our réussir à s’imposer chez Montblanc, dont les racines se trouvent dans le monde de l’écrit, mieux vaut disposer d’une solide culture générale et d’un certain appétit pour la littérature (et l’aventure): la marque allemande produit des éditions spéciales d’instruments d’écriture dédiées à des auteurs allant de Victor Hugo à Arthur Conan Doyle en passant par les frères Grimm ou Antoine de Saint-Exupéry.

Ce constat est aussi valable pour la partie horlogère, plus récente, de la maison hambourgeoise fondée en 1906. Laurent Lecamp, son responsable, affiche heureusement toutes ces qualités. Avide lecteur, penseur fasciné par l’histoire, stratège se nourrissant de symboles et de chiffres, il a lui-même publié un livre de référence sur le luxe indépendant, relatant notamment son expérience de fondateur de la marque de Haute Horlogerie Cyrus. Parlant couramment le russe, ancien lutteur aujourd’hui marathonien pratiquant l’ultra-trail, il semble taillé pour l’imaginaire d’aventures épiques de Montblanc.

Laurent Lecamp est en charge de la division horlogère de Montblanc depuis janvier 2021.

Après s’être immergé dans la grande culture japonaise pendant plus de six ans à la tête de ce marché – et de la stratégie commerciale internationale – pour Carl F. Bucherer, il a rejoint la division horlogère de Montblanc en janvier 2021 et y mène depuis lors un travail de fond bien reconnaissable.

Entre mer et glace

En un an, le modèle de plongée abordable 1858 Iced Sea introduit à Watches and Wonders en 2022, équipé d’un calibre automatique à date sur base Sellita et parfaitement en phase avec la tendance sport-chic qui domine la scène horlogère, est devenu le bestseller de la marque. D’un prix se situant autour des 3’000 francs et d’un diamètre de 41 mm, répondant à la norme ISO 6425 pour montres de plongée, le modèle se distingue par ses choix de cadrans finement ouvragés, reproduisant dans plusieurs coloris disponibles (bleu, vert et à présent aussi dans des nuances de gris) les reflets lumineux que l’on peut apercevoir à travers les couches gelées de la Mer de Glace sur le massif du Mont-Blanc.

Le thème du glacier, justement, est plus que jamais central dans l’architecture horlogère de la marque. Et le processus de création de ces cadrans à motif glacier est bien particulier: il s’agit d’une technique ancestrale appliquée par un fournisseur spécialiste du genre, appelée le «gratté-boisé», nécessitant 30 étapes pour la production d’un seul cadran et qui apporte cet effet particulier de profondeur et de luminosité dans le but de reproduire des cristaux pris dans la glace.

«La première réaction quand on a une Montblanc en main devrait être: regardez ce qui se cache au dos de la montre!», s’exclame Laurent Lecamp. Pour se différencier, la marque a en effet pris le parti d’orner le fond de boîtier du modèle 1858 Iced Sea Automatic Date d’une gravure 3D d’un iceberg et d’un plongeur de couleur noire explorant les eaux glaciaires.

Montblanc vient également de lancer une édition boutique du modèle avec un cadran à motif glacier vert émeraude (une teinte que l’on retrouve parfois réellement en raison des oxydes de fer contenus dans la glace), une lunette en céramique noire ajustée et un fond gravé à relief en 3D représentant un plongeur de couleur verte de plus grande taille que sur la collection régulière. «Tout a un sens: cette gravure cachée au dos illustre tout ce qu’on n’imagine pas mais qui se trouve bien sous les couches de glace, poursuit Laurent Lecamp. Cette idée m’est venue en plongeant sous le lac Baïkal en Russie. Ce sont les Britanniques qui ont les premiers désigné le glacier du Mont-Blanc en tant que Mer de Glace. Il était logique de s’en inspirer pour notre modèle de plongée.»

