horlogerie ne cesse de se réinventer. Elle innove, certes, mais reste bien souvent dans son domaine d’excellence: la micro-mécanique. La dernière fois qu’elle a voulu se développer avec une nouvelle technologie en son coeur - le quartz - elle a failli y perdre son âme et la vie. Mais elle s’en est plus que remise en affirmant et revendiquant son savoir-faire mécanique. L’arrivée des montres connectée a ensuite été pressentie comme l’annonce de son inévitable désuétude - ironie ultime de la part d’objets à l’obsolescence programmée. Force est de constater, chiffres records actuels de l’horlogerie suisse à l’appui, que ce n’est pas le cas.

Dès lors, pourquoi chercher à intégrer de la technologie moderne dans ces bijoux mécaniques dont le succès ne cesse de grandir? Benoît Mintiens, CEO de Ressence et designer industriel émérite, a une opinion très claire sur le sujet: «Les jeunes générations sont digitales. C’est leur univers. Si on arrive à concilier celui-ci avec l’excellence de la micro-mécanique horlogère, tout le monde y gagne. L’horlogerie reste ainsi pertinente dans un monde moderne.»

Le designer belge Benoît Mintiens, fondateur de Ressence

Une montre auto-gérée

Dans cette optique, Ressence a décidé d’utiliser les technologies modernes disponibles pour améliorer l’expérience utilisateur de ses montres, au demeurant purement mécaniques. Ainsi la marque a lancé en 2018 la Concept Watch Type 2 pour dévoiler sa technologie. Le succès a été immédiat et la version de production en série est sortie en 2019. Les premières livraisons ont eu lieu en 2020.

De quoi s’agit-il? Le coeur de l’innovation est cette fameuse «eCrown^®». Benoît Mintiens en définit les contours: «L’idée est simple: depuis l’invention de la couronne, qui a remplacé la clé de remontage, en 1842 par Adrien Philippe, rien n’a changé. Il a fallu attendre 176 ans pour faire bouger le statu quo.» Le défi était de préserver l’intégrité mécanique du modèle tout en l’associant avec de l’électronique. La solution? Inventer une nouvelle technologie qui automatise toutes les fonctions d’une couronne traditionnelle. Pour schématiser: l’eCrown^® va décider de tourner la couronne pour remonter la montre ou de la tirer pour la stopper à votre place.

«Au lancement, tout le monde était bluffé. Ressence présentait une montre mécanique qui s’anime toute seule et se met à l’heure exacte toute seule!», se rappelle l’innovant CEO.

Le principe est un système électro-mécanique intégré qui offre une interface avec le module ROCS^® (Ressence Orbital Convex System) développé par la marque. Ce système consiste en 87 composants miniaturisés qui permettent essentiellement une mise à l’heure automatique, ultra-précise (car électronique) de la montre mécanique.

L’heureux propriétaire règle sa montre manuellement (par le levier au dos de la montre) et l’eCrown^® enregistre cette heure comme référence. L’information sera stockée sur la carte-mère et servira à régler automatiquement l’heure par la suite. Au moins une fois par jour, l’eCrown^® vérifie l’heure indiquée par les cadrans rotatifs des heures, minutes et secondes et les met à l’heure correcte si nécessaire. Une facilité et une précision d’utilisation inégalées!

L’électronique, sans l’obsolescence programmée

Le premier défi à surmonter portait sur l’énergie requise pour le fonctionnement de la partie électronique. Ressence a réussi à réduire le besoin à 1,8 joule par jour (l’équivalent de 1.8 watt pendant une seconde!). La plupart des composants sont aux standards de l’aérospatiale ou du médical et sont connectés sur une carte-mère minuscule de 0,25mm sur quatre couches flexibles réalisée sur mesure.

