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L’essor de la montre vintage en Chine

CARNET DE VOYAGE: ASIE

janvier 2018


L'essor de la montre vintage en Chine

Il est évidemment peu surprenant d’entendre que les ventes aux enchères horlogères sont un secteur particulièrement en forme en ce moment par rapport à la montre moderne, lorsque la mise au marteau d’une seule montre vintage équivaut peu ou prou au chiffre d’affaires d’une entreprise horlogère contemporaine de taille moyenne!
En revanche, peu voire personne n’a souligné le lien possible entre ce boom de la montre vintage et la campagne anti-extravagance chinoise. Or, en discutant avec des experts du domaine à Hong Kong, ce lien semble évident.

Quand le luxe se fait discret

«En période de lutte contre l’extravagance et la corruption, les montres vintage sont plus low profile que les contemporaines, souligne Jessie Kang, responsable de l’horlogerie chez Sotheby’s à Hong Kong. A cela vient s’ajouter le fait que les acheteurs sont plus matures et mieux éduqués sur l’horlogerie et son histoire. On voit en ce moment une transition du marché de la montre contemporaine vers le vintage.»

Simone Woo, experte dans la filiale hongkongaise de Phillips, confirme: «Le marché change rapidement. A l’origine, Hong Kong était un marché très orienté sur les montres modernes. Mais récemment on a vu une transition vers les montres vintage. Et de nouveaux acteurs s’installent sur ce marché.»

Parmi ces nouveaux acteurs figure la maison de ventes chinoise Poly Auction, société-sœur de Poly Group, un énorme conglomérat public chinois. Cette société s’est installée depuis cinq ans à Hong Kong, où elle emploie aujourd’hui une centaine de personnes, attirée par ce boom du vintage: «Notre avantage est que la plupart de nos clients viennent de Chine continentale, ils nous connaissent déjà via le Poly Group et ils commencent maintenant à vraiment s’intéresser aux montres de collection», souligne sa responsable horlogère Karen Ng.

Jessie Kang, Sotheby's
Jessie Kang, Sotheby’s

La trilogie Patek Philippe, Rolex, Richard Mille

Poly Auction organise d’ailleurs aussi des ventes aux enchères directement en Chine continentale. Là encore, le constat est implacable: «En raison de la politique gouvernementale, les gens ont tendance à aller vers les montres plus classiques, discrètes et subtiles. Certes, les Chinois aiment toujours des marques de renom comme Richard Mille, ils les achètent toujours mais ne les porteront pas nécessairement de manière aussi extravagante qu’auparavant, plutôt en privé et entre amis...»

Richard Mille, le nom est lancé. Cette marque indépendante a réussi l’exploit, aux côté des géants Rolex et Patek Philippe, d’obtenir une cote exceptionnelle en Extrême-Orient non seulement pour sa production contemporaine mais pour tous ses modèles produits mis à l’encan. On ne peut vraiment parler de vintage dans le cas d’une marque fondée en 2001...

«Nos collègues du Poly Group nous aident à orienter les acheteurs continentaux vers l’horlogerie, poursuit Karen Ng. La vente de montres reste pour l’heure de petite taille par rapport aux enchères de céramique ou d’art chinois mais le potentiel est énorme!» Chez Poly Auction comme chez Sotheby’s, on essaie de pratiquer le «cross-selling»: parfois, de la porcelaine antique à la montre (relativement) antique, il n’y a qu’un pas à faire dans la salle à côté, puisque les ventes de ces deux objets symboliques en Chine sont systématiquement organisées en même temps et au même endroit.

Diversification de l’offre aux enchères

Cet automne, lors de sa vente Important Watches de Hong Kong, Sotheby’s a trouvé preneur pour une Richard Mille RM56-02 Sapphire Tourbillon de 2015 à 14’500’000 HKD (1’850’000 dollars) et une Patek Philippe Ref. 5002 Sky-Moon Tourbillon en or rose à 11,020,000 HKD (1’400’000 dollars).

Preuve d’une maturité horlogère plus forte en Asie, de plus en plus de marques moins établies que la «trilogie » mentionnée sont par ailleurs proposées à l’encan. Jessie Kang le souligne chez Sotheby’s: «Nous vendons des montres de Philippe Dufour, Voutilainen, Romain Gauthier ou MB&F. Philippe Dufour est très apprécié: sous son côté «simple», il faut en apprécier chaque détail! Un grand nombre de collectionneurs ont déjà tellement de montres des marques traditionnelles qu’ils cherchent à diversifier leurs collections», poursuit Jessie Kang.

Chez Phillips, on souligne que les marques les plus populaires à côté de Patek Philippe et Rolex sont F.P. Journe, A. Lange & Söhne, Richard Mille, Philippe Dufour, Audemars Piguet, Vacheron Constantin, Jaeger-LeCoultre, Heuer et Universal. «A l’origine, le goût des collectionneurs asiatiques est un peu différent de celui des Occidentaux mais tout est en train de s’aplanir avec la mondialisation, internet et les réseaux sociaux. Il reste des particularités: par exemple, les collectionneurs du Sud-Est asiatique ont un goût prononcé pour les cadrans tropicalisés», explique Simone Woo chez Phillips.

Aucun chiffre officiel n’existe, mais aujourd’hui, le marché de deuxième main semble afficher une croissance plus importante que celui de la montre moderne au niveau global via les ventes aux enchères physiques et la vente de particulier à particulier en ligne, qu’il s’agisse des plateformes occidentales comme Amazon ou Chrono24 ou asiatiques comme AliBaba ou Taobao.