urieux d’en savoir plus sur cette nouvelle association, Europa Star est allé à la rencontre de la SIHS, logée dans les bâtiments de l’IFAGE, une fondation pour la formation des adultes sise à Genève. Là nous attendaient David Sokoloff, l’initiateur et fondateur de ce projet, et Pierre Hafner, un des six co-fondateurs de l’association (dont Jean-Claude Biver est «membre d’honneur»).
«Nous prenons exemple sur Henry Dunant, c’est un peu gonflé, j’avoue», nous dit d’emblée Pierre Hafner, ancien gérant de fortune, passionné de géopolitique et de justice sociale, aujourd’hui responsable de la communication de la SIHS. «Mais nous voulons être un peu l’hôpital de fortune de la sous-traitance.»
Un parcours atypique
Avant d’imaginer voler au secours de la sous-traitance et de ses emplois menacés (jusqu’à 5’000, estime- t-il), David Sokoloff est lui aussi passé par le monde de la finance. «Mais je ne suis pas un méchant et dans le monde des hedge funds où je travaillais, il fallait l’être», nous avoue-t-il en souriant.
Suite à un malheur familial, il laisse tout tomber et, via un ami qui l’introduit auprès de Jean-Claude Biver, se voit confier la mission stratégique de monter la PLV, les boutiques, la logistique et les événements aux Etats-Unis où Hublot, en pleine expansion, commence à s’implanter sérieusement.
- David Sokoloff et Pierre Hafner font partie des cofondateurs du SIHS.
Il accomplit la tâche avec succès, passe même un permis poids lourds pour comprendre comment fonctionne la coûteuse logistique américaine et met en place un système modulaire performant auquel d’autres marques commencent à s’intéresser. Mais un deuxième coup dur familial lui tombe dessus. Il rentre en Suisse.
Il se dit alors qu’il a certes travaillé pour l’horlogerie mais qu’il ne connaît pas le produit, la montre, de l’intérieur. David Sokoloff s’inscrit alors à l’IFAGE pour suivre une formation dans le module d’horlogerie, qui requiert cinq ans pour obtenir un CFC (Certificat de Capacité Fédérale), dont des stages obligatoires en entreprise.
Au cours de ces semestres, il rencontre toutes sortes de profils, des jeunes, des moins jeunes, des très qualifiés, des chômeurs... (ndlr, la section horlogerie de l’IFAGE, dotée d’ateliers, forme entre 150 et 200 personnes par an). Et peu à peu, il devient le porte-parole de ces gens en formation ou en réinsertion et se rend compte qu’il n’existe pratiquement pas d’association professionnelle (sauf au Tessin localement) qui les représente.
L’idée lui vient alors de créer une entité nouvelle qui réunisse toute la sous-traitance sous un emblème commun. La crise donne un coup de fouet à cette initiative.
Aller chercher le travail
Comment procéder? La première tâche est de convaincre les marques, à commencer par celles qui peuvent être en mesure d’apporter du travail en ces temps de vaches maigres.
«Nous avons des arguments forts, explique David Sokoloff. Nos locaux sont gratuits, le travail est intégralement fait en Suisse, nos prix sont très compétitifs, nous offrons une garantie de qualité, nous participons à l’économie locale, nous contribuons à maintenir de l’emploi qualifié, nous soutenons la formation qui est gage du futur...»
«Mais vous allez nous piquer du boulot!» vont immédiatement rétorquer les sous-traitants, lui dit-on. Il a déjà entendu l’argument. «Pas du tout. L’idée n’est pas du tout de se substituer aux sous-traitants, bien au contraire», répond à son tour Pierre Hafner
«L’idée est de les appuyer et de les soutenir directement, en offrant des alternatives, en proposant d’autres solutions, en proposant du travail, aussi. Si chaque marque donne une petite miette, le gâteau en commun qui en résultera permettra d’agir. Il permettra d’aider l’emploi en offrant, par exemple, des emplois substitutifs ou temporaires, payés aux conditions du marché, ou de trouver des soutiens spécifiques, d’ouvrir d’autres pistes. Le SIHS est comme un hôpital de campagne, un relais, une réserve. Tout est pensé au bénéfice des individus.»
Une place de marché sans but lucratif
Un des objectifs centraux de la SIHS est ainsi de devenir une plateforme, une place de marché, «un lieu où trouver des solutions nouvelles et qui permette de rediriger les forces de travail là où c’est nécessaire. A terme, la SIHS souhaite essaimer dans toute la Suisse en ouvrant des ateliers, des centres, des plateformes locales partout où c’est nécessaire, appuie David Sokoloff. Personne ne doit passer entre les gouttes. Essayons de travailler tous ensemble.»
L’homme est persuadé du bien-fondé de son initiative et a une vraie force de conviction. Aider un secteur au risque de perdre nombre d’emplois, il compte bien y parvenir avec son association, en tissant de nouvelles synergies, en imaginant de nouvelles pistes, en cherchant à créer de nouvelles solidarités. Et en mouillant les deux côtés d’un même pan, marques et fournisseurs dans un commun effort.
Dernière idée en date (qui lui a été suggérée par un article d’Europa Star): profiter de la grande vogue des montres vintage pour monter des ateliers de service aprèsvente dédiés, occupés à remettre en route ces montres qui sortent des tiroirs, les restaurer, les réparer, à les régler.
Une idée parmi tant d’autres qui sont en exploration. Affaire à suivre...