L’autre défi était de concevoir une batterie suffisamment puissante pour stocker l’énergie et suffisamment petite pour entrer dans l’espace confiné d’une montre. L’ingénieux CEO explique: «La technologie n’existait pas il y a dix ans. Les batteries n’étaient pas assez puissantes.» Aujourd’hui, ce sont des batteries de la marque japonaise Murata qui alimentent la partie électronique du module - les mêmes que l’on retrouve par exemple dans les AirPods d’Apple. Elles sont garanties cinq ans ans et totalement remplaçables.

C’est l’autre grande innovation proposée par Ressence: le recours à l’électronique, mais sans l’obsolescence programmée! Benoit Mintiens précise: «L’électronique n’a aucune raison de devenir obsolète après un ou deux ans. C’est le commerce, la volonté de vendre toujours davantage, qui crée l’obsolescence. La technologie, quant à elle, peut rester utilisable 25, 30, voire 50 ans, s’il n’y a pas d’usure, comme c’est le cas dans nos montres.»

Ne pas confondre avec une smartwatch

Mais attention, il faut bien comprendre que la Ressence Type 2 eCrown^® n’est pas une montre connectée: l’électronique est embarquée sans que la montre soit connectée à internet. La révolution réside dans le soutien qu’apporte l’électronique au fonctionnement optimal de la mécanique. L’électronique enregistre l’heure et ne s’arrête jamais, jusqu’à ce que son propriétaire décide de l’arrêter.

L’eCrown^® dispose de quatre modes de sélection, accessible par simples tapotements sur le cadran et visibles dans le sous-cadran à quatre couleurs: vert pour l’heure de référence 1, jaune pour le deuxième fuseau horaire (pour les voyageurs), bleu lorsque l’antenne se met en route pour la synchronisation avec l’application Bluetooth (et le réglage éventuel de l’heure choisie pour la ville dans laquelle on se trouve), et blanc pour mettre l’eCrown^® hors service.

Une facilité déconcertante et une flexibilité proprement bluffante. Par exemple, si l’accéléromètre présent dans le mécanisme eCrown^® décèle l’interruption de l’activité (mouvement du poignet) durant plus de 12 heures, il activera le stop-seconde et arrêtera la montre mécanique… jusqu’à l’instant où celle-ci sera portée à nouveau. À ce moment, une simple manipulation de la montre activera une remise à l’heure automatique et relancera le mouvement.

De fait, la Type 2 est une montre au remontage automatique, donc elle se remontera au porter et, posée sur une table de chevet, l’eCrown^® arrêtera le barillet pour préserver la réserve de marche mécanique. «Plus jamais besoin de remonter sa montre en réalité», comme le fait remarquer le designer. Et aucun risque que l’eCrown^® tombe en panne: celle-ci se recharge aussi par l’énergie solaire captée par de minuscules cellules photovoltaïques ultra-puissantes situées sous le cadran.

Créer l’horlogerie du 21^ème siècle

Avec son concept mariant habilement micro-mécanique suisse traditionnelle et technologie de pointe, Ressence a trouvé sa clientèle: son modèle Type 2, le plus onéreux de la collection à 46’800 CHF TTC, représente 15% de ses ventes actuelles. Les clients sont des amoureux de belle horlogerie mécanique qui ne renient pas la technologie contemporaine et en apprécient même ses avantages. Du propre aveu du CEO de Ressence, «la partie la plus complexe reste la mécanique, tant celle du mouvement que celle liée à la technologie photovoltaïque par exemple, qui a constitué un vrai casse-tête».

Au final, le concept est bien plus simple que l’on ne pourrait penser et Benoît Mintiens le résume ainsi: «L’eCrown^® est une recherche de l’ergonomie ultime. La Ressence Type 2 est un garde-temps mécanique qui bénéficie d’une technologie moderne pour faciliter son usage. Cela offre un confort et une précision d’utilisation inédits. Ajoutez à cela la précision inégalable d’une mise à l’heure digitale automatique et vous avez l’horlogerie du 21^ème siècle.» Chez Ressence, le futur est en marche.