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Les archives de Louis Cottier vont être numérisées

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novembre 2022


Les archives de Louis Cottier vont être numérisées

La Fondation The Watch Library (TWL) et le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) s’associent pour numériser un fonds d’archives historiques pour l’horlogerie, celles du concepteur Louis Cottier, notamment connu pour son mécanisme à heures universelles.

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a Fondation The Watch Library (TWL) a pour but de sauvegarder et valoriser le patrimoine horloger, grâce aux nouvelles technologies et notamment via la numérisation d’archives et documents historiques liés à l’horlogerie. Elle est soutenue dans sa mission par plusieurs bienfaiteurs, dont les grandes maisons horlogères Audemars Piguet et Richard Mille.

La Fondation The Watch Library et le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) s’associent pour réaliser la numération d’un fonds d’archives horlogères d’importance internationale, celles du concepteur carougeois Louis Cottier (1894-1966), reconnu notamment pour son travail ingénieux et pionnier sur les montres à heures universelles.

Une partie des archives sont déposées au Musée d’art et d’histoire de Genève où elles sont consultables sur demande. La numérisation permettra d’en partager la teneur avec la communauté internationale de professionnels et d’amateurs d’horlogerie, dans l’esprit d’ouverture qui anime la Fondation The Watch Library, en phase avec l’inscription des savoir faire de l’horlogerie et de la mécanique d’art au Patrimoine immatériel de l’Unesco (2020).

Documents et correspondances autour d’inventions, de fabrications et de prototypes, dessins originaux et même livret scolaire et cabinet de travail reconstitué, composent autant de trésors du patrimoine qui seront enfin accessible au plus grand nombre.

L’influence de Louis Cottier reste à ce jour très importante et appréciée des experts et collectionneurs, comme en atteste la mise en vente ce mois de novembre à Genève par Phillips en association avec Bacs & Russo d’une montre de poche ref. 605 de Patek Philippe datant de 1946 à affichage des heures universelles selon le mécanisme inventé par Louis Cottier (à double signature Gübelin).

Montre de poche à heures universelles Louis Cottier (Carouge, 1894-1966), horloger, Baszanger, commanditaire, Edouard Wenger, boîtier, Arnold et Steinwachs, graveurs, Stern frères, cadraniers. Genève, 1930-1931. Boîte en or gris avec incrustations d'or rose figurant un planisphère (fond). Mouvement en laiton doré et acier à décor Côtes de Genève, calibre à ponts, échappement à ancre, remontage par la couronne, mise à l'heure à poussette sur la carrure, balancier bimétallique à vis d'équilibrage, spiral Breguet en acier bleui, cadran à disque tournant, aiguilles index en or blanc. Haut. 5.05, diam. 4.35, ép. 0.7 cm
Montre de poche à heures universelles Louis Cottier (Carouge, 1894-1966), horloger, Baszanger, commanditaire, Edouard Wenger, boîtier, Arnold et Steinwachs, graveurs, Stern frères, cadraniers. Genève, 1930-1931. Boîte en or gris avec incrustations d’or rose figurant un planisphère (fond). Mouvement en laiton doré et acier à décor Côtes de Genève, calibre à ponts, échappement à ancre, remontage par la couronne, mise à l’heure à poussette sur la carrure, balancier bimétallique à vis d’équilibrage, spiral Breguet en acier bleui, cadran à disque tournant, aiguilles index en or blanc. Haut. 5.05, diam. 4.35, ép. 0.7 cm
©Ville de Genève, Collection du Musée d’art et d’histoire, inv. AD 8088. Don de la Société des Amis du Musée, 1992

Les archives de Louis Cottier vont être numérisées

Sur les traces de Louis Cottier

Louis Cottier est né le 28 septembre 1894 et décédé le 16 septembre 1966 à Carouge (Canton de Genève, Suisse) où il vécut toute sa vie. Des objets de toutes sortes encombrent l’atelier du père de Louis Cottier, d’Emmanuel Cottier (1858-1930), lui-même horloger, mécanicien et fabricant d’automates à Carouge: vieux outils d’horloger, machines de son invention, mouvements anciens, dessins de pendules, coupures de journaux, brochures et beaux livres.

