int n’est pas la première marque à créer des bijoux de sentiments: les joyaux porteurs de secrets ou de messages existent depuis sans doute aussi longtemps que les parures précieuses existent. On connaît les bagues de Gimmel apparues au Moyen Âge, qui étaient divisées en deux parties, chacune étant gravées d’un message d’amour éternel, les deux étant réunies le jour du mariage.
Sous l’Empire, l’atelier Marie-Etienne Nitot, le joaillier de Napoléon devenu plus tard la maison Chaumet, avait créé des bracelets acrostiches que l’empereur a offerts à Joséphine de Beauharnais, puis à Marie-Louise. Pour déchiffrer le message, il fallait prendre l’initiale de chaque pierre composant le bijou et recomposer le mot. Mais Virginie Parent a une tout autre manière de créer un code précieux: elle utilise de l’or et des diamants pour reproduire des mots en morse.
- Virginie Parent, fondatrice de Hint
Après une formation à la Haute Ecole de Joaillerie de Paris entre 1998 et 2002, Virginie Parent fut recrutée par le joaillier Lorenz Bäumer. Elle y est restée deux ans, de 2002 à 2004. La suite de son CV ressemble au bottin mondain de la haute joaillerie: cinq ans chez De Beers à Londres, un court passage chez Chanel, un an chez Harry Winston à New York, six mois chez Cartier. Elle a travaillé en freelance pour Fabergé, Piaget, Chaumet et de nombreux clients basés à Dubaï, Hong Kong et Moscou.
Puis un jour Virginie Parent a eu l’envie de créer ses propres bijoux, des pièces qui soient à la fois personnalisables et accessibles. C’est en découvrant un alphabet morse sur Pinterest qu’elle a l’idée de faire fabriquer un collier avec son initiale V: trois points, un trait. La multitude de compliments reçus d’amis et de clients lui ont donné le culot de lancer sa propre marque. Elle l’a baptisée Hint, parce qu’il s’agit d’un mot court qui signifie indice ou allusion et c’est exactement ce que sont ses bijoux.
- Médaille More, or jaune et diamant coeur 0,5ct
- Crédit photo Dans Tous Les Sens
A peine avait-elle lancé Hint, en janvier 2019, que Chaumet lui proposait un poste. La Montre Hermès a fait de même et dans cette course au talent, c’est l’horloger qui a gagné. «J’avais déjà réalisé deux montres avec Philippe Delhotal (directeur création et développement, ndlr) et quand il m’a proposé d’entrer chez Hermès, j’ai dit oui.» Désormais, elle partage sa vie entre deux H: Hermès, son employeur, et Hint, sa propre marque.
- Bagues chaîne, T, V & H, or blanc, rose ou jaune et diamant
- Crédit photo Alma Karina
Europa Star: Comment l’amour du dessin vous est-il venu?
Virginie Parent: Ma maman adorait suivre les défilés de haute couture à la télévision, en particulier ceux de Christian Lacroix et je pense que cela a déteint sur moi. Je suis tombée un jour sur une robe Christian Lacroix ornée d’une broche incroyable. Cela m’a donné envie de créer des bijoux. J’étais le genre d’élève qui ne s’intéressait pas à grand-chose en dehors de la littérature. J’ai découvert que l’on pouvait obtenir un CAP de joaillerie à la Haute Ecole de Bijouterie, à Paris.
Nous vivions à Toulon et mes parents m’ont demandé de suivre un cursus universitaire. J’ai choisi les lettres, cela ne m’a pas plu et j’ai finalement intégré la Haute Ecole de Bijouterie un an plus tard en 1998. J’étais meilleure en dessin, à chercher des idées plutôt qu’à la cheville en train de fabriquer des bijoux. A cette époque, Claire Choisne, l’actuelle directrice artistique de Boucheron, donnait des cours à l’école. Elle venait d’être engagée chez Lorenz Bäumer et m’a proposé de faire un stage chez lui. A la fin de ce stage, Lorenz m’a demandé de rester.
- Boucles d’oreille, E,E, V, P & H, or rose ou jaune et diamant
- Crédit photo Alma Karina
Lorenz Bäumer vous a formée alors que vous étiez à peine sortie de l’école. Qu’avez-vous appris à ses côtés?
A l’époque, son studio était divisé en deux parties: il y avait l’équipe qui travaillait pour sa propre marque et la seconde, où je me trouvais, qui était dirigée par Claire Choisne et qui créait pour des clients extérieurs, principalement Chanel. Ce fut à la fois une chance énorme de commencer ma carrière chez lui, mais en même temps j’y ai vécu le pire car il vise l’excellence, il ne laisse rien au hasard, il ose tout et va chercher le moyen d’arriver à des résultats impossibles jusqu’à ce qu’il le trouve. Quasiment tous les designers de la place Vendôme ont commencé chez lui et il nous a élevés comme cela.
