Artisanat


Ferdinand Berthoud: naissance et renaissance

English
octobre 2025


Ferdinand Berthoud: naissance et renaissance

A temps pour le dixième anniversaire de la résurrection de la Chronométrie Ferdinand Berthoud sur la scène contemporaine, son équipe a présenté le troisième opus de la série artisanale «Naissance d’une montre» portée par la fondation Time Æon. Un projet conceptualisé par Karl-Friedrich Scheufele et mené par plus de 80 artisans entre Fleurier et Genève, qui couronne une exigence, celle de traduire au 21ème siècle – et au poignet – l’esprit de la grande horlogerie classique.

L

e timing n’aurait pu être mieux adapté: pour les dix ans de la renaissance du nom de Ferdinand Berthoud sous l’impulsion de Karl-Friedrich Scheufele, c’est à la «Naissance d’une montre» que l’on assiste chez l’horloger de Fleurier, du nom du projet lancé sous l’égide de la fondation Time Æon. Après le premier opus réalisé par Philippe Dufour et Michel Boulanger, vendu plus d’un million de francs aux enchères, le deuxième réalisé par Urwerk, Greubel Forsey et Oscillon, voici donc le troisième épisode réalisé par Ferdinand Berthoud qui a pour objectif de fabriquer une montre selon des procédés entièrement artisanaux.

«En 2014, nous avons découvert le projet Naissance d’une montre, grâce à Stephen Forsey et Philippe Dufour, se remémore Karl-Friedrich Scheufele en présentant le premier modèle de la nouvelle série à Genève. Puis nous avons suivi la deuxième réalisation. Par rapport aux deux premiers projets, nous avons eu l’idée d’inclure un plus grand nombre d’artisans issus de différents domaines, pour finalement réunir plus de 80 membres de l’équipe (de la Chronométrie Ferdinand Berthoud et de Chopard, ndlr) afin de travailler ensemble sur un seul et même projet.»

Coïncidant avec les 10 ans de la Chronométrie Ferdinand Berthoud, Naissance d'une Montre 3 est un rêve particulièrement ambitieux de son fondateur et président Karl-Friedrich Scheufele.
Coïncidant avec les 10 ans de la Chronométrie Ferdinand Berthoud, Naissance d’une Montre 3 est un rêve particulièrement ambitieux de son fondateur et président Karl-Friedrich Scheufele.

Cette quête artisanale a même donné lieu à une nouvelle structure au sein de la manufacture de Fleurier, l’«Atelier Tradition», équipé de machines d’antan retrouvées et remises au goût du jour. Ce projet se pérennise donc. Mais dans le cadre de «Naissance d’une montre 3», ce sont bien onze montres, portant la signature de la Chronométrie Ferdinand Berthoud, qui seront produites en tout, dont la première sera vendue aux enchères chez Phillips en association avec Bacs & Russo en novembre, les dix autres étant déjà réservées par de grands collectionneurs à travers le monde.

L’émotion d’une grande détermination

«Quand on veut, on peut!», s’exprime encore Karl-Friedrich Scheufele, qui a mis autant d’obstination à mener à bien ce projet entamé en 2019 que, plus généralement, à faire revivre le nom de Ferdinand Berthoud depuis maintenant une décennie. On le sent d’ailleurs très ému, entouré de sa famille, lorsque son équipe lui fait la surprise d’un gâteau anniversaire dans le pop-up aménagé pour l’occasion au centre de Genève. A travers cette naissance d’une montre, cette renaissance d’un nom, mais aussi tout son parcours marqué notamment par l’ouverture de la manufacture L.U.C. à Fleurier en 1996 (relire à ce sujet le dossier Générations dans Europa Star 1/25), il s’inscrit dans une belle et grande tradition.

«Nous vous présentons un garde-temps fini, qui, nous l’espérons, écrira l’histoire de l’horlogerie, poursuit-il. C’est un moment très émouvant pour moi. Les recettes de cette vente serviront à former les personnes qui aiment l’horlogerie, à aider celles et ceux qui enseignent l’horlogerie, ainsi que la micromécanique. C’est un grand honneur de présenter cette montre pour la renaissance de Ferdinand Berthoud.» Le dixième anniversaire est aussi commémoré par la sortie d’un livre dédié aux éditions Assouline.

Ferdinand Berthoud: naissance et renaissance

Naissance d’une Montre, troisième chapitre

Inspiré de la Montre de poche Astronomique N° 3 de Ferdinand Berthoud exécutée par Jean Martin en 1806, cet exceptionnel garde-temps de poignet, certifié «Chronomètre» par le COSC et intégralement réalisé à la main avec des outils traditionnels, sans assistance numérique conformément aux règles de la Fondation Time Æon, présente des caractéristiques techniques et esthétiques dans la plus belle des traditions. Il représente le «temps qui instruit», selon les mots de Louis Berthoud (neveu de Ferdinand Berthoud).