Dans cet environnement, Louis Cottier développe le même goût pour les curiosités. Il se forme au métier d’horloger à l’école municipale d’horlogerie de Genève. C’est l’enseignement d’Henri Hess (1867-1932), titulaire dès 1892 de la classe préparatoire, qui a une influence décisive sur le jeune homme.

Dessin original, signé Louis Cottier, 1932. Correspond à la montre Baszanger
Dessin original, signé Louis Cottier, 1932. Correspond à la montre Baszanger
©Ville de Genève, Archives du Musée d’art et d’histoire.

Son cursus scolaire achevé pendant la grande crise, Louis Cottier travaille dans plusieurs fabriques de Genève en tant qu’horloger complet, avant de s’établir à son compte à Carouge en 1931, suite à la fermeture de l’entreprise qui l’employait. Son atelier, d’abord installé dans l’arrière-boutique de la librairie-papeterie qu’il tenait avec son épouse, est organisé dès 1947 dans un petit appartement de la rue Ancienne à Carouge.

Un créateur à plusieurs facettes

Dans les fabriques, les méthodes de production évoluent en s’industrialisant. Mais Louis Cottier travaille seul, sur commande, à la modification de mouvements pour le compte de manufactures horlogères genevoises et suisses. Celles-ci font appel à lui pour réaliser à la main des prototypes. Le concepteur dépose plusieurs brevets, dont celui d’un mécanisme à heures universelles (1930) qui fait sa renommée, et dont son père avait imaginé en 1885 un prototype présenté à la Société des horlogers de Genève. Il développe des variantes à heures sautantes, dessine une montre mystérieuse, un mécanisme à répétition, une montre à moteur électrique...

De caractère modeste, Louis Cottier n’a pas enregistré de marque ou de poinçon. Ses inventions et créations, à l’exception de quelques pièces non signées produites pour lui- même et des particuliers, sont liées aux productions des manufactures Agassiz, Baszanger, Boninchi, Breguet, Cyma Watch & Co (études et prototypes), Golay Fils & Stahl, Gübelin, Ulysse Nardin, Patek Philippe, Piaget, Reuge (automates à musique), Stern, Rolex, Tissot, Universal, Vacheron & Constantin, Wittnauer.

 Ville de Genève, Archives du Musée d'art et d'histoire. Louis Cottier à son établi, Carouge, photographie vers 1950
Ville de Genève, Archives du Musée d’art et d’histoire. Louis Cottier à son établi, Carouge, photographie vers 1950

Un intérêt marqué pour l’histoire de l’horlogerie

Le goût pour l’histoire manifesté par Louis Cottier le conduit à étudier celle de l’horlogerie et à aborder la restauration de pièces historiques. Hans Wilsdorf (1881-1960), fondateur de Rolex (1908), lui confie la conservation de sa collection sur la recommandation d’Alfred Chapuis (1880-1958), pionnier de l’histoire de l’horlogerie: il restaure de nombreuses pièces et en documente l’histoire. Grâce à sa connaissance des gestes et techniques traditionnelles du métier acquise par l’étude du patrimoine, Louis Cottier fabrique sur commande quelques pièces uniques dont il dessine le modèle, invente le mécanisme et l’exécute à la main.

Également collectionneur, Louis Cottier signe de nombreux articles spécialisés publiés dans les principales revues professionnelles suisses: Journal suisse d’horlogerie, Suisse Horlogère, Revue Internationale de l’Horlogerie. Alfred Chapuis l’associe en 1955 à l’organisation d’une exposition au Musée d’art et d’histoire de Genève, sous l’égide de l’Association Montres & Bijoux: consacrée aux automates et mécanismes à musique, elle alimente un ouvrage de l’historien neuchâtelois dédiée à l’histoire de la musique mécanique.

