histoire commence en fait en 1962, quand Favre-Leuba présente sa Bivouac. C’est une première. Et en cette décennie de triomphe de la montre-outil, la Bivouac, avec ses fonctions d’altimètre et de baromètre, fait date et marque les esprits.
Comme nous l’écrivions dans Europa Star fin 1962, «dès lors, les alpinistes, les parachutistes et les pilotes, pour ne donner que quelques exemples, pourront porter à leur poignet, à portée de vue, les data essentiels dont ils ont besoin».
A lire cet article, on a l’impression que la Bivouac est à son époque ce que la montre connectée est à la nôtre. Bien plus pratique que l’altimètre de poche usuel, difficile à manier sur des parois verticales glacées, le modèle est aussi plus petit et aisément consultable au poignet.
Testée par les parachutistes suisses sur un terrain non loin de la caserne de Colombier, près de Neuchâtel, la montre compte bien rendre d’éminents services aux randonneurs, aux navigateurs, aux enthousiastes du camping...».
L’alpiniste Michel Vaucher
Les alpinistes s’en emparent
En août 1964, deux des alpinistes les plus chevronnés de leur temps, le célèbre Italien Walter Bonatti (1930-2011) et le Genevois Michel Vaucher (1936-2008, grand alpiniste et, par ailleurs, mathématicien) tentent une ascension, qui deviendra mythique. Invaincue jusqu’alors, la face Nord du Whymper Peak, du nom du premier homme à avoir réussi l’ascension du Cervin, culmine à 4’208 m et présente de très grandes difficultés.
En 1964, aucun alpiniste n’y est encore parvenu. Les deux hommes, Bivouac au poignet, vont mettre 4 jours à faire son ascension. 4 jours tendus, difficiles, éprouvants qu’Europa Star raconte en détail quelques mois plus tard, début 1965.
L’ascension a une portée mondiale. Elle est même relayée dans une de nos éditions japonaises. Et c’est précisément une alpiniste japonaise, Junko Tabei, qui devint la première femme à parvenir au sommet de l’Everest, en 1975, Bivouac de Favre-Leuba au poignet.
- Une Bivouac originale. En utilisant la lunette tournante - qui comporte une échelle de 3’000 m au-dessus du niveau de la mer et donc chaque division correspond à 50 m - et l’aiguille centrale rouge, on peut régler l’altitude de départ et la lire en continu durant l’ascension. La pression atmosphérique en millibars peut être lue par un pointeur rouge à la périphérie du cadran.
Une très longue histoire
L’histoire de Favre-Leuba ne se résume pas à ces 4 jours dramatiques et historiques. Elle remonte à bien plus loin, à 1718, précisément, quand Abraham Favre (1702-1790) commença son apprentissage d’horlogerie. Il sera officiellement nommé «Maître-Horlger» au Locle, en 1749. La marque tire son nom actuel de l’association en 1815 de la quatrième génération des Favre avec Auguste Leuba, originaire de Buttes, dans le Val-de-Travers. A partir de cette date, elle va connaître une impressionnante ascension, cumulant les prix et ouvrant de nouveaux marchés internationaux, dont l’Inde dès 1865, qui deviendra un marché très important pour la marque.
- En 1950, comme le montre cette publicité parue dans l’édition asiatique d’Europa Star, l’Inde est toujours un des marchés les plus importants de Favre-Leuba. La marque y jouit d’une réputation exceptionnelle.
Pionnière de la montre-instrument
Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Favre-Leuba parvient à reconquérir très rapidement ses positions internationales, notamment «en s’appuyant sur sa position très stable et forte en Inde». Elle ouvre des branches à Hambourg, Londres, Rangoon, Karachi, Singapoure et New York.
Dès le milieu des années 1950, elle va connaître un succès grandissant dans le secteur alors en pleine vogue des montres-instruments, notamment avec ses montres marines Sea Chief, Sea King, et Sea Raider, équipées d’un nouveau mouvement maison le FL101, qui donnera naissance à toute une série de calibres.
En 1960, Favre-Leuba introduit ainsi la Water Deep, première véritable montre de plongée, puis la Bivouac en 1962, donc, puis en 1968 la Bathy, première montre mécanique à indiquer la profondeur de plongée, via un système de membrane. Au meilleur de sa forme, Favre-Leuba écoulera plus de 650’000 montres par an.
- La Bathy, telle qu’on peut la découvrir dans Europa Star en 1968.
- © Europa Star 1968
«Crise du quartz»
Favre-Leuba va rester en mains de la famille fondatrice jusqu’en 1985. L’arrivée du quartz a porté un coup d’arrêt fatal à la montre-instrument mécanique et les propriétaires vont être contraints de vendre l’entreprise.
Dès lors, elle va connaître une histoire très agitée, passant de mains en mains. Parmi celles-ci, on peut répertorier le groupe américain Baccardi, le groupe Benedom (Martini & Rossi, Christian Dior Watches), le Jacques-BénédictTime Force Group (Givenchy), puis LVMH qui revendit la marque en 2003 au groupe espagnol Valfamily.
