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«Nous voulons créer le COSC de la montre d’occasion»

ENTRETIEN

décembre 2021


«Nous voulons créer le COSC de la montre d'occasion»

Après avoir lancé une association visant à encourager l’emploi dans la sous-traitance, David Sokoloff s’attaque à un nouveau projet: le contrôle indépendant des modèles sur le marché en plein essor de la montre d’occasion. Il nous explique ses intentions.

E

uropa Star: Nous vous avions rencontré lors de la création d’une association visant à soutenir la sous-traitance l’an passé (lire l’article). Où en est ce projet?

David Sokoloff: L’association est en action et compte aujourd’hui plus de 200 membres. Après une année, je garde la même ambition de convaincre les marques d’apporter une pièce du puzzle à cet «hôpital de la sous-traitance», afin de préserver l’emploi horloger. Le marché reste fragile, même si la situation sanitaire s’est améliorée. Les volumes continuent à chuter face à l’Apple Watch et la montée en gamme de l’horlogerie suisse.

Concrètement, qu’avez-vous mis en place?

Nous avons créé une coopérative avec une dizaine de membres de l’association qui étaient en rupture de contrat ou recherche d’emploi, tout en disposant d’une expertise unique – ce sont des horlogers-rhabilleurs, des angleurs, des ingénieurs, ou encore des micromécaniciens. Le problème est que l’industrie horlogère se robotise toujours plus, laissant de côté des savoir-faire humains précieux. Nous avons appelé cette coopérative la Fabrique, en écho à l’histoire de l’horlogerie genevoise. Aujourd’hui nous sommes installés dans le quartier des Nations à Genève mais visons à terme l’installation dans des locaux plus étendus dans le canton.

Qui sont vos clients?

En parallèle aux mandats de sous-traitance exercés pour d’autres marques, nous allons créer nos propres garde-temps mettant en avant les métiers d’art. Le premier projet concerne la peinture sur émail. Nous allons présenter les premiers modèles lors des salons du printemps prochain. Ces modèles seront équipés de mouvements que nous développons nous-mêmes. L’infrastructure de la Fabrique va aussi s’ouvrir à des jeunes talents qui sortent de l’école d’horlogerie. Nous voulons construire toute une chaîne solidaire autour de la coopérative.

Vous présentez un nouveau projet baptisé «Amos» dans la montre de seconde main. En quoi consiste-t-il?

Aujourd’hui, la montre d’occasion explose. Les leaders Chrono24, Chronext, Watchbox ou Watchfinder montent en puissance sur un marché évalué à 20 milliards de dollars. Mais au fond, qui contrôle les montres d’occasion? Bien souvent, ce sont ces plateformes elles-mêmes, qui se retrouvent donc juges et arbitres. Nous voulons donc créer le «COSC» de la montre d’occasion pour contrôler les modèles dans un esprit neutre. C’est un marché peu régulé mais qui véhicule les valeurs de toutes les marques, même si ce ne sont pas celles-ci qui l’opèrent directement. La crédibilité de l’horlogerie suisse est donc en jeu.

Quelle structure prend ce projet?

D’abord une association, qui deviendra une fondation dont le lancement est prévu début 2022. Nous visons la mise en place d’un premier laboratoire comptant douze employés avec une capacité de contrôler près de 5’000 montres d’occasion par an. L’équipement d’un tel atelier coûterait environ CHF 140’000. Nous voulons acquérir des certifications auprès des marques pour contrôler les modèles. Aucune montre ne sortira sans une certification de la marque. Le coût unitaire d’un contrôle sera de CHF 350.

Qui seraient vos clients?

Les plateformes professionnelles et les détaillants actifs dans la montre d’occasion. Nous ne faisons pas du SAV: nous ne réparons rien mais livrons une expertise, le «constat», un peu comme le fait le contrôle des autos. Nous ne prendrons en charge que des modèles Swiss made, mécaniques ou quartz. Le but est de lancer un signal fort dans la montre d’occasion, comme nous le faisons déjà dans la sous-traitance. On peut aussi imaginer faire de la formation avec une spécialisation dans le contrôle de la montre d’occasion. Ce marché doit être mieux régulé.

Justement, comment reliez-vous vos deux activités?

L’emploi que nous offrons aux personnes en rupture de contrat peut concerner autant de la sous-traitance que ce nouveau service de contrôle de la montre d’occasion. Ce sont souvent des profils capables d’avoir une vision assez large du métier mais qui ne se retrouvent plus dans une industrie de plus en plus «compartimentée». Et le but est aussi d’exporter ces laboratoires dans les grands centres horlogers. En même temps, nous ne venons pas concurrencer une activité existante: nous ajoutons un service de contrôle qui n’existe pas aujourd’hui.

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