tructurée en holding du même nom, la Concepto Watch Factory – intégralement propriété de Valérien Jaquet et de ses deux sœurs – contrôle et abrite un ensemble de «centres de profit», sociétés toutes logées dans les mêmes murs d’un imposant bâtiment industriel de 7’500 m², planté à la périphérie de La Chaux-de-Fonds depuis 2008 et dont vient de s’achever la dernière expansion.

A l’intérieur de cette Watch Factory on trouve ainsi réunis Artisia SA, chargée de toutes les étapes de l’assemblage, du T0 au T3; Décoparts SA, pour les opérations de décolletage, taillage, roulage pour visserie, rouages, pignons et autres axes; la stratégique Optimo Assortments SA, qui fournit les organes réglants, roue d’échappement, ancre, spiral ; Micro-ACE SA, en charge de la prototypie; et Arts Design Manufacture SA, qui regroupe depuis quatre ans tous les métiers d’art (au départ 5 personnes, aujourd’hui 15 personnes: gravure, émail, marqueterie, micro-peinture, sertissage).

Eclaté du mouvement Concepto 8600, un Tourbillon Répétition Minute

Cet ensemble, capable de manufacturer, décorer et assembler tous les composants nécessaires au mouvement, à l’exception des pierres, rubis palettes et chevilles, et qui s’appuie en renfort sur un réseau de sous-traitants locaux (par exemple pour les vis spéciales), est doté d’un impressionnant parc de machines (120). Il produit «de 30’000 à 40’000 mouvements», dont une large part de chronographes, et environ 1’000 mouvements compliqués par an.

Une très large palette de réalisations

«Notre spécialité est de livrer des mouvements terminés et décorés, explique Valérien Jaquet. Et nous pouvons nous vanter d’offrir une très large palette de réalisations. Ce qui nous a permis et nous permet toujours de passer relativement indemnes à travers les différents hauts et bas que traverse depuis toujours l’horlogerie.»

L’Octo Finissimo Ultra Craft de Bulgari et l’Astronomia Revolution de Jacob & Co

Parmi la quarantaine de clients dont se targue aujourd’hui Concepto, nous pouvons en citer quelques-uns qui témoignent bien de cette riche diversité: Bulgari, pour qui Concepto a réalisé le mouvement de la fameuse Octo Finissimo de 1,8 mm d’épaisseur; Jacob & Co, dont Concepto réalise une large part des collections, dont un tourbillon 4 axes à force constante; Hublot, avec notamment le chrono Big Bang; Louis Moinet, partenaire de longue date pour qui Concepto réalise la grande majorité des mouvements; ou encore Dior, Rebellion, Breitling, Sinn, Porsche Design… qui tous comptent parmi ses clients.

Dès 2006

Micro-mécanicien de formation devenu constructeur horloger («enfant, je faisais déjà énormément de modélisme», tient-il à se rappeler), le jeune Valérien se lance à l’eau en 2006 en créant un petit bureau d’études. Son idée initiale est de proposer aux marques des projets de construction de mouvements sur dossier. «Mais je me suis rendu compte qu’on était alors en plein boom des images de synthèse et que de nombreux bureaux d’études proposaient partout des projets, mais sous forme uniquement d’images et qu’il fallait aller plus loin pour être convaincant.»

Il distribue alors ses plans auprès de sous-traitants extérieurs, fait fabriquer des pièces pour produire des prototypes. Il se heurte ainsi aux problèmes concrets des délais, de la qualité, tant et si bien que rapidement, dès 2007, il décide de «faire ses copeaux lui-même».

Valérien Jaquet

Son père, Jean-Pierre Jaquet, va l’aider à créer ses propres moyens de production. Celui-ci, surnommé le «Pharaon» par toute l’horlogerie suisse, a une sacrée expérience en la matière. Au départ antiquaire, mais micro-mécanicien de formation, il est parvenu à monter une importante manufacture de fabrication horlogère qui portait son nom, manufacture revendue à Citizen en 2003, et devenue aujourd’hui La Joux-Perret.

