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EBERHARD N’IRA PLUS A BASELWORLD

Le Carnet de Pierre Maillard

octobre 2017



Après plus de 70 ans de présence à Bâle, Eberhard jette l’éponge et quitte Baselworld. Mario Peserico, directeur général d’Eberhard & Co tenait à le dire haut et fort.

EBERHARD N'IRA PLUS A BASELWORLD "Oui, c’est une décision douloureuse, nous déclare-t-il d’emblée. On ne rompt pas si facilement que ça une ’union’ qui dure depuis 70 ans. Longtemps, nous étions situés au premier étage de la Halle 1. L’année dernière, nous avons investi lourdement pour installer un nouveau stand à la Halle 1.0, au rez-de-chaussée. Nous étions très heureux de ce changement favorable et si nous avons investi autant, ce n’était pas pour le court terme. Or cette année, nous avons dû prendre la difficile décision de renoncer à Baselworld 2018. Cette décision ne nous fait pas plaisir, nous avons toujours cru en un Baselworld le plus large possible, ouvert à tous, petits et grands mélangés dans la plus saine des émulations. Or tout ça, c’est fini. Ce grand rassemblement de toute l’industrie va peu à peu perdre de sa vitalité et de son importance…« Mais comment en est-on arrivé là? »Les problèmes sont multiples. Il y a la question du coût, qui est franchement devenue rédhibitoire. Non seulement le coût de la location d’un emplacement, mais tous les coûts prohibitifs de Bâle: hôtels surfacturant leurs prestations médiocres, repas à des prix insensés, taxis, tout à Bâle est devenu hors de prix et personne, ni les organisateurs, ni la Ville, ni la Fédération Horlogère ne semblent s’en soucier vraiment. Il aurait fallut trouver tous ensemble des solutions à cette inflation insupportable. Et tandis que les coûts montent, aucun service nouveau n’est proposé. En ce qui concerne Baselworld et les emplacements des stands, nous avons proposé des alternatives mais toutes nos suggestions sont restées lettre morte. Baselworld ne nous a offert que des solutions concoctées avec les grands groupes et qui n’offrent aucun intérêt pour nous, qui ne nous permettent pas d’améliorer nos perspectives commerciales, raison de notre présence. Il n’est pas normal que d’un côté les grands groupes y gagnent commercialement et que de l’autre les petits soient pressurisés à l’extrême.« Carence de nouveaux concepts »Je pense aussi que Baselworld devrait s’ouvrir à de nouveaux concepts, notamment dans le domaine-clé de la communication. Confrontés à la baisse des visiteurs professionnels et du nombre de journalistes présents, il fallait innover. La solution n’est pas de perdre encore et encore des exposants. Au rythme actuel, l’hémorragie risque d’être vraiment impressionnante. A terme, il ne pourrait subsister qu’un tiers des exposants. L’année dernière, il y en avait déjà 200 de moins. En restera-t-il bientôt plus que 500…? C’est grave car, à notre sens, la force de l’horlogerie suisse réside dans sa diversité créative. Or on assiste à un délitement progressif, donc à une perte de la substance et de l’innovation qui ont fait le succès de l’horlogerie helvétique. On oublie trop souvent que les indépendants sont l’aiguillon indispensable à la bonne santé créative du tout« . »Ceci dit, quitter Bâle est une douleur mais c’est aussi pour nous l’opportunité de nous rapprocher au plus près des marchés et d’y investir directement, par la communication, par des actions ponctuelles, par des contacts plus suivis. Ces dernières années, nous avons travaillé notre marque dans l’entrée de gamme, dans le milieu de gamme – remportant même un prix au GPHG 2016 avec le Scafograf qui coûte 2’500 CHF alors que le prix moyen des montres présélectionnées dans cette catégorie était de 180’000 – ou dans notre haut de gamme. Nous avons donc l’opportunité de communiquer beaucoup de choses directement sur les marchés."

EBERHARD N'IRA PLUS A BASELWORLD
Le Scafograf d’Eberhard

Le SIHH et ses satellites genevois est-il une solution de remplacement?

« Avoir un stand à la Halle 1.0 était une belle image. Nous quittons Baselworld mais pas parce que nous aurions des difficultés. Non, nous n’acceptons plus les conditions qui nous sont imposées. Genève n’est pas pour nous une alternative. Nous ne voulons pas être en marge d’un événement, logés en périphérie du rassemblement principal dans des hôtels, des lounges ou des magasins, aussi beaux soient-ils. Nous étions heureux d’être au cœur d’une manifestation. Celle-ci n’est plus ce qu’elle était, c’est une perte pour tout le monde. Mais, comme je vous l’ai déjà dit, cette perte ouvre sur de nouvelles opportunités, directement sur les marchés. Et nous continuerons de militer pour que, face à cette perte de substance, tous les acteurs se réunissent et imaginent de nouvelles solutions. »

Dont acte.