ils produisent. Le beau film de Claude Schauli qui sort en ce moment sur les écrans de Suisse romande leur donne la parole.

I

ls et elles se nomment Georges Cattin'>Cattin, ancien boîtier aujourd’hui conservateur du Musée de la boîte de montre, Sophie Cattin-Morales, émailleuse, Georges Brodbeck, guillocheur, Christian Laufer, angleur (entre autres), Yvan Jeanneret, spécialiste lui aussi de l’anglage et du perlage, Rachel Monard, peintre sur cadran, Micaela Fahrni, restauratrice, ainsi que Wolfgang Carrier, fin connaisseur des réalités horlogères du Locle et de La Chaux-de-Fonds, Sylvie Pipoz, responsable du patrimoine neuchâtelois, Morghan Mootoosamy, conservateur au Château des Monts, le musée de l’horlogerie du Locle, et enfin Jacky Epitaux, patron des montres Rudis Sylva, propriétaire de l’Hôtel et de l’Espace des Paysans-Horlogers, qui fait travailler tout ce beau monde. Sans oublier un graveur qui tient à rester anonyme.

Loin des feux de la rampe

Loin des feux de la rampe, peu enclins à prendre la lumière, modestes, ces artisans et spécialistes représentent pourtant la substantifique moelle de la haute horlogerie suisse romande – et dans ce cas, plus précisément jurassienne. Ils ne proviennent pas de nulle part mais sont le fruit d’un territoire et les fils et filles d’une longue histoire. Comme le dit Rachel Monard, peintre miniature, «dans cette région, on a été élevé, bercé dans l’horlogerie, on vit avec, on respire avec…»

Le titre du film le dit explicitement: ces artisans d’exception sont les descendants directs des paysans-horlogers, de ces «horlogers à la fenêtre» qui, l’hiver venu, travaillaient dans leur ferme en sous-traitants pour les prestigieuses maisons de Genève et les établisseurs de La Chaux-de-Fonds, du Locle et d’ailleurs. Avec chacun sa spécialité, ils formaient un dense réseau d’artisans, aux compétences complémentaires et recherchées, qui, malgré les évolutions historiques, l’arrivée des grandes manufactures et la constitution des puissants groupes, a perduré et perdure toujours.

C’est sur un tel tissu d’artisans et d’artisanes que s’appuie Jacky Epitaux qui, pour fabriquer ses précieuses montres Rudis Sylva – de l’ancien nom de son hameau d’origine – fait appel à un réseau d’une cinquantaine de ces artisans horlogers, qui tous collaborent entre eux, et dont nombre témoignent dans ce film.

Chez chacun d’eux, chez chacune d’elles, on retrouve un même état d’esprit, une semblable vision du monde, profondément enracinée dans le territoire et intimement liée au patrimoine de la région. «J’ai l’impression de n’être qu’un maillon d’une longue chaîne, de travailler à l’intérieur d’une fourmilière horlogère», témoigne l’émailleuse Sophie Cattin-Morales qui s’enorgueillit de «pratiquer une technique ancestrale».

«Les marques ne donnent jamais ou presque le nom des artisans qui travaillent pour elles. C’est un choix marketing, regrette l’angleur Christian Laufer, mais Jacky Epitaux lui, tout au contraire, nous met en avant.»

Travailler «en apnée»

Ceci dit, leur relatif anonymat ne semble pas les contrarier outre mesure. Ce qui les motive toutes et tous sans exception est le profond amour de leur travail. «J’aime le toucher du pinceau – de l’épaisseur d’un cheveu – je rentre comme en apnée, mon état d’esprit est proche de la méditation, il faut patience, persévérance, concentration… J’en oublie parfois de respirer», détaille Rachel Monard.

