Richemont


Montblanc, du camp de base aux sommets de l’horlogerie

ENTRETIEN

English Español
avril 2021


Montblanc, du camp de base aux sommets de l'horlogerie

Montblanc propose certainement la palette de modèles la plus large du circuit horloger contemporain, allant des montres connectées aux exo-tourbillons. L’intégration de la manufacture Minerva la pousse à proposer des créations mécaniques de haut vol, tandis que l’état d’esprit propre à la marque allemande l’encourage à conserver des propositions «démocratiques». Un sillon qui passe entre Le Locle et Villeret et dont la logique vise à générer la plus grande valeur perçue possible. Son CEO Nicolas Baretzki a répondu à nos questions à l’occasion de la présentation des nouveautés 2021.

A

près plusieurs années sous la direction de Davide Cerrato, l’horlogerie Montblanc s’est dotée d’un nouveau responsable, Laurent Lecamp. Son profil est original puisqu’il a co-fondé la start-up horlogère Cyrus en 2010 avant de rejoindre quatre ans plus tard le groupe Bucherer pour développer sa marque Carl F. Bucherer sur un certain nombre de marchés dont le Japon.

Cette double expérience dans l’entrepreneuriat et au sein d’un groupe lui sera certainement fort utile chez Montblanc, où il s’agit de renforcer la légitimité horlogère d’une marque aux origines dans les instruments d’écriture. Un défi complexe mais qu’il est possible de remporter: certains rares «outsiders» ont ainsi réussi à devenir des membres reconnus de l’establishment horloger, comme le montrent les exemples de Chanel ou plus récemment la percée de Bulgari.

Pour y parvenir, Montblanc peut compter sur l’intégration du vaste patrimoine de la manufacture Minerva, rachetée par le groupe Richemont en 2006. Les nouveautés de 2021 sont ainsi largement infusées du patrimoine tant technique qu’esthétique de la manufacture de Villeret, notamment au sein de la collection 1858 (baptisée selon l’année de naissance de Minerva).

Montblanc propose certainement la palette de modèles la plus large du circuit horloger contemporain, allant de sa montre connectée Summit à des grandes complications mécaniques comme des exo-tourbillons.

Le modèle Montblanc 1858 Monopusher Chronograph Origins Limited Edition 100 est la réédition d'un chronographe monopoussoir militaire Minerva de 46 mm des années 1930, équipé du calibre 19-09CH.
Le modèle Montblanc 1858 Monopusher Chronograph Origins Limited Edition 100 est la réédition d’un chronographe monopoussoir militaire Minerva de 46 mm des années 1930, équipé du calibre 19-09CH.

Une intégration qui pousse naturellement la marque vers des sommets variés, entre l’universalité de ses origines dans les instruments d’écriture et la virtuosité technique, plus exclusive, qu’exprime Minerva et qui domine actuellement l’horlogerie suisse.

Concrètement, cela se traduit chez Montblanc par la palette de propositions sans doute la plus large du circuit horloger contemporain, allant de la montre connectée Summit à des exo-tourbillons. En attendant que Laurent Lecamp marque de son empreinte cette horlogerie au rayon d’action particulièrement vaste, nous avons interrogé Nicolas Baretzki, le CEO de Montblanc depuis 2017, sur les grandes orientations de la marque dans un contexte international toujours troublé.

Nicolas Baretzki, CEO de Montblanc, nous présente les nouveautés horlogères de la marque.
Nicolas Baretzki, CEO de Montblanc, nous présente les nouveautés horlogères de la marque.

Montblanc 1858 Monopusher Chronograph Origins Limited Edition 100

Europa Star: Avec la crise pandémique, beaucoup de marques se posent des questions sur leur portfolio. Vous êtes la marque la plus généraliste du groupe Richemont. Est-ce que la place de l’horlogerie au sein de Montblanc a été réévaluée avec cette crise?

Nicolas Baretzki: Stratégiquement cette décision de développer l’horlogerie reste inchangée. Nous sommes bien une marque généraliste avec quatre piliers forts: les instruments d’écriture, la maroquinerie, l’horlogerie et les nouvelles technologies. En revanche ce n’est pas une approche de généraliste qui ferait «un peu de tout» mais une décision assumée d’entrer pleinement dans des domaines différents, avec des équipes dédiées et bien distinctes. A l’origine nous n’étions actifs que dans le domaine de l’écriture. Nous nous sommes fixés l’objectif de toujours entrer avec expertise dans d’autres domaines afin d’en devenir des acteurs de poids, donc en internalisant le métier de fond en comble.

«Dans notre métier d’origine, les instruments d’écriture, on trouve des propositions allant de l’entrée de gamme jusqu’à des produits très exclusifs. Nous appliquons la même philosophie en horlogerie.»

Dans le cas de l’horlogerie, cela voulait dire devenir une vraie manufacture. Nous avons démarré avec une première structure en 1997 au Locle avant de bénéficier de cette énorme opportunité qu’a été l’intégration de Minerva à partir de 2006. Mais c’est certain que la pandémie a été un accélérateur du changement et des réflexions. Le changement principal va concerner la manière dont nous communiquons. D’un côté, nous voulons accentuer le message sur Montblanc en tant que «grande maison de tradition», que les différentes catégories de produit viennent soutenir. En parallèle, il s’agit de mieux exprimer en quoi la vision globale de la maison s’exprime dans ces différentes catégories. C’est un dialogue qui fonctionne donc dans les deux sens et va renforcer la cohérence de la marque. Le but est que le client entre dans une de nos boutiques, pas nécessairement pour un produit spécifique, mais par l’attraction de notre maison elle-même.

