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Balthasar de Pury: quand les montres ont une «âme»

PARAPHERNALIA

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décembre 2018


Balthasar de Pury: quand les montres ont une «âme»

Au début, il y avait la passion des insectes, après est venu le skate-board et ensuite seulement les montres. A l’école, c’était 0 en gymnastique, 6 en histoire, 100% en skate-board et cancre pour le reste. Mais en rentrant à la maison, c’était du lèche-vitrines devant les boutiques des horlogers.

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u début, il y avait la passion des insectes, après est venu le skate-board et ensuite seulement les montres. A l’école, c’était 0 en gymnastique, 6 en histoire, 100% en skate-board et cancre pour le reste. Mais en rentrant à la maison, c’était du lèche-vitrines devant les boutiques des horlogers.

Aujourd’hui, Balthasar, 35 ans, officie à la fois chez Piaget et à la Fondation de la Haute Horlogerie mais file dès qu’il le peut dans le Val de Travers.

Alors après les insectes, Balthasar de Pury s’est mis à collectionner les montres. Au début, ce furent les Swatch, puis une première montre automatique acquise aux Puces, une seconde, neuve. Des mois d’épargne. Intrigué, il a voulu comprendre comment ça marchait. Et du coup, le voilà tombé dedans.

Aujourd’hui, Balthasar, 35 ans, officie à la fois chez Piaget et à la Fondation de la Haute Horlogerie mais file dès qu’il le peut dans le Val de Travers. Là, il rejoint un domaine acquis par ses ancêtres en 1680, devenu «le jardin secret familial» dont Balthasar de Pury est désormais le «gardien, le roc». Un de ses ancêtres y a herborisé avec Rousseau; non loin, il y avait les Bovet de Chine.

Mais pour autant la famille de Pury, une fameuse lignée neuchâteloise de militaires, de politiciens et de négociants, n’a aucun lien, si ce n’est de proximité géographique, avec l’horlogerie. Est-ce ce pourtant ce long passé familial qui expliquerait que désormais seul le «vintage» intéresse le collectionneur raffiné et érudit que, de montre en montre, ou plus exactement d’histoire en histoire, Balthasar est devenu?

Il nous corrige: «Aujourd’hui, tout est devenu périssable. Mais prenez en mains une montre qui dort depuis des décennies, remontez-la et elle revit ! Mieux, cette montre endormie tourne toujours, elle a une histoire à raconter, un vécu. Elle dit le temps mais en même temps elle raconte quelque chose, elle me fait rêver. Un horloger l’a réglée, quelqu’un l’a portée, tous deux sont depuis longtemps disparus, mais elle, elle est toujours là, elle bat toujours la mesure.»

Balthasar de Pury: quand les montres ont une «âme»
  • 1. QUATRE MONTRES DE POCHE SUR UN GANT (DE GAUCHE À DROITE)
    « Quatre montres, quatre histoires. La première est une montre d’école sur calibre IWC. Elle provient d’un élève, mais ses finitions sont absolument magnifiques, dignes d’un Philippe Dufour. Aujourd’hui, on ne forme plus que des opérateurs. C’est une horlogerie qui n’existe plus, ou alors à des prix de fous. La seconde est une Omega qui vient de chez Somazzi, un des tout premiers détaillants d’Omega, et qui existe toujours aujourd’hui.La troisième date de 1941 et est la première montre de poche Omega étanche. Une pièce ultra-rare. La quatrième, une Universal, est une pièce unique qui a appartenu à un chef de train, un certain August Ruggli. Son petit-fils ml’a vendue. Elle est d’une finesse exceptionnelle. Toutes les quatre sont d’une pureté absolue. »
  • 2. DEUX LEMANIA IDENTIQUES
    « Quand j’ai trouvé la première montre, je pensais qu’elle était unique. A son dos était gravé la mention « Marchissy, A ses soldats, Lucien Pilloud, 1939 – 1945 » Une montre de soldat. Puis voilà qu’un an après, je tombe sur une autre, absolument identique mais gravée « Burtigny, Albert Pilloud, 1939 – 1945 ». Les deux ont été vendues par le même détaillant. Les deux, semblables, sont les seuls modèles connus de leur genre. Les deux sont dans le même jus. Les deux ont été séparées pendant 70 ans, et les voici réunies, à nouveau cote à côte. Incroyable. »
  • 3. UNE MONTRE DE GENDARME
    « C’est une montre sans marque. Elle n’a aucune valeur particulière sauf ce qu’elle évoque et ce qu’elle transmet. Je la trouve belle. Ce qui me plaît c’est son histoire généreuse : un cadeau fait dans les années 40 au Brigadier Billieux par ses collègues du Poste de Rive (NDLR Un quartier de Genève). On se prend à imaginer la vie de cet homme par ailleurs inconnu. »
  • 4. LA MONTRE DE MON GRAND-PÈRE MATERNEL
    « Mon grand-père était pilote de nuit dans le Squadron 219 de la RAF, pilote « from dusk to dawn ». Le 13 mars 1942, il a reçu cette montre à la fin de son école de pilotage en Floride. Il l’a conservée au poignet durant toute la guerre, au cours de 400 sorties de nuit. Il fut un des seuls survivants de son escadron. Et dire qu’elle ne fait que 29 mm de diamètre ! »
  • 5. FONTAINE À ABSINTHE
    « Longtemps interdite mais désormais réhabilitée, l’absinthe, la « fée verte » qui rendait fous les poètes, a toujours été distillée en cachette dans le Val de Travers. L’absinthe est une des composantes de cette terre comme l’est l’horlogerie. A sa façon, elle en est inséparable et tout visiteur de nos terres doit impérativement y goûter. »
  • 6. PETIT TABLEAU CHAMPÊTRE
    « Il date du XVIIème ou du XVIIIème. C’est une petite peinture sur bois, naïve et presque surréaliste à la fois. Sa composition est un peu étrange. Les nuages ont de drôles de formes. Mais il s’en dégage une émotion particulière qui m’en a rendu tout de suite amoureux. Il me la fallait à tout prix. Pourquoi ? Qui le sait ? Une histoire cachée, sans doute.»

Cet ancrage dans le temps d’un objet lesté d’une histoire expliquerait à ses yeux tout l’attrait ressenti par des millenials en quête de sens envers une horlogerie passée mais toujours si vivante. Des objets avec une «-âme», à rebours d’objets issus désormais du seul marketing ?