Portraits


Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

novembre 2025


Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

En 1973 naissait le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC), fruit d’un long processus d’unification de la chronométrie suisse. Cinquante ans plus tard, l’institution prépare un tournant majeur: une nouvelle certification appliquée à la montre entière, pensée pour répondre aux attentes contemporaines de performance. Son président Sébastien Cretegny et son directeur Andreas Wyss retracent pour nous l’évolution du COSC, ses défis et sa vision pour l’avenir.

L’

un des grands défis auxquels doit faire face le COSC, comme d’autres institutions chronométriques, est l’éclatement de cette scène: certaines manufactures ont recourt à des certifications internes, les labellisations se sont multipliées, et les normes ISO sur lesquels se basent ces certifications ont besoin d’être révisées.

L’acteur historique dominant de la certification chronométrique suisse, le COSC, a donc un vif besoin de se réinventer pour assurer sa pertinence. Il s’est largement ouvert dans sa communication depuis le début de l’année et prépare un tout nouveau standard. Des évaluations neutres et indépendantes par ses tiers restent en effet essentielles à la crédibilité de l’ensemble de la branche. Rencontre.

Europa Star: Revenons aux origines: pourquoi le COSC a-t-il été créé en 1973?

Sébastien Cretegny: À l’époque, la chronométrie suisse reposait encore sur une multitude de bureaux d’observation: au Locle, à Bienne, à Soleure, dans les écoles d’horlogerie… Les étudiants observaient quotidiennement les montres en test. Chaque bureau appliquait ses propres critères. Lorsque les marques se sont mises à produire sur plusieurs cantons, cela devenait ingérable: un même mouvement pouvait recevoir plusieurs bulletins de chronométrie différents.

Andreas Wyss: Les horlogers ont donc sollicité la FH et les cantons pour harmoniser les méthodes et la tarification. Le COSC est né ainsi, rassemblant sept laboratoires: Vallée de Joux, La Chaux-de-Fonds, Saint-Imier, Soleure, Le Locle, Bienne et Genève. L’idée était simple: créer une certification unique, neutre et reconnue par tous.

Pourquoi plusieurs de ce laboratoires ont-ils été fermés?

Andreas Wyss: La réalité économique s’est imposée. Les laboratoires n’étaient pas rentables. Genève a fermé, puis Saint-Imier en 1978. Aujourd’hui, il reste trois sites: Bienne, Le Locle et St-Imier Par sécurité, ils sont dimensionnés pour pouvoir se remplacer mutuellement: si un laboratoire venait à interrompre son activité du jour au lendemain, les autres pourraient absorber la charge.

Sébastien Cretegny: C’est une logique de résilience: un système redondant pour garantir la continuité de la certification. Mais cela implique des structures surdimensionnées en permanence. D’où l’importance de trouver un nouvel équilibre.

Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

La norme ISO 3159, fondement du COSC, date de 1976. Pourquoi n’a-t-elle pas évolué?

Sébastien Cretegny: C’est une critique récurrente. Certains pensent que la norme est devenue «trop facile». C’est faux. Certifier des centaines de milliers de pièces par an nécessite une stabilité industrielle très élevée, difficile à maintenir. Mais il est vrai que la norme ISO, avec ses cinq positions fixes, reflète une époque qui n’est plus la nôtre.

Andreas Wyss: Nous reconnaissons qu’elle doit évoluer. Mais nous ne voulons pas l’abandonner. La norme ISO restera la base. Ce que nous préparons, c’est un nouvel étage de certification, complémentaire à celui des mouvements: un test sur la montre terminée, qui reflète directement ce que vit le client au poignet.

Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

À quoi ressemblera cette nouvelle certification?

Sébastien Cretegny: Les premiers tests sont prévus début 2026. Nous voulons pousser la chronométrie vers un standard d’excellence plus exigeant, sans imposer des technologies irréalistes. L’objectif est d’offrir au client une réassurance de qualité, un gage de fiabilité en adéquation avec les conditions réelles de portée d’une montre. Le COSC ne va pas imiter d’autres organes de certification ni entrer en concurrence avec le Poinçon de Genève, qui s’est d’ailleurs orienté vers l’esthétique plus que la chronométrie.