Engagé dans le comité des expositions Montres & Bijoux de Genève, Louis Cottier développe un large réseau avec lequel il entretient de la correspondance.

Outre son intérêt pour l’horlogerie ancienne, Cottier est féru d’histoire locale, notamment celle de sa ville natale, documentée par une riche bibliothèque léguée à la municipalité. Enfin, en dilettante, il exerce l’aquarelle et fonde, en 1936, la Palette carougeoise, dont il est président jusqu’à son décès: l’une de ses oeuvres est primée par le Prix de la Ville de Carouge en 1959.

Dessin original, signé Louis Cottier, 1930: «Montre universelle sans aiguille (avec seconde au centre).» «Les noms des villes sont fixes, les chiffres tournent»
Dessin original, signé Louis Cottier, 1930: «Montre universelle sans aiguille (avec seconde au centre).» «Les noms des villes sont fixes, les chiffres tournent»
©Ville de Genève, Archives du Musée d’art et d’histoire

Missions de conservation du Musée d’art et d’histoire

En 1963, Louis Cottier fait don au Musée d’art et d’histoire de Genève d’un lot d’«Automates d’Emmanuel Cottier représentant les personnages de l’Escalade (personnages articulés en zinc) et exécutés de 1925 à 1930. Don de M. Louis Cottier à Carouge, 1963». Ce lot a bénéficié d’un traitement de conservation-restauration et a été filmé en fonction dans les ateliers du Musée d’art et d’histoire en 2018-2019. Une autre partie des théâtres d’ombres d’Emmanuel Cottier, conservée au Musée de Monaco, a fait l’objet d’une restauration en 2019-2020.

En 1969, l’Association Montres & Bijoux de Genève, sous l’impulsion de Gilbert Albert, bijoutier et joaillier, finance le transfert de l’atelier Cottier dans le nouveau Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, installé dans la villa Bryn Bella de Malagnou en octobre 1972.

En 2004, le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie (qui a ré-intégré en 2010 le Musée d’art et d’histoire de Genève) enregistre le don de documents d’archives, transmis par la famille Cottier.

Le Cabinet Cottier installé dans le Musée de l'horlogerie et de l'émaillerie, à Malagnou, de 1972 à 2002. Photographie
Le Cabinet Cottier installé dans le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, à Malagnou, de 1972 à 2002. Photographie
©Ville de Genève, Archives du Musée d’art et d’histoire.

Appel à contributions

Cette numérisation d’importance sera réalisée dans le cadre de la mission de la Fondation Watch Library et la réalisation de sa plateforme numérique, portail vers la connaissance et la culture horlogère.

Le fonds d’archives Louis Cottier étant, comme beaucoup de fonds privés, réparti en plusieurs lieux, la Fondation profite de cette première valorisation pour lancer un «appel à contributions» auprès de toute entité ou personne détenant des archives liées au concepteur pouvant faire l’objet d’une préservation et mise en valeur simultanément ou ultérieurement à cette première numérisation.

La plateforme The Watch Library sera rendue publique au premier semestre 2023. La réalisation d’un prototype a réuni plusieurs sources d’archives en lignes et permis de tirer des enseignements utiles à son fonctionnement, tant du point technologique que patrimonial.

La plateforme accueillera alors, outre le fonds d’archives Louis Cottier, de nombreux autres documents horlogers.

Reconnue d’intérêt public par la Confédération et soutenue par plusieurs mécènes et bienfaiteurs, la Fondation The Watch Library vise à lancer un mouvement général de sauvegarde et valorisation des archives horlogères. Aujourd’hui proactive envers les détenteurs d’archives connus (institutions publiques, musées, bibliothèques, services d’archives...), la Fondation mise aussi, une fois ses travaux mieux connus, sur l’engagement de tout particulier ou toute entité détenant des archives et documentation en lien avec l’horlogerie, afin d’en éviter la perte et les porter à la connaissance du plus grand nombre.