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En horlogerie, le platine blanc détrône le rhodium

INNOVATION

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décembre 2021


En horlogerie, le platine blanc détrône le rhodium

Historiquement, les ébauches de montres sont rhodiées depuis fort longtemps, déjà du temps des paysans-horlogers. Mais, devenu le métal le plus cher au monde, trouver une véritable alternative s’imposait. Des tests menés en laboratoire par la société STS pendant plus d’une année ont permis de mettre au point une solution innovante à la fois techniquement et chimiquement: le platine blanc.

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e prix du rhodium flambe. Son coût a été multiplié par douze ces quatre dernières années et il est devenu depuis 2020 le métal le plus cher au monde, atteignant jusqu’à CHF 800 le gramme, soit CHF 800’000 le kilo.

Et ce n’est pas près de s’arrêter, pour de nombreuses raisons. Sa production, en provenance principalement de mines d’Afrique du Sud, voire de l’Oural russe, est limitée à environ 20 tonnes par an et ses ressources vont en diminuant inexorablement.

Dans le même temps, la demande en rhodium explose, notamment en raison des nouvelles normes antipollution dans l’automobile - dont les convertisseurs catalytiques. Mais la demande concerne aussi bien d’autres secteurs qui en ont un impératif besoin, tels que le nucléaire, l’éclairage, la miroiterie, la connectique, etc...

L’horlogerie est aussi une grande utilisatrice de rhodium. Métal précieux le plus blanc après l’argent, il est très résistant à la corrosion, ne ternit pas et est largement employé déjà depuis des lustres pour venir renforcer en fine couche certains composants essentiels du mouvement, notamment les ébauches.

Le prix du rhodium flambe. Son coût a été multiplié par douze ces quatre dernières années et il est devenu depuis 2020 le métal le plus cher au monde, atteignant jusqu’à CHF 800 le gramme, soit CHF 800’000 le kilo.

Le revêtement des ébauches au platine blanc, une alternative innovante, de haute qualité et bien plus économique que l'utilisation du rhodium, devenu le métal le plus cher du monde.
Le revêtement des ébauches au platine blanc, une alternative innovante, de haute qualité et bien plus économique que l’utilisation du rhodium, devenu le métal le plus cher du monde.

Le spécialiste STS

Créée en 2006 dans la Vallée de Joux par Frédéric Saulcy et Thierry Mesnier, STS, qui fait partie du groupe Acrotec (lire notre article à ce sujet) est devenue une entreprise leader dans le secteur des traitements de surface pour l’horlogerie haut de gamme. Elle emploie 110 personnes sur quatre sites de production dans les Vallées horlogères et à Genève.

Sa notoriété acquise en horlogerie lui a permis de se diversifier également dans l’automobile, l’aéronautique ou la connectique. Mais son coeur de métier reste l’horlogerie à qui elle offre de nombreuses solutions en galvanoplastie, vernissage, tribofinition, traitements thermiques et décoration.

STS, qui a réalisé plusieurs projets en collaboration avec l’Université de Franche-Comté et l’EPFL, est aussi une des seules entreprises dans son domaine à avoir un important service de recherche et de développement. Ce qui explique sans doute l’anticipation dont a su faire preuve l’entreprise face à l’inexorable montée en prix du rhodium.

Une innovation moins spectaculaire que certaines folies mécaniques, mais sans doute plus fondamentalement utile à l’horlogerie et à son industrie dans son ensemble.

En horlogerie, le platine blanc détrône le rhodium

A la recherche d’une alternative

Historiquement, les ébauches sont rhodiées depuis fort longtemps, déjà du temps des paysans-horlogers. Pourquoi donc? se sont demandés les responsables de la R&D de STS. «Apparemment, expliquent-ils, aucune véritable nécessité technique ne l’exige. Mais le rhodiage - aussi largement utilisé en bijouterie, notamment pour l’or blanc - confère aux composants protection et un superbe fini blanc. Autre certitude, le bain de rhodium est le système de déposition le plus facile à réaliser en galvanoplastie.»

Mais, devenu le métal le plus cher au monde, trouver une véritable alternative au rhodium s’imposait. Des tests menés en laboratoire pendant plus d’une année ont permis de mettre au point une solution innovante à la fois techniquement et chimiquement: le platine blanc.

Platine et rhodium font déjà bon ménage, si l’on ose dire, depuis des millions d’années car le rhodium se trouve physiquement associé avec le platine qu’il accompagne constamment à l’état naturel. Il est aussi chimiquement associé régulièrement avec le platine dans de nombreuses applications. Dès 1896, le couple platine-platine rhodié a démontré ses performances notamment dans les instruments de mesure des hautes températures. Ce n’est là qu’un exemple de la connivence entre les deux métaux.

Le rhodium se trouve physiquement associé avec le platine qu’il accompagne constamment à l’état naturel.

Platine blanc

Contrairement au rhodium, une «espèce en voie d’extinction», les ressources en platine sont assurées à plus long terme car on dispose d’importantes réserves de ce métal. Ses coûts incomparables, d’un peu plus de CHF 10 le gramme (cours fin octobre 2021) contre CHF 713 (à la même date) pour le rhodium, offrent une bien plus grande stabilité à moyen terme. Mais ce n’est pas là sa seule qualité.

Résultat d’un nouveau procédé, breveté, le platine blanc de STS est composé de plusieurs métaux qui tous proviennent de mines de platine. Développé grâce aux recherches du département de R&D, le platine blanc permet d’obtenir un revêtement «tout aussi blanc et brillant» qu’un revêtement de rhodium. Son épaisseur de couche est similaire, passant de 0.005-0.2 μ à 0.1-0.2 μ. Sa dureté est de 650 Hv contre 850 Hv pour le rhodium.

Ce nouveau revêtement de platine blanc peut être produit en mase de façon stable et répond à l’ensemble des test horlogers. Il est conforme REACH (règlement européen entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne) et résistant au Test Climat Tropical (norme NIHS 96-50 climatique et de corrosion). Bref, il semble avoir tout pour lui. Y compris la blancheur de son éclat.

En horlogerie, le platine blanc détrône le rhodium

Une innovation qui arrive à point nommé

Certaines innovations font grand bruit et épatent la galerie. D’autres s’avancent plus modestement mais peuvent revêtir une véritable importance.

A sa façon, le rhodiage fait partie de l’ADN horloger. Une ébauche sans rhodiage n’est que l’ombre d’elle-même. Qu’elle devienne hors de prix, tout particulièrement en cette période délicate, porterait préjudice à l’horlogerie mécanique suisse dans son ensemble.

Les exposants du dernier salon EPHJ à Genève ne s’y sont pas trompés. Ils ont attribué le Grand Prix des Exposants à STS pour ce nouveau revêtement de platine blanc, en tous points – esthétique et technique – comparable au rhodiage mais à un coût sans comparaison.

Une innovation moins spectaculaire que certaines folies mécaniques, mais sans doute plus fondamentalement utile à l’horlogerie et à son industrie dans son ensemble.

Le platine blanc permet d’obtenir un revêtement «tout aussi blanc et brillant» qu’un revêtement de rhodium.