La Montre de poche Astronomique N° 3 de Ferdinand Berthoud, exécutée par Jean Martin en 1806.
La Montre de poche Astronomique N° 3 de Ferdinand Berthoud, exécutée par Jean Martin en 1806.

Cette édition de onze garde-temps contemporains est animée par l’association inédite d’un balancier bimétallique fendu de type Guillaume, à compensation thermique, avec un système à force constante à fusée-chaine. Ce mouvement, logé dans un boîtier en or 18 carats de 44 mm de diamètre, est intégralement visible côté cadran.

Après 11’000 heures de travail et six années d’efforts, le premier exemplaire de ce projet hors norme voit le jour. Il a fait appel à tout le savoir-faire interne et l’expertise de différents corps de métiers à Fleurier et Meyrin: design et ingénierie, laboratoire, fonderie, mécanique, micromécanique, bijouterie, polissage, déc ration et horlogerie. Une base de données de milliers de photos et vidéos a également été patiemment constituée, afin d’illustrer et expliquer les méthodes retenues pour la création de chacun des composants du mouvement et d’habillage de la montre.

Ferdinand Berthoud: naissance et renaissance

Naissance d’une montre 3 s’inscrit dans la lignée de l’apprentissage et de la transmission du savoir-faire horloger, chers à Ferdinand Berthoud et à son talentueux élève et neveu Louis Berthoud (1754-1813). En 1812, ce dernier publie un ouvrage, relatant les leçons d’horlogerie prodiguées aux quatre élèves dont le gouvernement lui avait alors confié la charge, intitulé Entretiens sur l’horlogerie à l’usage de la Marine.

Louis Berthoud conclut son récit par cette phrase: «[...] pour parvenir à une grande précision, ils (ses élèves) n’ont plus besoin que de temps et d’expérience [...]» et termine par une maxime : «AU TEMPS QUI INSTRUIT». Cette maxime est gravée à la main au dos du mouvement.

L’Atelier Tradition

«L’objectif n’était pas d’adapter l’esthétique de la collection en fonction de ce qu’il était possible de faire de manière traditionnelle, mais de prendre le parti inverse en adaptant les moyens et machines pour parvenir au résultat souhaité, explique Jonathan Richard, reponsable du marketing et de la communication au sein de la Chronométrie Ferdinand Berthoud. Nous n’avons pas non plus voulu réduire nos critères de qualité en passant au fait main, les exigences et tolérances étaient les mêmes que sur tous nos modèles. Comme tous ceux-ci, ce modèle est d’ailleurs lui aussi certifié chronomètre par le COSC.»

Mis en place dès 2021 à Fleurier, l’Atelier Tradition voit aujourd’hui trois micro-mécaniciens travailler sur des machines-outils restaurées. Tous les composants du mouvement y sont fabriqués. A raison de deux par année, la production des onze garde-temps occupera donc l’activité de cet atelier dans les cinq prochaines années.

 Conformément aux règles de la Fondation Time Æon, chaque composant de Naissance d'une Montre 3 a été fabriqué sans assistance numérique, un à un, intégralement à la main ou avec des outils traditionnels, pilotés par l'œil, la main et l'esprit humains.
Conformément aux règles de la Fondation Time Æon, chaque composant de Naissance d’une Montre 3 a été fabriqué sans assistance numérique, un à un, intégralement à la main ou avec des outils traditionnels, pilotés par l’œil, la main et l’esprit humains.

Daniel Bolognesi, responsable de la transmission du savoir-faire horloger au sein du groupe Chopard, a trouvé les machines-outils artisanales nécessaires pour équiper cet atelier – encore fallait-il les faire fonctionner et trouver les mécaniciens pour les utiliser. «Tout comme M. Berthoud à son époque, nous avons tracé la voie dont nous avions besoin en concevant également nos propres outils, souligne Vincent Lapaire, directeur général de la Chronométrie Ferdinand Berthoud. Nous sommes d’ailleurs heureux de constater qu’il y a beaucoup de jeunes dans notre atelier.»

 Le Calibre FB-BTC.FC est équipé d'un balancier bimétallique fendu de type Guillaume, à compensation thermique, en Invar et laiton, ainsi que d'un système de transmission par chaîne et fusée.
Le Calibre FB-BTC.FC est équipé d’un balancier bimétallique fendu de type Guillaume, à compensation thermique, en Invar et laiton, ainsi que d’un système de transmission par chaîne et fusée.

