a philosophie de Depancel est de refléter les différentes facettes de la passion automobile», souligne Clément Meynier, qui a lancé la marque horlogère en 2018. Cela se retrouve jusque dans le nom de la marque, qui associe ceux des constructeurs automobiles historiques français Delage, Panhard et Facel Vega. Un clin d’œil au dynamisme entrepreneurial de l’industrie automobile, notamment dans la période de l’entre-deux-guerres: «Beaucoup ont été réquisitionnées pour fournir du matériel militaire durant la guerre, avant de disparaître dans le grand mouvement de consolidation du secteur de l’après-guerre.»
Associer montres et automobiles, en soi, ne sort pas des sentiers battus, tant les liens entre les deux univers sont exploités symboliquement et commercialement jusqu’à plus soif dans l’industrie horlogère. L’originalité de la jeune marque tient plutôt à deux de ses facettes: le parcours de son fondateur, un ingénieur spécialisé en recherche nucléaire, et le modèle d’affaires de la marque basé sur la co-création.
- Clément Meynier a fondé la marque horlogère Depancel en 2018.
La parcours de Clément Meynier, d’abord: passer du CERN à Kickstarter n’est en effet guère commun! «A la fin de mes études, j’ai travaillé au CERN pendant deux ans et demi, jusqu’en 2014, explique l’entrepreneur. Mais la recherche théorique m’ennuyait: je voulais faire de la physique appliquée. L’horlogerie m’intéressait particulièrement.»
Du CERN au e-commerce
La plateforme de financement participatif Kickstarter connaît en ces années un essor particulièrement impressionnant. Des dizaines de nouvelles marques horlogères tentent leur chance chaque année. Le taux de survie au-delà des trois ans est cependant loin d’être garanti – ou comment passer de l’accélérateur de particules du CERN au temps accéléré du e-commerce…
- La collection Serie-R, le best-seller actuel de Depancel au boîtier rectangulaire
Après quelques années d’apprentissage du «milieu», Clément Meynier se lance finalement en 2018 avec la pré-vente de premiers modèles Depancel sur la plateforme: des modèles assemblés à Besançon et destinés aux «gentlemen drivers» avec une touche sportive – des pièces quartz à automatiques Miyota (dont le modèle Auto 24h avec calendrier et fonction 24h) allant de 149 à 479 euros. Levant plus de 240’000 euros pour 625 montres écoulées, l’entrepreneur peut poursuivre son aventure. L’année suivante, il lance, toujours sur Kickstarter, une montre cette fois-ci rectangulaire, évoquant les calandres de véhicules des années 1930.
- L’équipe de Depancel
L’aspect participatif de Depancel ne se limite pas au financement: Clément Meynier a voulu impliquer sa communauté dans la conception même de ses modèles. «Le choix du mouvement, de la taille ou encore du tarif des premières pièces a été déterminé suite aux votes de notre communauté», explique l’entrepreneur. Un modèle qui tend à se développer dans un certain nombre de nouvelles marques (comme Code 41, lire ici) mais aussi des marques plus anciennes (comme Alpina, lire ici).
L’aspect participatif de Depancel ne se limite pas au financement: Clément Meynier a voulu impliquer sa communauté dans la conception même de ses modèles.
Eviter les stocks
Mais le risque n’est-il pas, avec ce modèle, de manquer d’identité et de personnalité propre, en suivant le vote de la majorité? Clément Meynier cherche le juste équilibre entre les impulsions qu’il entend donner à la marque et les feedbacks qu’il reçoit de sa communauté, forte aujourd’hui de 45’000 membres: «Nous savons assez clairement ce que nous voulons atteindre pour ne pas nous faire dicter la direction de la marque. Nous laissons simplement le choix entre plusieurs possibilités sur lesquelles nous avons nous-mêmes travaillé, par exemple en matières de mouvements, de couleurs ou encore de bracelets, et nous donnons le prix de chaque option.» Depancel travaille depuis ses débuts avec le designer horloger Gaël Boujon.
