eorg Bartkowiak, l’entrepreneur allemand qui vient de co-fonder Lang 1943, n’est pas un inconnu de nos colonnes: à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, nous avons relayé son travail, notamment à la tête de la marque horlogère indépendante Grieb & Benzinger. Originaire de Pforzheim, ce spécialiste du private label et de la personnalisation a également développé un grand nombre de montres sur mesure à travers sa société ChronoSeven. Au fil des années, il a développé des séries spéciales pour des marques comme TAG Heuer ou Chopard (tous deux pour le Porsche Club of America), ainsi que pour de nombreuses personnalités à travers le monde.

C’est une «commande» très spéciale qui l’a amené à établir la marque Lang 1943 – ou plutôt un dialogue particulier: celui qu’il entretient depuis presque vingt ans avec le maître-horloger allemand Gerd-Rüdiger Lang, qu’il considère comme son «mentor subconscient». Tous deux partagent également une passion pour l’automobile de collection.

En 1994, Europa Star consacre un article à Georg Bartkowiak, un jeune entrepreneur à la tête de Montres Cogito.

©Archives Europa Star

Un modèle de Grieb & Benzinger, la marque longtemps gérée par Georg Bartkowiak, en 2013 dans Europa Star.

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Né en 1943, le fondateur de Chronoswiss fait partie de ces personnalités dont on reconnaît aujourd’hui l’intuition, l’un de ceux qui, dans les années 1980, ont bataillé pour le maintien de l’innovation en horlogerie mécanique alors que l’arrivée du quartz rendait cette tradition plus qu’incertaine, voire obsolète pour beaucoup.

Entre les années 1960 et 1970, Gerd-Rüdiger travaille dans la production de chronomètres, puis au service clients chez Heuer entre la Suisse et l’Allemagne. A l’âge de 37 ans, alors que la crise frappe et que la filiale de Munich dans laquelle il travaille ferme ses portes, il récupère un lot de mouvements mécaniques et les habille d’un design classique: c’est le début de sa marque Chronoswiss en 1983.

Dans les années de doute sur l’avenir de l’horlogerie, Chronoswiss est l’une des marques faisant le pari de la résilience de la montre mécanique. A la fin de cette même décennie 1980, son fondateur Gerd-Rüdiger Lang rachète le stock de mouvements Marvin qui sont justement à la base du projet Lang 1943 aujourd’hui.

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Entretien avec Gerd-Rüdiger Lang paru en 1998 dans Europa Star: «J’ai cru à la renaissance de l’horlogerie mécanique et pris le risque de continuer à fabriquer des montres traditionnelles.»

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Ses innovations sont nombreuses, qui le démarquent dans cette ère incertaine: si le fond du boîtier transparent est devenu monnaie courante dans l’industrie, il en a été l’initiateur. Côté cadran, il expose également les différentes indications de la montre en adaptant l’affichage de type «régulateur» à la montre-bracelet. En 2012, après une trentaine d’années à la tête de la marque et alors que la renaissance de la montre mécanique est actée, Gerd-Rüdiger Lang vend Chronoswiss à Oliver et Eva Ebstein. Ils sont aujourd’hui toujours aux commandes de la marque, à présent établie à Lucerne.

En 2012, Gerd-Rüdiger Lang vend Chronoswiss à Oliver et Eva Ebstein. La marque est aujourd’hui installée à Lucerne.

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La réunion de deux amis

Alors qu’ils ont déjà collaboré par le passé sur des commandes spéciales, les chemins de Georg Bartkowiak et Gerd-Rüdiger Lang se recroisent à partir de 2017, lorsque le second mandate le premier pour cataloguer ses collections et ses archives. Autour de ce patrimoine, l’entrepreneur émet alors une proposition à l’horloger: créer une nouvelle marque. Le maître du régulateur ne se laisse pas tout de suite convaincre. A près de 80 ans, se relancer dans le bain? Deux ans plus tard, après l’élaboration d’un concept de marque, il accepte... mais comme simple «conseiller» de la société qui porte aujourd’hui son patronyme et honore son héritage.

A près de 80 ans, se relancer dans le bain? Gerd-Rüdiger Lang accepte... mais comme simple «conseiller» de la marque qui porte aujourd’hui son patronyme et honore son héritage.

Et tout repart, comme pour les débuts de Chronoswiss en 1983, d’un lot de mouvements mécaniques récupérés par Gerd-Rüdiger Lang: parmi sa collection patrimoniale personnelle cataloguée par Georg Bartkowiak, on trouve en effet… la totalité du stock restant de mouvements à remontage manuel et de composants de la défunte marque Marvin, datant des années 1960 et acquis par l’horloger allemand à la fin des années 1980. Plusieurs dizaines de milliers de pièces. Un trésor.

Inspirée par l’esthétique des années 1940, décennie de naissance de Gerd-Rüdiger Lang, la première montre de Lang 1943, la Field Watch Edition One, est dotée d’un cadran fumé avec finition soleillée et d’un compteur de petite seconde.

Ces calibres étaient alors commercialisés sous le nom Marvin Calibre 700, reconnus pour leur fiabilité et ayant également équipé d’autres marques. Fondée par les frères Marc et Emmanuel Didisheim en 1850, Marvin a connu une croissance extraordinaire (elle compte 300 employés dans les années 1950) et une solide réputation (équipant en calibres d’autres marques comme Zenith) avant de disparaître durant la période de la crise du quartz – ces mêmes années 1980, qui ont justement vu Gerd-Rüdiger Lang lancer sa propre marque (une tentative de relance de Marvin a eu lieu dans les années 2000).

