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Longines: les vertus de la stabilité

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Longines: les vertus de la stabilité

Comme un paquebot avançant à vitesse lente mais sûre, la quatrième marque mondiale – sous-médiatisée en Occident par rapport à son poids réel sur le marché – s’est construite un empire en Chine. C’est là qu’elle fêtait son 185ème anniversaire, avec des lignes classiques et un rapport qualité-prix qui continuent de toucher un très large public. Conservatrice? Son patron de longue date, Walter von Känel, connu aussi comme le «Chef», la préfère consistante!

En fouillant les archives de 90 ans d’Europa Star, trois noms reviennent constamment depuis les années 1920: Rolex, Zenith et Longines. Walter von Känel, le président de Longines qui ne manie pas la langue de bois (et c’est tant mieux, mais trop rare!), l’a rejointe il y a plus de quarante ans. La marque de St-Imier fêtait en 2017 ses 185 ans. Elle a été pionnière en Chine, où elle est présente depuis un siècle et demi... et dont les habitants constituent de loin sa plus grande clientèle. Quoi de plus naturel, dès lors, que de fêter cet anniversaire à Pékin? Europa Star était de la partie, dans le magnifique Temple des ancêtres impériaux.

En arrivant à l’aéroport de la capitale chinoise, on s’amuse à chercher la première marque horlogère dont on croisera le regard. Réponse: une horloge Longines. La marque est incontournable ici. Les boutiques la proposant se retrouvent presque chaque 100 mètres sur l’artère commerciale du centre-ville. Pourtant, en Suisse, la marque est plutôt low-profile, alors que ses concurrents de moindre taille (Longines dépasse depuis plusieurs années la barre du milliard de chiffre d’affaires) n’hésitent pas à sortir l’artillerie lourde à la moindre nouveauté, d’autant plus si celle-ci fait preuve d’un peu d’exubérance stylistique.

Car Longines est surtout restée ultra-classique dans son style, une force de référence pour la «première belle montre». A l’inverse, ses concurrents directs ont fortement louvoyé – pour le pire et pour le meilleur – ces dix dernières années. Aujourd’hui, TAG Heuer ou Montblanc proposent non seulement de la smartwatch, mais aussi du tourbillon, étendant leur palette vers le haut et vers le bas, alors que Longines est restée stricte sur son positionnement prix de 1’500 à 3’000 francs. Maurice Lacroix a pour sa part voulu monter en gamme et a perdu beaucoup de terrain sur son marché historique allemand. Quant à Frédérique Constant, challenger dans l’ultra-classicisme du «luxe abordable», elle est en train d’être intégrée au sein du groupe Citizen. Elle aussi a d’ailleurs lancé sa montre connectée, un produit qui semble heurter les oreilles de Walter von Känel lorsqu’on aborde la question...

«Cela fait trois ans que je répète que je n’irai pas dans la montre connectée, sous ma présidence en tout cas! Pour l’instant, cela ressemble beaucoup trop à du bricolage, lorsque les Suisses veulent s’y mettre. Même si cela peut avoir un effet marketing certain...»

Conservatrice, la marque? «Je ne me considère pas comme quelqu’un de conservateur mais de consistant», tient à préciser Walter von Känel lorsqu’on mentionne cet aspect. Le terme est certes devenu mal connoté. Soit. Traditionnel?

Les Chinois restent en tout cas friands de montres mécaniques, rappelle le chef de Longines – celles-ci représentent 90% des ventes de la marque dans le pays. Ils sont également friands de modèles proposés en «pair watches» – 60% des ventes.

Longines: les vertus de la stabilité

«Notre marque est perçue pour avoir le meilleur rapport qualité-prix sur le segment 1’500-3’000 francs, pour être une marque légitime et pas un nouveau venu du fashion, et pour son style classique ainsi que son élégance», poursuit l’imperturbable von Känel. Equilibrée, la marque l’est aussi dans sa répartition des modèles pour hommes et pour femmes: elle vend ainsi plus de 50% de modèles féminins.

Pour rester dans sa cohérence de l’accessibilité classique, Longines est sortie au fil des ans à la fois du sponsoring de la Formule 1 trop élitiste et du cyclisme trop populaire pour se concentrer sur des sports qui lui correspondent – l’élégance et la tradition à l’état pur – comme l’équitation, le tennis et le ski alpin.

Elle fait d’ailleurs appel à des ambassadeurs qui ne sont ni trash ni (trop) posh mais bien sous tous rapports, comme Kate Winslet ou Simon Baker en Occident. Et en Chine, des personnalités locales, par «respect». Des comédiennes qui font tout de même pleurer les gens d’émotion lorsqu’elles apparaissent sur scène, mais sont inconnues en Occident.

Historiquement très bien ancrée dans l’Empire du Milieu, la marque a toujours soigné ses relations avec le gouvernement central – gage de longévité. La clientèle se rajeunit en Chine. Dès lors, outre les ambassadeurs, la marque vient de se lancer sur la plateforme géante de e-commerce chinoise T-Mall afin de séduire ces nouvelles générations. «Ils ont une vraie efficacité quand il s’agit d’établir le profil de leur consommateur grâce aux données qu’ils recueillent, souligne Walter von Känel. Ils pourraient donner des leçons aux services de renseignement, en terme d’analyse de l’information!»

Un premier pas dans la «jungle» du digital, qui est en train de mettre toute l’industrie sens dessus dessous. Après tout, le patron de Longines revendique son accent sur les volumes, à 1,5 million d’unités par an alors que nombre de ses concurrents suisses s’en tiennent à quelques dizaines de milliers de modèles... Et internet est la nouvelle plateforme du «mass consuming».

Longines: les vertus de la stabilité

Présentée à Pékin, la nouvelle collection Record (intégrant un spiral en silicium), toute de sobriété, affiche quant à elle la particularité d’être entièrement certifiée COSC. C’est cela, Longines: avancer par petites touches en s’étendant autour d’un axe central clair. Sans retournement de situation, calmement. La marque est aussi Swiss made dans ses valeurs. Des valeurs sûres. Pas de révolutions: des évolutions.

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