armi les entreprises de l’horlogerie qui s’engagent dans une démarche ESG (Environnementale, Sociale et de Gouvernance), Breitling fait partie des pionniers. La marque s’est fixé des objectifs ambitieux et publie ses rapports année après année.

Aurélia Figueroa, Global Head of Sustainability, avait fait part des objectifs de la marque l’année dernière (dans un article à retrouver ici). Où en est la marque aujourd’hui dans ce parcours ESG?

La responsable répond à nouveau à nos questions.

Europa Star: L’année dernière vous nous aviez détaillé votre politique et vos objectifs. Votre Rapport Durabilité 2023 vient de sortir. Quelles sont vos réalisations-phares? Où en êtes-vous par rapport aux objectifs fixés?

Aurélia Figueroa: Notre plus belle réalisation est d’avoir réussi à aligner notre plan de réduction de nos émissions sur les objectifs Science Based Target initiative (SBTi) que nous nous sommes fixés. Et cela sur les Scopes 1, 2 et 3 avec nos cibles pour 2032 et 2050. Les résultats portent sur nos approvisionnements en matière première - notre plus gros poste émetteur -, sur l’engagement de nos fournisseurs (plus de 75% à ce jour) et sur l’obtention du label Fair Pay globalement. Je suis très heureuse aussi de la création de notre Impact Diamonds Funds avec l’Amani Institute. Notre partenaire pour nos diamants de laboratoires est passé à 100% en énergies renouvelables, réduisant ainsi significativement son empreinte carbone. Et nous développons aussi notre impact positif sur les communautés autour de nos fournisseurs.

La mine Touchstone en Colombie, membre de la Swiss Better Gold Association, partenaire de Breitling pour son approvisionnement en or.

Quels sont les obstacles majeurs que vous rencontrez sur ce chemin vers plus de durabilité?

Selon moi, le plus gros défi est de bien comprendre comment réussir à engager pleinement les parties prenantes, à savoir nos actionnaires, nos employés et nos partenaires. Il faut bien appréhender les besoins de chacun et savoir comment les satisfaire tout en intégrant les efforts nécessaires pour atteindre nos objectifs ESG. Pour y arriver, nous organisons de multiples événements et évaluons ceux qui fonctionnent le mieux. Par exemple, nous faisons des classes de cuisine végétarienne, des journées de nettoyage des plages, des journées d’action en forêt. Nous devons amener les participants à se poser une question essentielle: «Quelle est notre théorie du changement? Que sommes-nous prêts à changer?» Nous réfléchissons ensuite à ce qui ressort de ces événements et déterminons ainsi les meilleurs moyens pour engager réellement les personnes afin d’atteindre nos objectifs. L’engagement de toute l’entreprise et de tous nos partenaires est primordial. Nos équipes sont totalement investies de cette mission et nos fournisseurs se sont engagés formellement. C’est par cette collaboration à l’interne et à l’externe que nous arrivons à être parfaitement alignés sur nos objectifs pour 2032 et 2050.

Identification des postes d’impact, de leur poids respectif et des objectifs de réductions à horizon 2032 et 2050

Evolution des postes contributeurs des Scopes 1, 2 et 3 en 2023 par rapport à 2022

Les sources d’impact les plus grandes sont, comme l’année dernière, l’extraction des matériaux et le transport (collaborateurs, marchandises, voyages d’affaires, évènements). Comment continuez-vous de les réduire?

L’extraction représente 40% de nos émissions. C’est notre poste le plus important. Nous avons consommé 902 kg d’or en 2023 (contre 602 kg en 2022), en hausse de 50%. Cependant, nous avons réussi à baisser les émissions de ce poste. Comment? Non pas en les compensant, ce qui n’impacte pas la valeur absolue, mais en investissant directement auprès de la mine en Colombie avec laquelle nous travaillons (membre des mines artisanales, petites et moyennes - ASM - de la Swiss Better Gold Association, ndlr). Nous avons électrifié l’installation avec de l’énergie renouvelable photovoltaïque. En collaborant étroitement avec ce fournisseur-clé, nous pouvons aussi vérifier que les impacts en matière de biodiversité, déforestation et utilisation de l’eau sont aussi contrôlés. Concernant le transport, nous avons mis en place des systèmes pour inciter le transport de nos employés vers leur travail par de la mobilité douce. Nous organisons des événements locaux pour réduire les déplacements au minimum. Les efforts se font sur tous les fronts.

Votre chiffre d’affaire devrait dépasser le milliard de revenus cette année. Vous embauchez, vous ouvrez de nouvelles boutiques. Est-ce compatible avec une réelle baisse des impacts ESG?

C’est exactement ce vers quoi nous tendons. Le luxe est bien évidemment une histoire d’artisanat, d’héritage et de transmission du beau. Mais c’est aussi une expression du statut social. Il incarne une sorte de «rituel de passage» où l’on s’octroie le droit de consommer pour se récompenser, par exemple. Il faut reconnaître et admettre cela. Cette demande pour des produits reflétant un statut social va continuer d’exister. À nous de prendre part au questionnement afin d’évaluer comment nous pouvons rendre cela compatible avec davantage de durabilité. Je pense que c’est possible avec un engagement fort et en allouant les ressources nécessaires pour s’aligner sur les objectifs à atteindre. Les chiffres sont là pour le démontrer. Notre chiffre d’affaires 2023 a augmenté de près de 30% par rapport à 2022 et nous réussissons malgré cela à atteindre une baisse de nos émissions globales, en valeur absolue, de 6,6%. Je pense qu’un engagement authentique et profond de toutes les personnes impliquées rend ces résultats possibles. Le fait qu’une partie de la rémunération des dirigeants soit aussi liée à l’atteinte d’objectifs ESG montre aussi le sérieux de notre démarche.

Récapitulatif de l’évolution des émissions par Scope en 2023 par rapport à 2022

Un luxe frugal serait-il donc possible selon vous?

Il faut pour cela qu’une volonté forte existe tant au niveau corporate que personnel - un désir profond de réaliser ces réductions nécessaires de nos impacts. Il faut en premier lieu en prendre conscience. Ensuite les analyser froidement et de manière transparente. Enfin, il faut décider ce que l’on veut définir comme luxe dans nos vies, ce dont nous avons réellement «besoin». Cela peut aussi passer par simplement acheter plus local, plus de seconde main. Chaque geste compte au final. Par une prise de conscience personnelle, un effort collectif, le développement de collaborations, nous pouvons y arriver.