La marque Lang 1943 se lançant à la suite d’une pandémie, avec les contraintes logistiques que cela implique, le recours à ces calibres vintage lui permet de se positionner directement sur des mouvements «manufacture» remis au goût du jour. Simples par leurs fonctions allant à l’essentiel (heures, minutes, secondes), ces mouvements, rebaptisés Calibre L43.1, s’accordent avec le design épuré des modèles: si elles ne sont pas (encore?) elles-mêmes des régulateurs, les montres de Lang 1943 font référence à la fonctionnalité suprême des créations de Gerd-Rüdiger Lang.

Le modèle est équipé d’un fond de boîtier transparent, aujourd’hui commun pour les montres-bracelets mais dont Gerd-Rüdiger Lang a été un pionnier. Ils permettent de voir le mouvement d’origine Marvin 700 retravaillé.

«Avant de les voir moi-même, je savais qu’il avait récupéré un certain nombre de mouvements Marvin, mais je n’en connaissais pas les volumes, ni la valeur des ébauches, souligne Georg Bartkowiak. Ceux-ci se prêtent à nombre de modifications et nous pourrons également les utiliser pour des modules additionnels et des complications.»

Tout repart, comme pour les débuts de Chronoswiss en 1983, d’un lot de mouvements mécaniques récupérés par Gerd-Rüdiger Lang.

Design inspiré des Dirty Dozen des années 1940

En écho à la décennie 1940, la série de lancement de Lang 1943 s’inspire des «field watches» militaires, plus spécifiquement des Dirty Dozen, ces 12 montres légendaires commandées par le ministère de la Défense britanniques. Fabriquées par Buren, Cyma, Eterna, Grana, Jaeger-LeCoultre, Lemania, Longines, IWC, Omega, Record, Timor et Vertex, ces montres devaient répondre à des spécifications strictes telles que l’étanchéité, la luminosité, la régulation au niveau chronométrique et un boîtier robuste. Le cadran devait être noir avec des chiffres arabes.

Le boîtier en acier inoxydable est décoré de finitions brossées droites et circulaires. Une lunette vissée avec un système de joint invisible entoure un verre saphir bombé à double revêtement antireflet.

Pourquoi commencer par ce type de modèle et non par un régulateur ou un chronographe? «Les dimensions du calibre étaient idéales pour des montres qui correspondaient justement à la décennie de naissance de Gerd-Rüdiger Lang, répond Georg Bartkowiak. Grâce à ce choix, il nous a été possible de concrétiser une production en deux ans.»

Tout est dans le détail pour ces montres très sobres au cadran fumé et aux lignes claires et classiques, comme les index luminescents évoquant les couleurs du radium des Dirty Dozen. Les modèles associent composants anciens et neufs et sont assemblés en Suisse. «Concernant l’inspiration pour la marque, je pense que nous allons nous en tenir à ce stade aux années 1940, car c’est une époque tellement classique et riche pour l’horlogerie», précise l’entrepreneur.

Partenaires-clé au Moyen-Orient

Le prix du modèle «Field Watch Edition One», qui sera lancé cet automne, devrait se situer dans une fourchette située entre 3’500 et 4’000 euros: «Quand nous avons commencé le projet, Gerd-Rüdiger a insisté pour maintenir un prix juste et c’est aussi ce que nous voulions. Le but est d’apporter la beauté de la mécanique aux clients, à travers un mouvement exclusif, ainsi qu’une forte valeur historique et patrimoniale. De toute façon, il ne sert pas à grand-chose d’imaginer un client type: à chaque fois que je m’y suis risqué, c’est un autre profil de client qui a répondu présent!»

L’un des partenaires-clés du projet est la nouvelle boutique Perpetuel à Dubaï, fondée par Hamdan Alhudaidi et Melika Yazdjerdi, figure connue dans les cercles horlogers qui était notamment en charge de la Dubai Watch Week par le passé. Une édition limitée leur sera d’ailleurs réservée. «La distribution sera hybride: le e-commerce est important mais le fait de pouvoir toucher le produit l’est tout autant», poursuit Georg Bartkowiak, qui table sur une production d’environ 600 montres pour cette première année.

Le prix du modèle Field Watch Edition One, qui sera lancé cet automne, devrait se situer dans une fourchette entre 3’500 et 4’000 euros.

Les calibres Marvin seront développés sous différentes formes chaque année. Gerd-Rüdiger Lang célébrera ses 80 ans en 2023: on peut certainement s’attendre alors à une forte inspiration de ses créations phares. «Sa conception de la montre repose sur un principe: celui de la beauté mécanique éternelle. D’ailleurs je ne voudrais pas que l’on nous considère comme une nouvelle marque: nous poursuivons son héritage. Beaucoup sont déjà en train de le redécouvrir.»

«Je ne voudrais pas que l’on nous considère comme une nouvelle marque: nous poursuivons son héritage. Beaucoup sont déjà en train de le redécouvrir.»

FICHE TECHNIQUE - LANG 1943 FIELD WATCH EDITION ONE

• Diamètre: 39 mm
• Hauteur: 8,4 mm
• Étanchéité: 5 ATM
• Mouvement mécanique à remontage manuel Calibre L43.1
• Nombre de rubis: 17
• Réserve de marche avec ressort principal entièrement remonté : environ 46 heures
• Fréquence: 3 Hz / 21’600 vph
• Amortisseur: Incabloc
• Ressort de balancier: Nivarox 1
• Ressort principal: Nivaflex
• Balancier: Glucydur
• Fonctions: Heure, minute, petite seconde à 6 heures
• Cadrans avec Super-LumiNova suisse luminescent en plusieurs couleurs
• Courroies et bracelets de 20 mm avec système de changement rapide
• Boucle à ardillon en acier inoxydable solide de 18 mm