Mais sa riche expérience en la matière va s’avérer très utile. «Nous nous sommes rapidement retrouvés à 80 collaborateurs puis nous nous sommes stabilisés durant longtemps à 120 avant de reprendre l’ascenseur pour arriver aujourd’hui à 160 collaborateurs», énumère Valérien Jaquet.

Commencer avec les complications

Le démarrage de la manufacture Concepto s’est fait non pas «par le bas» mais «par le haut», si l’on peut dire, avec un mouvement tourbillon remarqué, le Concepto C8000. «Ce démarrage dans la grande complication et la haute horlogerie nous a contraints dès le départ à miser sur la qualité totale», affirme Valérien Jaquet non sans orgueil. Mais en parallèle à ces premiers accomplissements en haute horlogerie, l’entrepreneur et son équipe planchent sur le développement d’un calibre «de base», plus industrialisé, capable de répondre aux divers besoins de marques en mouvements divers, Swiss made, de belle horlogerie et de haute qualité technique et esthétique.

Ce sera le calibre C2000 et ses multiples dérivés, «mon bébé», dit avec fierté Valérien Jaquet. Dès 2008 apparaissent les premier calibres C2000 (à remontage automatique, heures, minutes, secondes) puis le C2020, un chronographe intégré disponible en version mono-poussoir. Tous deux calibres conçus pour accueillir des modules additionnels.

«Au début, effectivement, il s’agissait de moteurs de base sur lesquels venaient se greffer des modules additionnels. Mais graduellement, nous avons intégré de plus en plus profondément les diverses fonctions. Avec le calibre C2000 et ses dérivés, Concepto Watch Factory propose ce que nul autre fournisseur de la belle horlogerie n’avait proposé jusqu’à présent: un véritable mouvement manufacture à même de répondre à des affichages de cadran les plus divers. Aujourd’hui, 9 projets sur 10 proviennent de nos équipes, grâce à un département R&D où œuvrent une dizaine de collaborateurs et un bureau technique et d’engineering divisé en deux pôles, le pôle Mouvements et le pôle Habillage. L’idée est d’offrir ainsi une forte réactivité et une grande souplesse.»

Quelques exemples de l’offre en mouvements de Concepto

Le premier Calibre 2000 automatique

Le Calibre 01053, automatique à micro-rotor

Le Calibre 03027 à remontage manuel

Le Calibre 08050, automatique, tourbillon

Haut degré d’intégration industrielle

Toute visite commence par ce Bureau Technique divisé en deux pôles, mouvement et habillage. Via les outils de conception 3D, c’est ici que se trame la genèse des produits, leur engineering, et où se dessinent aussi les outils d’étampage qui seront nécessaires à leur production. En habillage, Concepto mène des projets avec des desiderata très précis, particuliers, qui nécessitent une adéquation particulière du mouvement dans son encombrement final. Le laboratoire interne, avec ses horlogers spécialistes en prototypie, permet de valider et de fiabiliser aussitôt les solutions proposées par les constructeurs.

Le Bureau Technique est flanqué du Bureau des Méthodes qui, après qualification, crée les gammes opératoires et établit les dossiers de production.

Passés ces espaces où opèrent les «blouses blanches», on arrive dans la matière. Laitons, aciers, or, platine, titane, sous forme de barres, de billes, de grenaille y sont lavés, recuits, durcis, trempés, mis en épaisseur au micron, sablés, polis… «Le fait de maîtriser son approvisionnement et le traitement des matières brutes – qu’elles soient techniques ou précieuses – nous permet de disposer d’une matière irréprochable, prête à être usinée selon tous les critères les plus précis requis pour tel ou tel composant», nous explique-t-on sur place.

Quand on entre dans le vif de la production, on ne peut qu’être frappé par l’intégration de l’ensemble des opérations, aux technologies bien diverses, qui permettent la fabrication de mouvements complets, y compris, rappelons-le, les fameux et stratégiques organes réglants, spiral compris.