Plongeant également dans les archives de la marque et titillé par l’emblême original de la marque qui représente le sommet du Mont-Blanc entouré par six vallées glaciaires, le responsable s’est rendu sur le massif alpin pour prendre une multitude de photos des lieux. Des clichés dont il demandera, non sans intuition, à ses équipes de reproduire les jeux de lumière sur les cadrans de la 1858 Iced Sea.

Outre une nouvelle édition grise dans la collection Montblanc 1858 Iced Sea, la marque dévoile également une nouvelle Boutique Edition avec un cadran à motif glacier vert.

Ultime détail (mais qui compte) dans ce parallèle entre glace et mer: la lunette tournante en céramique, dont le son fait penser au... chant du dauphin lorsqu’elle est manipulée! «Pour Montblanc, c’est le bon produit à la bonne taille et au bon prix, résume Laurent Lecamp. Cela explique son succès depuis son lancement l’an dernier.»

A noter encore que la marque vient de dévoiler un coffret en édition limitée qui comprend les deux garde-temps lancés l’année dernière – les éditions verte et bleue – et la dernière nouveauté de cette année couleur gris glacier. Chaque modèle est muni d’une gravure laser colorée représentant une vue différente du Mont-Blanc: la version bleue est ornée de l’Aiguille du Moine, la verte représente Les Drus, et la grise représente Les Grandes Jorasses.

A bout de souffle

Dans cette même logique de se recentrer sur l’environnement de montagne, la marque a noué un partenariat approfondi avec deux alpinistes renommés – pas des acteurs jouant des alpinistes, mais bien des grimpeurs chevronnés.

«Avec Reinhold Messner, nous avons le pionnier, celui qui, le premier, a conquis les quatorze sommets de plus de 8’000 mètres* entre 1970 et 1986 et aussi le premier à avoir réalisé l’ascension de l’Everest sans apport d’oxygène en 1978. Avec Nimsdai Purja, nous avons le plus rapide: celui qui est parvenu à gravir les quatorze «8’000» en seulement six mois et six jours en 2019», explique Laurent Lecamp. En temps normal, une seule expédition prend plus de 12 mois pour un alpiniste aguerri, avec les autorisations requises.

La série Montblanc 1858 Zero Oxygen The 8000 est une nouvelle collection capsule qui rend hommage aux 14 plus hauts sommets du monde – et aux alpinistes qui ont osé les gravir, dont Reinhold Messner et Nimsdai Purja.

Cette symbolique des 8’000 est le thème d’une collection transversale de la marque, baptisée Montblanc 1858 Zero Oxygen The 8000. Les quatre modèles sélectionnés sont tous équipés d’un cadran glacier effet Sfumato gris foncé qui imite la couleur de la roche et de la glace à 8’000 mètres, avec un dégradé de plus en plus foncé en allant vers l’extérieur du cadran.

De plus, tous sont munis d’une certification «Zero Oxygen», garantissant qu’ils ont été conditionnés avec cette technologie propre à Montblanc: le vide d’oxygène dans le boîtier empêche la formation de buée provoquée par les écarts importants de température en altitude, tout en évitant l’oxydation.

Selon la marque, cela augmente par ailleurs la durée de vie des composants en ralentissant leur vieillissement. Le parallèle est donc tout trouvé avec l’exploit de grimper à 8’000 mètres sans bouteilles d’oxygène dont Reinhold Messner est un précurseur. Présent lors de l’introduction des modèles à la presse, le légendaire alpiniste italien expliquait ainsi que «toute l’histoire de l’alpinisme, comme celle de l’horlogerie, est celle de générations qui ont essayé de dépasser les exploits de leurs aînés». Lui-même ne visait pas, dans un premier temps, à établir des records mais simplement à trouver de nouvelles routes d’ascension dans sa région des Dolomites, puis dans le massif du Montblanc et l’Himalaya.

Reinhold Messner a été le premier à gravir les 14 «8’000» sans masque à oxygène, entre 1970 et 1986.