En charge de la vente du premier modèle, le commissaire-priseur Aurel Bacs s’émerveille lui de ces outils fabriqués avant le recours à l’informatique: «Fabriquer au 21ème siècle une montre comme au 18ème siècle, c’est un pari un peu fou. Des générations bénéficieront de ce projet, qui n’a jamais été réalisé à des fins commerciales ou par vanité, mais pour préserver les savoir-faire – c’est le chronomètre dans sa forme la plus pure et la moins ostentatoire.»

Patrimoine sublimé au 21ème siècle

Cette définition peut s’appliquer à l’ensemble de la – très rare – production de la Chronométrie Ferdinand Berthoud depuis sa renaissance en 2015. Dès le début, la reconnaissance a été au rendez-vous, avec l’Aiguille d’or remportée au GPHG seulement un an plus tard pour ce projet dans lequel Karl-Friedrich Scheufele s’est investi très personnellement.

Un projet qui est finalement dans une belle continuité depuis l’ouverture en 2006 par Chopard du musée L.U.CEUM qui retrace l’histoire de la mesure du temps et suit l’acquisition un an plus tôt de la Montre Astronomique n°3 de Ferdinand Berthoud. Cette acquisition a été un élément déclencheur. Les droits sur le nom de celui qui est né à seulement cinq minutes de l’actuelle manufacture de Fleurier sont rachetés à ce moment, mais sans encore savoir précisément ce qu’il en adviendra: il faudra dix ans de recherches pour parvenir à la première montre contemporaine portant le nom de la Chronométrie Ferdinand Berthoud, la FB1, en 2015.

Les codes de conduite sont clairs: quel type de montre le grand horloger aurait-il pu concevoir aujourd’hui, avec les outils actuels? Il s’agit d’une interprétation moderne de la chronométrie, en aucun cas la réédition d’un chronomètre historique de marine. Le style va à l’essentiel de la mesure de la précision. Il s’impose par sa pureté, sans décoration su- perficielle. C’est un pari esthétique autant que technique. Il s’avère gagnant, beaucoup plus tôt même que ses initiateurs ne l’avaient imaginé. Le nom de Ferdinand Berthoud réapparait en majesté.

Quatre brevets sont alors déposés sur le système de la réserve de marche à cône mobile, le montage du barillet et de la fusée suspendus, ainsi que l’affichage de la seconde centrale grâce au tourbillon inversé. Le boîtier octogonal des débuts, très contemporain, est fortement identitaire mais polarise une partie de l’opinion. Sur la FB2, en 2020, un nouveau boîtier circulaire est introduit, tout en conservant les grands principes posés cinq ans plus tôt. Sur le régulateur tourbillon squelette en édition limitée, les collectionneurs peuvent d’ailleurs librement choisir entre les deux types de boîtiers.

La production est très limitée – moins de 400 pièces Ferdinand Berthoud de nouvelle génération ont été produites en dix ans – et des réservations sont actuellement prises jusqu’en 2028. La collection FB3 est présentée cette année dans une nouvelle version en platine, là encore dans deux livrées, l’une plus classique aux tons roses, l’autre plus contemporaine avec son PVD noir.

Pas moins de neuf calibres exclusifs et trois collections ont été présentés depuis 2015. Le Chronomètre FB1 au boîtier octogonal emblématique, la collection FB2 dont la géométrie du boîtier réinterprète la forme des Horloges Marines et la FB3 qui s'inspire des montres à longitudes conçues par Ferdinand Ber thoud. A l'occasion du 10ème anniversaire de la Chronométrie Ferdinand Ber thoud, la collection FB 3SPC à spiral cylindrique s'enrichit d'une série en édition très limitée de garde-temps en platine.
Pas moins de neuf calibres exclusifs et trois collections ont été présentés depuis 2015. Le Chronomètre FB1 au boîtier octogonal emblématique, la collection FB2 dont la géométrie du boîtier réinterprète la forme des Horloges Marines et la FB3 qui s’inspire des montres à longitudes conçues par Ferdinand Ber thoud. A l’occasion du 10ème anniversaire de la Chronométrie Ferdinand Ber thoud, la collection FB 3SPC à spiral cylindrique s’enrichit d’une série en édition très limitée de garde-temps en platine.

Réinterprétés, la fusée-chaîne et le remontoir d’égalité d’une seconde portent l’esprit de Ferdinand Berthoud jusqu’au 21ème siècle. Au cours de sa vie, le maître horloger avait pensé à cette transmission de connaissance, écrivant de nombreux traités. Encore lui fallait-il trouver un écho et des héritiers jusqu’en cette lointaine année 2025. Pouvait-il seulement l’imaginer?