Andreas Wyss: Il s’agira d’un étage supplémentaire. Toutes les marques ne pourront pas l’atteindre immédiatement. Mais cela apportera une réelle différenciation. Notre rôle n’est pas de définir l’esthétique d’une montre: nous certifions la performance, la précision, l’excellence technique.

Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

Comment situez-vous le COSC face à METAS?

Andreas Wyss: Lancé par Omega, le label METAS a été une avancée, mais il repose sur une barrière technologique très élevée: la résistance à 15’000 gauss. Peu d’acteurs maîtrisent cela. Il ne s’agit pas d’une certification universelle comme ce que propose le COSC.

Sébastien Cretegny: Contrairement à une idée répandue, les montres certifiées METAS ne peuvent pas utiliser le terme Certified Chronometer. Et une partie de leurs tests est réalisée au sein même de Swatch Group. Ce qu’apporte le COSC, c’est une certification neutre, indépendante, avec une valeur ajoutée unificatrice que personne d’autre ne propose aujourd’hui.

Patek Philippe, lui, n’a jamais été un client significatif du COSC… De plus en plus de maisons fondent leur propres certifications, comme dans leur cas ou le récent Laboratoire de précision.

Sébastien Cretegny: Le Poinçon Patek répond à une logique propre, mêlant chronométrie et esthétique. Chaque maison suit sa voie. Le terrain reste ouvert pour une certification indépendante universelle. C’est exactement la place que nous voulons occuper.

Comment fonctionne le COSC aujourd’hui?

Andreas Wyss: En interne, nous sommes huit collaborateurs. Mais nous nous appuyons sur environ 170 opérateurs externes, formés par nous, dans les cantons partenaires. Ce modèle existe depuis l’origine: les capacités d’observation n’ont jamais été centralisées.

Sébastien Cretegny: Nous testons environ 2,5 millions de montres par an, ce qui correspond à environ 40% de la production mécanique suisse. Rolex et Omega sont des clients historiques. Mais il reste 60% du marché hors certification COSC. Il y a encore un grand potentiel.

Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

Le financement du COSC repose-t-il sur des fonds publics?

Andreas Wyss: Non. Aucun. Le COSC est financé exclusivement par les prestations facturées aux marques. C’est un point essentiel: il garantit notre indépendance.

Comment le paysage de la chronométrie change-t-il?

Sébastien Cretegny: La sous-traitance se concentre toujours plus sur le haut de gamme. L’écosystème se transforme. Mais la demande pour des certifications différenciantes augmente. Les marques cherchent à prouver leur excellence, surtout dans le haut de gamme.

Une révision de la norme FH sur l’antimagnétisme est en cours. Quel sera l’impact?

Andreas Wyss: Nous suivrons les nouvelles prescriptions et nous allons resserrer fortement les tolérances. Le magnétisme est devenu l’un des premiers facteurs de perturbation d’une montre mécanique. Il faut adapter les normes à la réalité moderne.

Après 50 ans, le COSC se forge un nouveau destin

Le COSC a relancé les concours de chronométrie en 2010. Pourquoi cela n’a-t-il pas perduré?

Sébastien Cretegny: Pour notre anniversaire au Musée du Château des Monts, nous avions tenté de pérenniser le concours. Rapidement, le niveau était tellement élevé que terminer premier ou deuxième devenait… préjudiciable. La compétition finissait par desservir les participants.

Que souhaitez-vous pour les 50 prochaines années du COSC?

Andreas Wyss: Consolider notre rôle d’institution indépendante, capable d’accompagner l’industrie horlogère suisse sans dépendre d’elle. Dans un monde où certaines marques internalisent leurs certifications, notre neutralité est un atout rare. Notre rôle est également de garantir au client final une valeur supplémentaire: la certitude d’une mesure objective et fiable, reconnue au-delà des marques elles-mêmes.

Sébastien Cretegny: Avec la nouvelle certification sur montre complète, la révision des normes et un travail structurel engagé depuis juin, nous voulons que le COSC reste la référence de la chronométrie suisse. Le cinquantième anniversaire n’est pas une conclusion: c’est le début d’un nouveau cycle.