Nimsdai Purja a battu un record de vitesse en escaladant les 14 «8’000» en 2019 en seulement six mois et six jours.

Ce qui l’a conduit à la création d’un nouveau style d’alpinisme, libéré des lourdes contraintes logistiques de ses prédécesseurs, a été son manque de moyens: puisqu’il n’avait pas les fonds nécessaires pour mener une expédition d’envergure, il a décidé au milieu des années 1970 de partir au Pakistan avec seulement 200 kilos de matériel contre les tonnes requises habituellement. En trois jours, il trouve une nouvelle route. Quelques années plus tard, il s’attaquera à l’Everest sans oxygène. Mais son plus beau souvenir reste l’ascension du K2, le «plus beau sommet» qu’il ait jamais vu, entouré d’un «cosmos infini». Un sommet que l’on retrouve gravé au dos d’un des modèles de la collection, la 1858 Geosphere 0 Oxygen The 8000, selon les vœux de Reinhold Messner.

Calibre inversé

Une autre facette importante de l’horlogerie Montblanc est l’intégration de la manufacture Minerva, un «puits sans fond d’histoires et d’inspirations». Une architecture inédite avait été dévoilée l’an dernier: la Montblanc Unveiled Secret Minerva Monopusher Chronograph, dotée d’un mouvement à remontage manuel basé sur le chronographe monopoussoir Minerva calibre MB 16.29 qui a la particularité d’être... inversé pour révéler le mécanisme directement sur le cadran. Il s’agit là encore d’un jeu entre côtés pile et face de la montre dont Laurent Lecamp semble friand: contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier coup d’œil, il ne s’agit donc pas d’un mouvement squeletté! Retourner le mouvement semble simple, mais c’est en réalité une opération très technique, car cela signifie qu’il faut également inverser le sens des aiguilles, précise la marque.

Suite à la sortie de deux éditions limitées de la Montblanc Unveiled Secret Minerva Monopusher Chronograph l’an dernier en Lime Gold et en acier inoxydable, Montblanc dévoile une nouvelle édition limitée en acier vieilli de ce modèle.

En 2022, deux éditions limitées de 18 et 58 pièces, respectivement en or lime gold et en acier inoxydable, avaient été con- ues. Cette année, la marque dévoile une nouvelle édition limitée de 88 pièces en «acier vieilli». Un revêtement noir a été appliqué sur le boîtier en acier inoxydable de 43 mm. La matière est ensuite lavée manuellement et brossée avec du quartzite du massif du Mont-Blanc et des pierres calcaires du massif du Jura bernois pour parvenir à cette patine bien particulière.

Une grande première annoncée

Cette nouvelle version est dotée d’une lunette cannelée en or blanc inspirée de la première lunette cannelée de Minerva datant de 1927. Et justement, ce n’est pas tout... Laurent Lecamp a voulu faire ressortir cette lunette caractéristique de l’héritage de la marque en la rendant fonctionnelle. En fin de présentation, il annonce ainsi une grande première pour Watches and Wonders: un chronographe contrôlé non pas par des poussoirs mais par la lunette elle-même.

«Je suis entré chez Minerva avec la seule certitude que je ne savais rien et j’ai passé des semaines dans les riches archives de la marque, explique le responsable. La lunette cannelée est une signature de Minerva depuis 1927. Nous lui rendons honneur en en faisant la pièce maîtresse de ce tout nouveau chronographe, qui est la grande spécialité historique de la manufacture.»

A l’heure où nous écrivions ces lignes, les touches finales étaient apportées pour dévoiler le modèle à Watches and Wonders...

*Les 14 «8’000»: Everest, K2, Kangchenjunga, Lhotse, Makalu,Cho Oyu, Dhaulagiri, Manaslu, Nanga Parbat, Annapurna I,Gasherbrum I, Broad Peak, Gasherbrum II, Shishapangma