Après ses deux premiers lancements sur Kickstarter, la marque vend désormais ses créations exclusivement sur son propre site. Elle y applique le même système de précommandes: «Cela permet de bien synchroniser l’offre et la demande, d’éviter la surproduction et l’accumulation de stocks, tout en affichant un prix attractif, souligne Clément Meynier. Je reste d’ailleurs toujours bluffé par la volonté des gens d’acheter des montres même sans les avoir vues et de nous soutenir. C’est extrêmement motivant!»
Collaboration avec Motul
En 2020, suite aux votes de sa communauté, Depancel a lancé une première collection Swiss made, équipée de mouvements fournis par le motoriste STP: la Serie-P, proposée à un peu plus de 1’000 euros. C’est d’ailleurs dans cette même ligne que la marque vient de proposer en précommande l’un de ses modèles les plus ambitieux à ce jour, en collaboration avec Motul, la fameuse firme française spécialisée dans les lubrifiants pour moteurs, présente sur les circuits auto et moto du monde entier.
- Proposée à 695 euros en précommande, la Serie-P Pista 24 Motul Edition est équipée d’un mouvement Miyota 9132. En clin d’œil aux courses d’endurance qui durent jusqu’à la tombée de la nuit, le modèle est doté d’indexes et chiffres appliques SuperLumiNova et d’une fonction 24h à indication jour/nuit.
La nouvelle Serie-P Pista 24 Motul Edition est naturellement inspirée du monde de l’endurance automobile. Les motifs du centre du cadran rappellent la grille de radiateur des voitures de course, et ceux sous le tour des heures font référence aux disques de frein. Surtout, cette collaboration avec Motul ouvre les portes des circuits automobiles à Depancel. «Avec eux, nous sommes présents sur plusieurs univers de courses, dont le rallye Dakar, et nous allons lancer des modèles dédiés à chacune de ces courses», précise Clément Meynier.
- L’indication à 12h, travaillée à l’image d’une jauge d’essence, permet de contrôler l’état de la réserve de marche.
Si la marque ne travaille qu’en vente directe actuellement, elle envisage une présence physique sur les courses, rallyes et événement automobiles, à travers des pop-up stores: «Ce sont moins les salons horlogers que les salons automobiles qui nous intéressent. Nous voulons nous trouver une place dans les événements automobiles. De plus, nous avons commencé à constituer une écurie Depancel avec des pilotes en devenir.»
«Nous voulons trouver notre place dans les événements automobiles. De plus, nous avons commencé à constituer une écurie Depancel avec des pilotes en devenir.»
Un premier chronographe
Cette année a aussi été celle du lancement du premier chronographe de la marque, la Serie-A Allure – un pas indispensable pour une marque ancrée dans l’imaginaire automobile. Pour cela, la marque a récupéré un stock de 500 calibres ETA/Valjoux 7753, modifiés en Bi-Compax. Une manière également de pallier les défis logistiques actuels qui se posent à la marque comme à l’ensemble de l’industrie: «Nous avons trouvé les bons fournisseurs mais les circuits d’approvisionnement sont tendus du fait de la pandémie. Certains composants pour lesquels nous étions livrés en quatre mois prennent aujourd’hui entre un an et un an et demi pour arriver.» Plus de 10’000 membres de la communauté de Depancel ont voté sur l’élaboration de ce chronographe à motif nid d’abeille, surface satinée circulaire et poussoirs champignons, proposé dès 1’595 euros.
- Serie-A Allure, le premier chronographe de Depancel
Quel positionnement privilégiera la communauté de Depancel à l’avenir? Clément Meynier table sur une gamme qui s’étendra à terme de 300 à 3’000 euros. Un modèle plus exclusif, équipé d’un module chronographe réalisé avec Dubois Dépraz, est en préparation pour l’an prochain. «L’écart se creuse toujours plus entre un positionnement envisagé sur une horlogerie abordable et les possibilités offertes par une industrie suisse qui monte toujours en gamme», relève cependant l’entrepreneur.
A ce jour, sur plus de 8’000 modèles écoulés, la grande majorité des clients sont Français et passionnés d’automobile… à l’image du créateur de la marque. Forte de son expérience des projets communautaires et de la co-création, Depancel livre également en coulisses nombre de commandes spéciales pour des clubs automobiles. «Notre enjeu est désormais l’internationalisation de la marque, conclut Clément Meynier. Avec notre chronographe, nous avons commencé à toucher les Etats-Unis.»