Ce sont en tout près de 150 unités d’usinage et équipements spécifiques qui y contribuent et assurent le très haut degré d’indépendance de Concepto. Sans compter un essentiel atelier de mécanique de précision traditionnel qui permet à la manufacture de fabriquer son propre outillage, ses posages, ses outils de forme, ni sur l’unité d’étampage qui procède à la fabrication d’étampes complètes, un processus qui nécessite un savoir-faire bien spécifique et d’autant plus rare.

Etampes

Dans les salles des machines s’alignent centres d’usinage à commande numérique 5 axes, tours numériques, machines de découpe par électroérosion, un parc de fraiseuses équipées de chargeurs automatiques qui leur permettent de tourner 24h sur 24, décolleteuses pour goupilles, tenons, vis, axes, sans compter roulage, taillage, fraisage… Le tout sous la haute main coordinatrice d’un bureau central de programmation GPAO (un logiciel qui permet de piloter les activités de production, de la conception jusqu’à l’ordonnancement des tâches et des ressources).

Aperçu du parc de CNC pour le fraisage

Centre d’électroérosion

Mais la manufacture ne serait pas tout à fait indépendante si elle ne maîtrisait pas la fabrication de ses propres assortiments, du cœur battant de ses propres mouvements. Sur ce point, Concepto peut se targuer de posséder une belle longueur d’avance sur nombre de ses concurrents. Avec des alliages développés en interne, des équipements bien spécifiques et un savoir-faire acquis dès 2012, la manufacture assure la fabrication industrielle de l’ensemble de l’organe réglant, balancier, spiral, ancre garnie et roue d’échappement.

En 2012 déjà, Europa Star annonçait la naissance auprès de Concepto d’une «source alternative» d’assortiments.

La plus-value décoration

Comme Valérien Jaquet tient à le répéter, «la finition la plus poussée et le soin apporté à la décoration sont des composants essentiels de notre offre, qui permettent à nos clients d’affirmer leur personnalité tout en respectant leurs signatures esthétiques propres». Concepto maîtrise à cet effet l’ensemble des techniques de décoration, autant les opérations artisanales traditionnelles, telles que l’anglage, le poli noir, les Côtes de Genève, le perlage, le berçage, que les technologies les plus novatrices, à l’exemple de la gravure laser.

Perlage, décoration manuelle

Texturisation laser

A ces diverses techniques de décoration s’ajoute le département Arts Design Manufacture SA, qui regroupe tous les métiers d’art, gravure, laque, céramique, micro sculpture, qui permettent à Concepto de réaliser intégralement les projets de haute horlogerie les plus poussés et prestigieux.

Gravure main d’un boîtier

L’Atelier d’Horlogerie

A l’intérieur de la Manufacture, l’Atelier d’Horlogerie est installé sur un large plateau de 500m² où s’opèrent garnissage, assemblage des mouvements et emboîtage, flanqué d’un laboratoire et d’une zone de contrôle et de visitage final.

Particularité, la zone dédiée à l’assemblage des produits de flux, sectorisé par type d’opérations, côtoie directement la zone réservée aux produits de haute horlogerie où opèrent les horlogers complets qui assemblent chacun leur propre montre de A à Z. « Si nous avons opté pour ce voisinage entre assemblage de mouvements produits dans des quantités semi-industrielles et calibres compliqués créés à l’unité, c’est en vue de parvenir à des objectifs de qualité identiques. Le partage des savoir-faire opère ainsi de manière naturelle d’un univers à l’autre.»

Le très beau Calibre Concepto 08600, mouvement manuel, tourbillon, répétition minute sur 3 timbres. Nombreuses personnalisations possibles (y compris tourbillon volant). Particularités: le rouage de sonnerie est régulé par un système à ancre et une innovation dans la distribution des forces offre une vitesse constante dans le rouage de sonnerie. Il en résulte des gongs réguliers et de même intensité tout au long du fonctionnement de la répétition.