haque période de l’histoire horlogère génère sa propre «nouvelle vague» de créateurs, d’inventeurs et de marques, que celle-ci soit suscitée par de nouvelles techniques (la révolution de la mécanique au 19ème siècle puis l’automatisation et la production de masse au 20ème siècle), de nouveaux goûts en ce qui concerne le luxe (la surenchère du tourbillon depuis les années 1990, la squelettisation pour montrer «tout» du mouvement), des disruptions correspondant à de nouvelles élites (l’«über»-horlogerie des années 2000), voire des contre-révolutions (le retour au vintage de ces dernières années, accompagné de diamètres plus modérés).
Quelle est donc la «nouvelle vague» la plus significative en ce moment – celle qui en dit le plus sur l’époque que nous traversons? Etablir une typologie des nouveaux entrants reste un exercice complexe, d’autant plus dans une ère qui favorise l’éclectisme. Qui restera – et qu’en restera-t-il? Quelques portraits d’horlogers que nous avons réalisés depuis le début de l’année donnent des signaux sur cette nouvelle vague – ou plutôt «ces» nouvelles vagues.
Un mot-clé de notre époque est certainement celui de «liberté», après deux décennies de déconstruction de la tradition horlogère. Liberté totale du point de vue créatif, où presque plus rien n’est tabou. Liberté et horizontalité de la recherche et du développement pour imaginer de nouvelles pistes techniques. Et surtout peut-être liberté entrepreneuriale, alors que les «indépendants» connaissent une vague de succès comme cela n’a plus été vu depuis l’émergence de la nouvelle scène horlogère du début des années 2000.
Une capacité innée à faire la synthèse de l’utilisation la plus contemporaine de la technologie avec un amour fou et un respect naturel de l’artisanat et du fait main.
A un bout du spectre, on trouve, parmi les membres de cette nouvelle vague, des acteurs qui osent démocratiser l’élite – le design, dans le cas d’une marque comme Furlan Marri; les complications, avec BA111OD, Horage et d’autres qui rendent le tourbillon moins élitiste. A l’autre bout du spectre, on trouve des acteurs qui prolongent l’«über»-horlogerie de ce siècle, comme Alexandre Labails, dont vous découvrirez le portrait ici.
Mais ce qui réunit peut-être le plus les membres de «ces» différentes nouvelles vagues est leur capacité innée à faire la synthèse de l’utilisation la plus contemporaine de la technologie – réseaux sociaux, intelligence artificielle, voire impression 3D – avec un amour fou et un respect naturel de l’artisanat et du fait main, contrastant avec une forme de saturation digitale.
Retenez par exemple le nom de Shona Taine, une jeune horlogère prometteuse qui vient tout juste de dévoiler son nouveau modèle. Dans notre dernier numéro, nous vous proposons une série de portraits de ces artisans nouvelle génération, qui risquent fort de faire des vagues… Vous aurez certainement plaisir à découvrir leurs parcours: pour beaucoup, tout se joue dans l’enfance et les prémices d’une passion horlogère peuvent être retracées dès leurs plus anciens souvenirs. Perpétuant une pratique manuelle souvent proche de la méditation, ils reproduisent le «geste juste» de leurs ancêtres. Et assureront aussi à leur tour, un jour, une filiation de cœur et d’esprit à destination des générations suivantes. On ne peut que leur en être reconnaissant.