- Bagues Sun, Brume & 5+3. Topaze imperiale, or rose et diamant, or rose, spinelle violet et diamant & saphirs multicolores et or jaune
- Crédit photo Alma Karina
Comment vous est venue l’idée de créer des bijoux avec l’alphabet morse?
Cela faisait longtemps que je cherchais une idée pour créer des bijoux personnalisables à des prix abordables. Je m’étais rendu compte que les Parisiennes portaient toutes les mêmes bijoux et trouvais cela sacrément triste. En découvrant l’alphabet morse sur Pinterest, j’ai décidé de me faire fabriquer un collier avec mon initiale, le V, avec de l’or, des diamants baguettes et des ronds. J’ai envoyé le croquis à l’atelier avec lequel je travaillais. C’était en 2017 et j’ai lancé ma marque en 2019.
A l’origine, vos bijoux étaient réalisés uniquement avec des diamants. Qu’est-ce qui vous a poussé à ajouter des pierres de couleur dans votre collection?
Je cherche des pierres de couleur quand les clientes me le demandent, pour des commandes particulières, mais c’est assez rare.
- Bague de fiancailles, or blanc et diamant poire 0,90ct
- Crédit photo Alma Karina
Vous travaillez toujours avec les mêmes fournisseurs?
Oui. Pour les diamants, je me fournis chez Taché. Ils connaissent mes besoins. Les pierres doivent être précisément calibrées car notre technique de serti des baguettes ne laisse pas le droit à l’erreur. Pour les pierres de couleur, je vais chez Imagem. Ils ont des couleurs incroyables que l’on ne voit pas ailleurs.
- Bague Songe à la Douceur, or jaune, diamant et tourmaline terracotta
- Crédit photo Alma Karina
Vous évoquez une technique de sertissage particulière. En quoi est-elle complexe?
Pour réaliser un serti clos, il faut amasser du métal tout autour de la pierre, or dans le cas d’une baguette, il faut suivre les lignes droites, être très minutieux et cela coûte cher. J’ai travaillé avec un développeur qui a trouvé un système pour que l’on vienne clipser la baguette dans la sertissure. On ne rabat ensuite le métal que d’un seul côté, ce qui me permet de diviser le prix de serti par cinq. Sur de petits bijoux comme les miens, il y a peu de matière mais beaucoup de main d’œuvre, et comme tout est réalisé à Paris, nous avons trouvé un moyen pour rendre mes bijoux plus abordables.
Les diamants baguette avec lesquels je travaille font 0,38 mm ou 0,39 mm de long sur 0,18 mm ou 0,19 mm de large. Nous travaillons au dixième de millimètre près. Afin de toucher une clientèle plus jeune, j’ai aussi eu l’idée de créer des bijoux «Mini Hint» réalisés avec de petites baguettes en or qui sont beaucoup moins chères que les diamants. J’ai toujours rêvé de créer des bijoux pour tout le monde.
- Mini alliance Forever, or rose et diamant
- Crédit photo Alma Karina
Vous avez commencé avec des bijoux en chaîne. Aujourd’hui l’offre s’est étoffée avec des alliances, des pendentifs, des médailles. Une évolution naturelle?
Un jour, un client m’a demandé de lui dessiner une bague de fiançailles. Il voulait que j’utilise un diamant de taille poire. Ce fut ma première bague en «dur». Lorsque je l’ai vue sortir de l’atelier, je l’ai trouvée super jolie! Le Graal, pour tous les designer en joaillerie, c’est de réussir à dessiner une bague de fiançailles et une alliance qui soient originales. J’ai donc demandé à l’atelier de créer des alliances, puis de petites boucles d’oreille. C’est moins compliqué à réaliser que les bijoux montés sur chaîne qui eux, demandent beaucoup plus de main d’œuvre car il faut souder les lettres à la chaîne à chaque extrémité.
Avec quelques ateliers travaillez-vous?
Je travaille avec un atelier à Paris qui collabore avec les joailliers de la place Vendôme. C’est là que mes pièces ont été développées et qu’elles sont fabriquées. Je travaille aussi avec un atelier basé à Barcelone qui réalise mes petites alliances.
- Pendentif Mini Flèche, B, or jaune et diamant
- Crédit photo Dans Tous Les Sens
Y-a-t-il des messages que vous ayez refusé d’écrire?
Non, jamais. Souvent, on me demande d’écrire des messages d’amour, les initiales d’enfants ou ses propres initiales. Une artiste m’a demandé de réaliser le mot «art», une personne m’a commandé un sautoir avec une citation du Petit Prince. La commande la plus drôle fut celle d’une copine avocate. Elle travaille dans un grand cabinet d’avocats d’affaires où les hommes sont odieux. Elle m’a demandé un bracelet sur lequel est écrit le mot «pute» en morse, parce que c’est ainsi qu’ils traitent les filles quand ils ne sont pas contents. Elle le porte pendant les réunions et remonte ses manches bien haut. Quant à moi, j’ai un collier «fuck». Et je le porte quand on m’embête.