«Il faut aimer rester assis à explorer le monde du tout petit. C’est comme une plongée dans un univers à part en faisant abstraction complète de l’extérieur», renchérit Christian Laufer. Sébastien Jeanneret, horloger complet sur l’établi duquel atterrissent tous les composants terminés par ses compagnons artisans, s’émerveille: «Je donne vie au mouvement à partir de composants qui ne bougent pas. Il y a un fort côté émotionnel. Je crée du rêve. C’est un geste artistique.»

Art ou artisanat?

Art ou artisanat? Comme le rappelle le graveur anonyme, qui dit adorer la collaboration entre les divers savoir-faire et s’enrichir au contact de la mixité des techniques en jeu au cours de la réalisation collective d’une montre, cette différence n’a aucune importance. D’ailleurs, insiste-t-il, «pour les Asiatiques, l’artisanat est supérieur à l’art».

A plusieurs reprises, le réalisateur Claude Schauli pose la question aux artisans au sujet du prix de vente très élevé des montres sur lesquelles ils travaillent, entre 200’000 CHF et 250’000 CHF pour une Rudis Sylva.

Le même graveur lui répond que pour lui, pour les artisans, c’est «un bon signe» quant à la valeur de leur travail, la preuve que des gens apprécient encore l’artisanat d’art à sa juste mesure. Mais il se dit aussi s’en «inquiéter pour la marche du monde, la concentration des richesses… J’aime mon métier, mais sa finalité m’interpelle.»

Quand on pose la même question au guillocheur d’exception qu’est Georges Brodbeck, celui-ci, qui considère son travail comme étant vraiment «un art», répond qu’il n’accorde aucune importance au prix des montres auxquelles il collabore. «Que ce soit pour une montre bon marché ou une montre de luxe, ce qui m’importe avant tout est de faire le boulot au mieux. Peu importe le prix.»

Et ce qui compte aussi avant tout pour lui, comme pour tous les autres, c’est de transmettre. Transmettre les connaissances qu’ils ont reçues, partager les savoir-faire, dévoiler les secrets du métier, afin que la longue chaîne des héritiers des paysans-horlogers se poursuive.

Le film de Claude Schauli œuvre également en ce sens.


«Les héritiers des paysans-horlogers» – un film de Claude Schauli

Séances déjà programmées en présence de l’auteur et parfois d’un artisan horloger:

5 octobre en soirée – Cinéma Cinélucarne Le Noirmont

6 octobre à 14h – Cinéma Casino Le Locle

6 octobre à 19h – Cinéma Lux Les Breuleux

8 octobre à 20h – Cinéma Espace Noir à St-Imier

9 octobre à 18h – Cinéma Cinématographe à Tramelan

12 octobre à 17h – Cinéma Cinémajoie à Porrentruy

13 octobre à 10h – Cinéma Scala à La Chaux-de-Fonds

13 octobre à 12h15 – Cinéma Apollo à Neuchâtel

13 octobre à 18h – Cinéma Bellevaux à Lausanne

14 octobre à 20h – Cinéma Palace à Bévilard

16 octobre à 19h30 – Cinéma Cinémont à Delémont

Dès le 16 octobre – Zinéma à Lausanne

17 octobre à 20h – Cinéma d’Oron à Oron

18 octobre à 20h30 – Cinéma Colisée à Couvet

19 octobre à 17h30 – Cinéma Le Cinoche à Moutier

20 octobre à 18h – Cinéma Royal à Tavannes

26 octobre à 18h – Cinéma Royal à Ste-Croix

27 octobre à 17h30 – Cinéma Urba 1 à Orbe

28 octobre à 20h – Cinéma BIO à Carouge (Genève)

29 octobre à 18h30 – Cinéma Rex à Fribourg

30 octobre à 18h30 – Cinéma Corso à Martigny

Dès le 30 octobre – CDD à Genève

31 octobre à 18h30 – Cinéma Apollo de Payerne

3 novembre à 17h – Cinéma Ciné2520 La Neuveville

6 novembre à 20h – Cinéma La Bobine au Sentier

7 novembre à 18h30 – Cinéma Prado de Bulle

18 novembre à 20h30 – Cinéma Rex à Aubonne

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