ravailler à l’échelle du nanojoule: voici la base de la dixième invention fondamentale de Greubel Forsey, présentée à l’occasion du vingtième anniversaire de la marque fondée en 2004.
«Greubel Forsey fait de la recherche fondamentale, nous explique son CEO Michel Nydegger. Cela requiert le temps et les les ressources nécessaires et nous acceptons d’investir en ce sens. Ce projet Nano a démarré en 2016. Huit ans plus tard, nous sommes enfin arrivés au stade de pouvoir présenter un premier modèle équipé de cette technologie.»
Bienvenue en nanomécanique
Cette dixième invention de Greubel Forsey, la «Nano Foudroyante», est présentée comme «la plus disruptive de toutes technologiquement». On entre ici dans le domaine de la nanomécanique, un univers au-delà de la miniaturisation des composants à l’échelle nanométrique. Soit la gestion et maîtrise d’énergie à l’échelle du nanojoule au sein d’un mouvement mécanique. «Cette capacité à gérer l’énergie de manière beaucoup plus fine au sein d’un calibre permet de non seulement en réduire très fortement la consommation d’énergie, mais également le nombre de composants.»
Pour illustrer les capacités de la nanomécanique, Greubel Forsey a opté pour la seconde foudroyante: son aiguille réalise un tour complet en 1 seconde, divisant celle-ci en plusieurs segments en fonction de la fréquence du mouvement. Dans cette Nano Foudroyante, chaque oscillation du balancier 3Hz produit deux battements, soit six battements par seconde, permettant ainsi à l’aiguille de diviser la seconde en six segments distincts. C’est donc une complication énergivore par nature.
Cependant, en gérant l’énergie à l’échelle du nanojoule, la marque a radicalement repensé sa conception et sa construction: par rapport à une foudroyante classique qui consomme 30μJ (microjoules) par saut, la Nano Foudroyante fonctionne avec seulement 16nJ (nanojoules) par saut, soit une réduction de la consommation d’énergie d’un facteur de 1’800.
La Nano Foudroyante fonctionne avec seulement 16nJ (nanojoules) par saut, soit une réduction de la consommation d’énergie d’un facteur de 1’800.
Une «foudroyante perpétuelle»
Le volume de ce mécanisme est également réduit de 90%. Ici, l’intérêt ne réside pas simplement dans la mesure des fractions de seconde, souligne la marque, mais bien dans la démonstration d’une approche totalement nouvelle de l’horlogerie, faisant de cette Nano Foudroyante une «foudroyante perpétuelle».
Celle-ci fait donc l’économie d’un train de rouage complet nécessaire dans une foudroyante traditionnelle pour diviser la seconde, puisque l’information est prise directement à la source, laquelle distribue et cadence l’énergie reçue du mouvement à travers un nombre très réduit de mobiles de faible inertie.
Moins de composants égale moins de place: cette Nano Foudroyante EWT est très compact avec ses 428 composants, le mouvement ne dépasse pas 31 mm de diametre. «C’est ce qui nous a permis de réaliser ce boîtier de 37 mm, le plus petit jamais produit par la marque», souligne Michel Nydegger.
Greubel Forsey étant reconnue pour sa recherche et maîtrise du tourbillon, cette Nano Foudroyante est embarquée au cœur d’un tourbillon volant – le premier conçu par Greubel Forsey. Enfin, dernière subtilité de taille: bien que ce tourbillon volant soit en rotation constante, le cadran de la Nano Foudroyante, en revanche, reste constamment aligné vers douze heures de manière à pouvoir toujours être lu aisément. Combinées avec le flyback, ces caractéristiques complètent cette dixième invention fondamentale de Greubel Forsey: une Nano Foudroyante, implantée sur un tourbillon volant, avec axe de lecture orienté.
Une première utilisation du tantale
La Nano Foudroyante EWT ne sera édité qu’à 11 exemplaires dans cette version inaugurale d’une grande sobriété aux finitions superlatives, afin de mettre l’accent sur son caractère technique disruptif. Son boîtier réserve encore une surprise, avec un boitier en or gris et une lunette et fond en tantale – là aussi, une première pour Greubel Forsey, qui n’avait jamais utilisé ce matériau auparavant.
Apprécié pour ses reflets gris/bleu, mais d’une grande complexité à façonner (son point de fusion dépasse les 3’000°C), le tantale exige une expertise rare. L’Atelier conserve par ailleurs ses signatures esthétiques essentielles, notamment les gravures polies en relief «Nano Foudroyante» et «Greubel Forsey» sur fond martelé main, la carrure en or gris satiné à la main, ainsi qu’un mouvement très architectural, une véritable mise en scène du mécanisme, autour de sa roue à colonnes, visible côté fond, à la géométrie 3D monobloc d’une rare complexité. Le garde-temps est gravé «2004 – 2024», «20e Anniversaire» pour marquer ce jalon.
«C’est un tout nouveau chapitre qui s’ouvre, non seulement pour notre marque mais pour l’horlogerie mécanique en général, avec une toute autre gestion de l’énergie.»
Cumuler les technologies
«Lors de chacune de ces recherches, nous en apprenons davantage, ce qui nous permet de cumuler les technologies et de les appliquer à l’avenir plus largement sur nos modèles, poursuit Michel Nydegger. Là, c’est un tout nouveau chapitre qui s’ouvre, non seulement pour notre marque mais pour l’horlogerie mécanique en général, avec une toute autre gestion de l’énergie. Nous avons d’ailleurs toujours pour projet d’aboutir à une réserve de marche de 180 jours. Nous avançons.»
Mais comment cette recherche de pointe s’accommode-t-elle de l’objectif présenté simultanément par la marque de s’ouvrir à un plus large public? Cela peut sembler contradictoire.
«Non, répond le CEO, car nous n’avons pas deux niveaux de finitions ou de technologies: tout ce que nous réalisons se cumule en termes de savoir-faire. Mais nous avons tout de même réadapté nos objectifs: nous n’allons pas réaliser 500 pièces par an à terme comme nous avions pu l’annoncer, mais stabilisons à 250 modèle par an, comme cette année. L’effort reste énorme: pour une marque comme la nôtre, c’est presque plus compliqué de faire une pièce «simple» au vu du niveau de finitions que nous devons appliquer sur une plus grande surface. Nous resterons donc concentrés sur ce que nous faisons depuis vingt ans: de la recherche fondamentale et de la complication.»
La demande est très forte sur le modèle d’«entrée de gamme» de la marque, le Balancier 3, proposé depuis l’an dernier à 160’000 francs, qui a permis à Greubel Forsey de toucher une audience plus large (lire notre article dédié ici). De son côté, la présentation de la Nano Foudroyante EWT semble rééquilibrer la situation sur ce qui est l’identité fondamentale de Greubel Forsey: de la très haute horlogerie prenant la forme d’une recherche fondamentale associée à du pur artisanat. Et avec ce modèle, la marque se pose en pionnière d’un saut technologique majeur, qu’elle veut «aussi significatif que celui qui a mené des horloges de tour aux montres-bracelets».