L’horlogerie indépendante


Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

novembre 2023


Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

Jean-Marie Schaller, propriétaire et directeur créatif de la marque Louis Moinet, a présenté une montre hautement symbolique: les heures sont marquées non par des index mais par des météorites, ce qui lui a valu d’entrer dans le Guinness World Records™. Ce garde-temps est un résumé de l’histoire de notre système solaire. Une invitation à regarder le ciel et nous rappeler que nous sommes minuscules.

«L

es météorites représentent l’origine de l’univers et il y a une forme de pureté dans ces petits fragments qui est très touchante», relève Jean-Marie Schaller, CEO et directeur créatif de la marque Louis Moinet. Cosmopolis, sa dernière création, relève aussi de cela, d’une réflexion sur l’origine de l’univers et donc de notre rapport au temps. Mais aussi de l’histoire de la marque.

«La première impulsion vient de l’histoire de Louis Moinet, explique-t-il. Micaela (Bartolucci, son épouse, ndlr) et moi avons commencé l’aventure de Louis Moinet il y a 25 ans. Nous avons été attiré vers ce nom qui était tombé dans l’oubli. Ce qui en subsistait, c’était une nécrologie de huit pages, écrite par un de ses amis qui disait qu’il était le plus grand de tous les horlogers. J’ai fait des recherches et j’ai découvert qu’il avait inventé le chronographe, la haute fréquence et qu’il a eu comme clients les personnages les plus importants de son temps. Cet homme avait trois passions: les arts, l’astronomie et l’horlogerie. Alors forcément cet attrait pour l’astronomie nous a guidés afin d’utiliser des météorites dans les montres Louis Moinet.»

Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

Avant de parler de météorites et de se pencher plus avant sur la Cosmopolis, revenons sur ces deux assertions: Louis Moinet comme inventeur du chronographe et de la haute fréquence. L’histoire horlogère a longtemps considéré que le premier chronographe avait été inventé par Nicolas Rieussec en 1822, utilisant de l’encre pour marquer le passage du temps. Et ce jusqu’à l’apparition en 2013 d’un garde-temps extraordinaire qui a bouleversé toutes les certitudes: le véritable premier chronographe qui calcule le soixantième de seconde grâce à une aiguille foudroyante!

Le compteur de tierces de Louis Moinet
Le compteur de tierces de Louis Moinet

Conçue entre 1815 et 1816, cette montre de poche porte la signature de Louis Moinet sur le cadran. Son concepteur l’avait nommée «compteur de tierces», parce qu’à l’époque, un soixantième de seconde s’appelait un tiers. Or ce chronographe oscille à 30 Hz, une fréquence qui n’a été maîtrisée par l’industrie horlogère qu’environ deux siècles plus tard...

Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

La fréquence la plus courante utilisée pour les montres mécaniques est de 4 Hz, soit 28’800 alternances par heure. En 2017, Zenith a lancé son modèle Defy El Primero 21, muni de deux mouvements indépendants. Le premier, qui prend en charge l’affichage des heures et des minutes, bat à 36’000 alternances par heure, soit 5 Hz, la fréquence du fameux El Primero. Le second est dédié à la fonction chronographe qui affiche le 1/100e de seconde. Il ne fonctionne que pendant 50 minutes à remontage complet mais son balancier oscille à la fréquence de 360’000 alternances par heure, soit 50 Hz. Avec sa montre dont le balancier oscille à 30 Hz, Louis Moinet, qui l’avait conçue pour mesurer le passage des étoiles, avait ainsi deux siècles d’avance.

Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

Jean-Marie Schaller n’a pas choisi de mettre sur son cadran douze météorites par opportunisme. Il les collectionne depuis vingt ans et se fournit chez le marchand et chasseur de météorites Luc Labenne (lire notre article dédié ici). «La première météorite que je lui ai achetée était une météorite de Lune et j’avoue que j’ai pleuré quand il me l’a donnée. Vous regardez la Lune, vous vous dites qu’elle est à 360’000 km de distance et vous en avez un fragment dans la main», explique-t-il. Son goût pour les météorites n’est pas seulement lié à leur rareté mais aussi à leur beauté. «Avez-vous déjà vu une pallasite (une météorite composée de cristaux d’olivine inclus dans une matrice de fer, ndlr)? C’est magnifique. C’est comme si un créateur avait fait de l’art avec une matière brute», confie Jean-Marie Schaller.

«En choisissant ces météorites, c’était comme si l’on créait un système planétaire à l’intérieur de la montre, poursuit-il. Nous avons confié la découpe des météorites à Daniel Haas, spécialiste et artisan des pierres semi-précieuses.» La montre a été dessinée par son fils, Nathanaël Schaller.

«Le défi était de placer le plus de variétés de météorites possibles dans la montre, explique celui-ci. Mais comment les agencer pour que ce soit harmonieux? Il y a douze météorites et douze heures. Si vous regardez le cadran de cette pièce, entre chaque interstice séparant les pastilles de météorites, on retrouve les index des heures. La gradation s’arrête au niveau du tourbillon. Nous avons placé une chondrite noire à l’arrière de la cage du tourbillon et au centre, une météorite lunaire, parce que la Lune nous fait tous rêver. Je voulais que le résultat soit épuré. Je suis bijoutier de formation et les météorites sont tenues par un serti clos. Elles confèrent à cette montre un aspect muséal.» Le garde-temps a d’ailleurs décroché le titre Most meteorite inserts in a watch du Guinness World Records™.

Le soir de la présentation, parmi les invités, il y avait Luc Labenne, le fameux chasseur d’étoiles et l’homme qui vend ses météorites à Jean-Luc Schaller depuis une vingtaine d’années. L’occasion rêvée pour en savoir plus sur certains fragments rares qui ornent la Cosmopolis.

«Chacune des douze météorites a une histoire différente, souligne-t-il. Bien sûr, il y en a une qui provient de Mars, une autre de la Lune, mais il y a aussi une météorite que j’aime beaucoup et qui s’appelle Erg Chech 002. C’est la roche la plus ancienne du système solaire. Lorsque j’ai reçu les premières photos de la part des personnes qui l’avaient trouvée, je n’étais pas sûr que c’était une météorite: elle possède de grands cristaux verts couleur chartreuse inhabituels. Mais quand les scientifiques l’ont analysée, ils se sont rendus compte que non seulement c’était une météorite, mais en faisant une datation, ils se sont aperçus que c’était la plus ancienne de toutes!» Cette météorite a en effet 4,567 milliards d’années, ce qui veut dire qu’il s’agit d’un morceau de protoplanète qui est plus ancien que la Terre elle-même.

Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel

Sur le cadran, on peut aussi découvrir un morceau de l’Allende, une météorite qui est tombée au Mexique. «Celle-ci possède des inclusions très anciennes qui se sont formées au début du système solaire. En termes d’ancienneté, elle a été détrônée par la Erg Chech. Il faut aussi mentionner l’Aguas Zarcas, qui est une météorite fascinante. Elle est tombée au Costa Rica, contient des acides aminés et fait partie de ces rares météorites qui contient environ 15% d’eau. Les scientifiques pensent que ce type de météorites était très abondant au début de la formation du système solaire et que 20% de l’eau sur terre aurait été apportée par ce genre de météorites. J’ai oublié de mentionner la Sahara 97093 qui contient des micro-diamants qui font entre 20 à 100 microns. Ils se sont formés lors d’explosions de supernovae qui contiennent beaucoup de carbone. Cette montre regroupe des météorites iconiques.»

Et quand on écoute le chasseur d’étoiles nous raconter l’histoire de chacune des météorites contenues sur le cadran de la Cosmopolis, on se dit que cette montre retrace un peu l’histoire du système solaire…

Louis Moinet Cosmopolis, la montre tombée du ciel