Tata entre en scène
Il faudra attendre 2011 pour que la marque, mise en sommeil depuis lors, soit rachetée par Titan, la grande société horlogère indienne appartenant au puissant groupe Tata. Notre confrère du Temps parle à l’époque d’une «transaction qui avoisine les quelque 2,5 millions de francs, selon des documents fournis à la bourse de Bombay.» Mais il précise que pour cette somme, «Titan s’empare simplement des droits de la marque. La société ne disposait plus de site de production.»
Depuis lors, le destin de Favre-Leuba est entre les mains de Titan. Si le développement sur le marché indien fait partie de ses priorités, Titan, présent à l’international dans 30 pays, entend bien placer Favre Leuba au sommet de sa stratégie.
Retour au camp de base
La nouvelle équipe mise en place fouille avidement dans l’histoire de la maison et développe une stratégie qui se veut soutenable sur le long-terme, en phase aussi avec l’intérêt grandissant pour la montre-instrument vintage. Les montres seront hautement fonctionnelles, dotées des technologies exclusives de la maison, à l’esthétique forte. Swiss Made, développées et produites en interne, elles seront le haut de gamme du groupe Titan.
Et comme il se doit, la collection reposera essentiellement sur les deux piliers légendaires de la marque: la plongée et l’alpinisme.
Entre sommets et abysses, et tout ce qu’il y a entre les deux
De gauche à droite, la Raider Harpoon, la Raider Bathy Memodepth et la Raider Bivouac 9000
En cliquant sur les images, un film s’ouvrira dans une nouvelle fenêtre:
Retour à la Bivouac
Introduite dès 2017, la Raider Bivouac 9000, descendante directe de la Bivouac de 1962, est la première montre à mesurer l’altitude jusqu’à 9’000 m. Une performance inédite. Pour rappel, la Bivouac originale mesurait l’altitude jusqu’à 3’000 m. Mais si elle a été intégralement revue et perfectionnée, son principe de fonctionnement reste le même que celui mis au point il y a plus de 50 ans, soit un baromètre anéroïde intégré. Son principe de fonctionnement est simple en-soi: un boîtier métallique dans lequel a été fait un vide partiel d’air qui se détend ou s’écrase selon les changements de pression atmosphérique. Une mesure qui se fait en hectoPascals (hPa).
L’aiguille centrale rouge indique l’altitude sur une lunette rotative bidirectionnelle qui comporte une échelle divisée en sauts de 50 m, jusqu’à 3’000 m. Un tour complet de l’aiguille rouge indique donc une altitude de3’000 m. Les 3’000 m dépassés, cette aiguille continue sa course pour un deuxième tour, jusqu’à 6’000 m puis un troisième jusqu’à 9’000m.
Cette mesure est reportée sur un petit indicateur situé à 3h. Sa petite aiguille rouge à double pointe indique d’un côté le nombre de tours en cours de 0 à 9’000 m (indiqués en 0, 3,6,9 x 1’000), et de l’autre, sur une échelle en hPa, les changements de pression atmosphérique à la hauteur donnée, sur une échelle allant de 1’013 à 300.
Animée par le mouvement mécanique à remontage manuel FL311, basé sur le calibre EMC 3903M, la Raider Bivouac 9000 dispose d’une réserve de marche de 65 heures. Boîtier en titane de 48 mm, lunette tournante avec inserts en aluminium, couronne vissée, verre saphir anti-reflets, fond vissé, étanche à 30 m. Son prix: CHF 7’500.-.
D’une lisibilité optimale, la Raider Bivouac 9000 est montée sur un bracelet velcro ultra-résistant qui intègre un réflecteur RECCO®, une technologie développée pour faciliter la localisation d’alpinistes ensevelis sous une avalanche et qu’utilisent de nombreuses équipes dans le monde.
Ce réflecteur fonctionne sans énergie supplémentaire. Un détecteur spécifique dont sont pourvus les équipes de secours, émet un signal radar directionnel, qui, pointé dans la direction du réflecteur, revient vers l’émetteur, signalant la position de la personne recherchée. Ce signal de retour devient plus puissant au fur et à mesure que l’on s’approche de la victime.
L’aventure continue
La Bivouac a renoué avec la grande aventure de l’alpinisme. Depuis 1964 et l’ascension spectaculaire du Whymper Peak, à la suite de laquelle Vaucher et Bonatti avaient déclaré qu’elle «resterait unique et que cette face Nord ne serait plus jamais conquise», l’alpinisme a repoussé toutes les limites. Il n’y a qu’à voir le nombre de voies ouvertes depuis sur cette fameuse face Nord, comme le montre l’illustration ci-dessous.
- Les différentes voies ouvertes sur les Grandes Jorasses (document: camptocamp.org).
Mais la Raider Bivouac 9000 demeure plus que jamais une montre-instrument que les plus grands alpinistes privilégient. «Même dans les conditions les plus extrêmes, ma Raider Bivouac 9000 a parfaitement rempli ses fonctions essentielles», a récemment déclaré l’Américain Adrian Ballinger après son ascension de l’Everest en mai 2018, sous des températures de moins 40 degrés Celsius. Pour son collègue suisse, l’alpiniste Nicolas Hojac, «l’immense avantage de ma Raider Bivouac 9000 est qu’elle m’indique à quelle distance se trouve le sommet, même après que les batteries des instruments électroniques aient flanché».
- Les alpinistes Nicolas Hojac et Adrian Ballinger