Montblanc, du camp de base aux sommets de l'horlogerie

Sur les segments de prix aussi, vous affichez un profil très généraliste allant de la montre connectée à moins de 1’000 francs à la grande complication mécanique. Un grand écart qui peut se révéler autant une force qu’une faiblesse…

Nous procédons ainsi de longue date en écriture également. Cette structure est donc assez similaire à celle de notre métier d’origine: on y trouve aussi des propositions d’entrée de gamme jusqu’à des produits très exclusifs, des séries limitées ou des pièces exceptionnelles qui peuvent atteindre deux millions d’euros. J’y vois plutôt un parallèle qui renforce et légitime cette stratégie.

«Avec la Geosphere, vous bénéficiez d’un mouvement exclusif et d’un design absolument incomparable, soit une valeur perçue très forte à un prix qui en surprend toujours beaucoup.»

La nouvelle Montblanc 1858 Geosphere Édition Limitée 1858 s'inspire de la palette de couleurs du désert et rend hommage à Reinhold Messner et à sa traversée en solitaire de 2'000 km dans le désert de Gobi en 2004.
La nouvelle Montblanc 1858 Geosphere Édition Limitée 1858 s’inspire de la palette de couleurs du désert et rend hommage à Reinhold Messner et à sa traversée en solitaire de 2’000 km dans le désert de Gobi en 2004.

Malgré tout, l’horlogerie suisse dans son ensemble a tendance à monter en gamme. Et vous présentez de nombreuses éditions limitées cette année. Vous dirigez-vous, vous aussi, vers davantage d’exclusivité en horlogerie?

Ces lancements traduisent en fait deux réalités très différentes chez Montblanc. Nous avons mis l’accent cette année sur des produits issus de l’héritage de Minerva, qui renforcent la légitimité de notre pôle horloger. Les séries limitées présentées cette année soutiennent cette démarche. Mais cela, ce n’est qu’un seul axe. De l’autre côté, l’esprit Montblanc nous pousse à offrir le plus de valeur perçue dans un segment de prix qui reste compétitif, comme nous le faisons dans les instruments d’écriture. Cela ne concerne pas que l’horlogerie: c’est la raison d’être de la maison.

Cela s’exprime par exemple avec le modèle Star Legacy à calendrier complet que nous proposons à un peu plus de 4’000 francs. C’est bien cette valeur perçue maximale que nous visons, quel que soit le segment de prix. Autre exemple: le modèle Montblanc TimeWalker Pythagore Ultra-Light. Je ne lui vois pas de concurrent à ce niveau de prix et de finitions… C’est pareil pour la Geosphere: vous bénéficiez d’un mouvement exclusif et d’un design absolument incomparable, soit une valeur perçue très forte à un prix qui en surprend toujours beaucoup - soit 6’000 francs pour les déclinaisons de cette année.

Laurent Lecamp est le nouveau directeur de la division horlogère de Montblanc.
Laurent Lecamp est le nouveau directeur de la division horlogère de Montblanc.

Montblanc 1858 Split Second Chronograph LE 18

Vous naviguez entre une clientèle Montblanc qui s’intéresse aux montres parmi d’autres produits et des puristes de l’horlogerie qui connaissent bien le patrimoine de Minerva. Comment pouvez-vous initier les premiers à cet héritage tout en convaincant les seconds d’apprécier vos propositions contemporaines?

Avec notre profil, nous avons la chance de toucher la quasi-totalité des acheteurs du luxe. Et nous opérons près de 300 boutiques en propre dans le monde. A travers cette expérience directe dans le commerce de détail, nous avons internalisé une vraie et forte sensibilité à la notion de «client final», qui n’est pas forcément évidente dans l’industrie horlogère. Même si tous nos clients ne sont pas forcément des puristes à la base, nous essayons de les accompagner dans leur cheminement en horlogerie, puisque nous avons justement des propositions propres sur toutes les gammes.

Ensuite, sur les passionnés, il y a effectivement encore un travail à mener pour les convaincre de notre démarche. C’est l’un des grands chantiers du nouveau directeur de notre division horlogère Laurent Lecamp pour les années à venir. Il s’agira notamment de faire évoluer les collections existantes pour leur donner un trait encore plus distinctement «Montblanc». L’apport de Minerva est une source d’inspiration que nous devons sublimer à travers notre propre expression. Son intégration est maintenant complète mais il nous faut encore mieux la communiquer, car cela n’a pas forcément été complètement compris.

«L’intégration de Minerva est maintenant totale mais il nous faut encore mieux la communiquer.»

Egalement inspirée du patrimoine de Minerva, la Montblanc 1858 Split Second Chronograph Édition Limitée 18 a été conçue dans un alliage d'or baptisé «lime gold» en raison de sa couleur dorée profonde tirant sur un jaune vert pâle.
Egalement inspirée du patrimoine de Minerva, la Montblanc 1858 Split Second Chronograph Édition Limitée 18 a été conçue dans un alliage d’or baptisé «lime gold» en raison de sa couleur dorée profonde tirant sur un jaune vert pâle.

S’assurer que nos clients les plus initiés comprennent exactement tout le travail qui a été fait sur l’intégration de Minerva fera aussi partie des grands axes en 2021. L’un des changements les plus imminents est une refonte complète de notre site internet pour bien assurer cette «courroie de transmission» jusqu’aux collectionneurs. Après tout, c’est la première vitrine de notre maison et nous y avons jusqu’à présent été relativement discrets sur l’héritage de Minerva et notre production horlogère plus haut de gamme. Cela va changer: tant pour les instruments d’écriture que pour l’horlogerie, nous allons aussi mettre sur le devant de la scène nos pièces les plus exceptionnelles.