u milieu d’un âge sombre, alors que notre monde ultra-connecté était paralysé par un virus tout aussi connecté, une lueur d’espoir a surgi pour l’horlogerie, en décembre 2020: l’inscription des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art à la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, établie par l’UNESCO. Une reconnaissance qui résonne comme un «point de bascule» pour un art dont l’impact universel est enfin apprécié à sa juste valeur.
Depuis plusieurs décennies en réalité, la transformation de l’horlogerie en une véritable «culture», au-delà d’une industrie ou d’un commerce, est en marche – notamment depuis la renaissance de la mécanique dans les années 1990. Cette transition est encore accélérée par les effets de la crise pandémique, qui voit certes le nombre de montres produites traditionnellement diminuer mais leur valeur culturelle et financière individuelle augmenter, du moins pour celles qui, justement, ont une signification patrimoniale importante.
Sans doute rien ne le démontre davantage que le succès des ventes aux enchères horlogères, même (ou peut-être justement) tenues en ligne en pleine crise. A ce sujet, relisez l’entretien que nous a accordé Aline Sylla-Walbaum, responsable du pôle luxe de Christie’s, qui a mené un admirable travail de préparation des ventes aux enchères à ce nouvel âge numérique.
La survie de l’industrie du temps dépend désormais de sa capacité à maintenir une pertinence sociale et culturelle forte.
Un autre signe qui ne trompe pas, dans cette transformation culturelle de l’horlogerie, est le succès commercial des maîtres-horlogers indépendants – succès inversement proportionnel au nombre de pièces qu’ils produisent chaque année. Tous ont en commun d’ouvrager la matière de leurs propres mains, soit de revenir en quelque sorte aux origines culturelles d’un art qui commence par le «geste juste».
La reconnaissance par l’UNESCO n’est en réalité qu’un point de départ. Car la survie de l’industrie du temps dépend désormais avant tout de sa capacité à conserver une pertinence sociale et culturelle forte. Les actions doivent suivre. Il s’agit de préserver un patrimoine vivant et toujours menacé par les crises économiques, mais de ne pas l’«enfermer» à la manière d’une chasse gardée. Cet art se nourrit à la fois de transmission, de partage et d’innovation. A l’heure du numérique, il y a encore tant à faire pour décupler les énergies de cette culture horlogère à nulle autre pareille. Alors, au travail!