e n’est pas juste une boutique, c’est surtout une aventure collective», lance Maximilien Roussel-Galle, alors qu’il nous accueille chez Watchmakers United, un espace qui vient d’ouvrir au centre de Genève. Ce natif de la Franche-Comté, qui a sillonné le monde lorsqu’il était actif dans la marine, est revenu à sa région d’origine et à son terroir: l’horlogerie.
Après avoir fondé la plateforme en ligne Luxogood, déjà dédiée aux créateurs indépendants, il inaugure à présent cet ancrage physique au cœur de l’écosystème horloger. A ses côtés, il a nommé Vincent Vuillaume, spécialiste des réseaux de distribution horlogers qui a longtemps œuvré chez Cartier puis Hublot, pour apporter son expertise du retail.
Passer un cap
«Les créateurs indépendants ont vécu une période de forte demande ces dernières années, mais ils font souvent tout eux-mêmes: création, production, vente, distribution... Et après avoir touché un premier noyau d’enthousiastes, il leur est plus difficile de franchir la deuxième étape – celle de clients qu’ils ne connaissent pas personnellement – car ceux-ci veulent pouvoir essayer et voir les montres en tout temps», relève Maximilien Roussel-Galle.
- Maximilien Roussel-Galle
La boutique physique, accompagnée d’une plateforme digitale, se propose ainsi de les aider à briser ce «plafond de verre» qui maintient souvent les indépendants dans une forme de stagnation après un premier essor. Leur production rare limite en effet leurs possibilités de présence dans un réseau de détail traditionnel, qui n’est de toute façon pas forcément calibré pour leur profil singulier.
La question de l’accès aux produits – et les délais de livraison – est justement clé: «Nous sommes bien conscients de ce défi, explique Vincent Vuillaume. C’est pourquoi nous avons visé un pool de partenaires (une quinzaine à ce jour, voir ci-dessous, ndlr) suffisamment large pour toujours avoir des pièces à présenter aux visiteurs.» La boutique se veut «tremplin» pour des horlogers indépendants qui ne sont pas encore établis, tant en termes de notoriété que de production, ventes ou présence internationale.
Cela exige une forte dose de pédagogie et de sensibilisation pour aller au-delà du cercle des initiés: «Nous concevons cet espace comme un écrin d’essai pour les marques. Le fil rouge est l’authenticité et la transparence des artisans. Ici c’est chez eux! Nous allons l’animer avec des rencontres, des soirées thématiques, des expositions durant les salons», explique Maximilien Roussel-Galle, qui souligne avoir reçu «beaucoup de bienveillance» pour ce projet dans les coulisses de l’industrie horlogère.
Comme «tout le monde doit faire un pas en avant», la notion de partenariat est très forte entre Watchmakers United et les horlogers qui font partie de l’aventure. «Ce n’est pas une logique de vendre et c’est fini, poursuit-il. Il y a une dynamique de suivi, entre artisans et entrepreneurs. Tout le monde tire dans le même sens pour faire de cette aventure un succès. L’union fait la force, comme notre nom l’indique!»
Du burin à l’écran…
Donner aux artisans la possibilité de se concentrer sur leur travail plutôt que de s’épuiser à passer des heures chaque jour sur Instagram pour faire de la vente en ligne: c’est au final la proposition forte de Watchmakers United. Car ironiquement le temps est ce qui manque le plus aux horlogers, comme à tout le monde!
Au-delà, l’intention est aussi de créer un collectif de créateurs – beaucoup se connaissent déjà, mais informellement – afin de favoriser le «cross-selling» et aller au-delà de leur noyau de clients originels: «Plutôt que d’essayer de prendre des parts de marché à un autre sur un cercle de toute façon restreint de clients, mieux vaut structurer l’offre et élargir le marché dans son ensemble, souligne Vincent Vuillaume. Nous sommes aussi en train de financer des développements qui profiteront à tous, comme le partage technologique ou la possibilité d’achat en bitcoin.»
D’où aussi une offre large, sur des gammes allant de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers de francs. «Auparavant, les créateurs de modèles à 500’000 francs ne voulaient pas figurer au même endroit que des créateurs positionnés à 4’000 francs. Mais cela a bien changé. Si la démarche de l’horloger est sincère et transparente, cela permet d’amener un public plus large, notamment de jeunes», poursuit-il.
On verra bien entendu des éditions spéciales pour la boutique et des «idées vont certainement naître en avançant», comme des collaborations entre créateurs. Dans une logique de suivi de long terme, le marché secondaire sera aussi abordé, pour proposer des possibilités de rachat aux clients de la boutique. Celle-ci envisage aussi d’accueillir des créateurs extra-européens.
«L’horlogerie est un des rares milieux où l’on trouve encore de réels artisans. Et dans leur manière de travailler, ceux-ci sont les derniers tenants du storytelling originel de cet art, pourtant encore largement utilisé par les marques dans leur communication, conclut Maximilien Roussel-Galle. Nous sommes donc au cœur de cet héritage.»
LES PARTENAIRES HORLOGERS
- Olivier Mory, Skill
- Xavier Rousset, XRby
- Marie-Aude Acker et Guillaume Sireyx, Keris
- Bastien Vuilliomenet, Lundis Bleus
- Shona Taine, Khemea
- John-Mikaël Flaux
- Vincent Plomb, Vicenterra
- Armand Billard, Sartory Billard
- Cédric Johner
- Philippe Narbel
- Samuel Gillioz, Kauri
- Colin de Tonnac, Semper & Adhuc