a marque indépendante genevoise Laurent Ferrier, fondée en 2010, a un nouveau directeur général depuis cette année en la personne de Florent Perrichon, que nous avons rencontré à Watches and Wonders. Le domaine du luxe et de l’horlogerie ne lui est pas étranger, puisqu’il a précédemment occupé des postes de direction chez TAG Heuer, De Beers ou encore Cerruti. Et son visage était déjà très familier chez Laurent Ferrier avant cette année: il y occupait depuis juin 2013 une fonction de membre du conseil d’administration – autant dire qu’il connaît la maison de l’intérieur, depuis ses (presque) premiers pas.
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- Florent Perrichon, nouveau directeur général de Laurent Ferrier
Par ailleurs, ce diplômé de l‘École Polytechnique de Paris est également un investisseur, en tant que «business angel», dans de jeunes pousses technologiques, particulièrement versé dans deep tech, de l’intelligence artificielle à l’informatique quantique. Les atouts qu’il met en avant dans son leadership sont sa capacité à accompagner des sociétés à forte croissance – les horlogers indépendants «atterrissent» aujourd’hui après un essor jamais vu – et un accent sur la bonne gouvernance et l’organisation efficace de ces sociétés.

Rentables et indépendants
Laurent Ferrier a été fondé par le maître horloger genevois du même nom, à l’âge de 63 ans en 2010 après une longue carrière chez Patek Philippe, avec son associé François Servanin, grand industriel, l’investisseur principal et président de la marque, qui lui a donné les moyens de réaliser ce rêve. Tous deux sont liés par un amour commun de la course automobile qu’ils ont pratiquée ensemble. De copilotes sur circuit (ils ont notamment obtenu une troisième place aux 24 Heures du Mans 1979 au volant d’une Porsche 935T), ils sont ainsi devenus copilotes en horlogerie. Christian Ferrier, lui aussi formé à l’établi, a rejoint l’entreprise cofondée par son père: il représente la quatrième génération d’horlogers dans la famille Ferrier. Tous deux se consacrent notamment au département de la construction au sein de la société.
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- Un portrait de Laurent Ferrier paru au lancement de la marque, en 2011 dans Europa Star.
- ©Archives Europa Star 2011
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- ©Archives Europa Star 2011
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- ©Archives Europa Star 2011
«Ma priorité en arrivant à la direction est de rassembler les talents de la société pour bien organiser l’avenir du développement produits, nous explique Florent Perrichon. Car après 15 ans d’activité, nous commençons à avoir un certain nombre de calibres, de référence, de boîtiers dans notre catalogue.» La croissance elle, est, déjà maîtrisée et stable, de l’ordre de 1% à 2%, loin de l’exubérance des années de surchauffe de 2021 ou 2022, pour une production qui s’élevait à environ 500 montres l’an dernier.
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- Laurent Ferrier est pris en exemple dans ce récent article sur les finitions en horlogerie.
- ©Archives Europa Star 2025
Laurent Ferrier travaille uniquement avec des détaillants, au nombre de 35 actuellement à travers le monde. «Nous bénéficions d’un bel effet d’aubaine et d’opportunités auprès de détaillants qui ont besoin d’intégrer de nouveaux indépendants parmi les marques qu’ils représentent, poursuit le CEO. Je suis totalement adepte du modèle de partenariat avec des détaillants et notre profil plaît: nous sommes rentables, nous ne dépendons de personne et nous n’allons pas ouvrir nos propres boutiques. Tout cela les rassure et nous permet de construire ensemble un solide modèle de développement et de consolidation de marque.»
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- La Galet Square de Laurent Ferrier à la Une d’Europa Star en 2015, parmi un aéropage de modèles d’horlogers indépendants de nouvelle génération.
- ©Archives Europa Star 2025
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- ©Archives Europa Star 2015
Le «déclic», pour Laurent Ferrier, est arrivé avec la Sport Auto, qui a conféré à la marque un nouveau statut et une forte désirabilité. Ce modèle sport-chic est arrivé au bon moment, en 2021, se lançant en plein dans la bataille du bracelet intégré qui dominait l’imaginaire horloger et les ventes. Un modèle qui a «ouvert la marque à de nouvelles clientèles» et lui a aussi permis de renouer avec la stabilité après une première décennie plus complexe, sur un segment de la haute horlogerie très concurrentiel où l’indépendant se trouve en concurrence avec les plus grands noms de l’horlogerie.
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- La sortie de la Sport Auto, répondant parfaitement aux codes de l’horlogerie la plus désirée de notre époque, a marqué un tournant pour Laurent Ferrier.
- ©Archives Europa Star 2025
Maître des finitions
Après avoir obtenu un cinquième prix au GPHG en 2024 pour la très élégante Classic Moon (après la Classic Tourbillon Double-Spiral, sa toute première montre, en 2010, la Square Micro-Rotor en 2015, l’Ecole Calendrier annuel en 2018 et la Grand Sport Tourbillon Pursuit en 2023), Laurent Ferrier a présenté plusieurs nouvelles itérations de ses grands classiques. «Nous n’allons pas dévier de la ligne qui a fait le succès de la marque, avec Laurent et Christian Ferrier au développement mouvement ainsi que leur sensibilité à l’esthétique des modèles, souligne Florent Perrichon. Le boîtier en forme du galet constitue l’ADN de la marque, avec ses lignes infinies sur le côté et les cornes plongeantes, affinant les modèles au poignet: chez nous, un modèle de 40 mm sur le papier donnera l’impression de faire 38 ou 39 mm de diamètre au poignet.»
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- Remise du Prix de la Montre Calendrier et Astronomie en 2024, le quatrième pour la marque au GPHG, récompensant la Classic Moon de Laurent Ferrier.
La marque est également reconnue pour le fort accent qu’elle met sur les finitions traditionnelles à la main, qui constituent aujourd’hui, comme l’exprime la marque, le «facteur déterminant de la Haute Horlogerie»: chanfreins des angles, polissage au bois de gentiane et à la diamantine, finitions poli miroir… Fruit de sa légitimité et de sa rareté, ses modèles conservent une belle valeur sur le marché secondaire, nouvel étalon de la cote réelle des marques. Elle incarne une horlogerie indépendante discrète, épurée, raffinée, artisanale, intemporelle et élégante, en plein dans ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler le segment du «quiet luxury», soit affichant une esthétique mesurée, misant sur l’excellence du moindre des détails.

Les modèles 2025
La nouvelle Classic Auto Horizon, harmonieuse et minimaliste, reprend le mouvement de l’emblématique Sport Auto – la marque est née après tout d’un amour partagé pour l’automobile! – dans un boîtier en acier et une esthétique beaucoup plus classiques, comme son nom l’indique, ainsi qu’un cadran bleu horizon. Le boîtier de forme galet, inspiré des montres de poche du 19ème siècle, est ici en acier inoxydable avec un diamètre de 40 mm.
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- Classic Auto Horizon
Le mouvement automatique LF 270.01 à micro-rotor en platine 950 est entièrement conçu, décoré, assemblé et réglé dans les ateliers de Laurent Ferrier. Les côtes de Genève rhodiées sur l’ensemble des ponts viennent apporter la touche finale à un modèle positionné à 45’000 CHF (excl. taxes), lancement-clé de cette année qui rejoint la collection permanente de la marque.
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- Sport Auto 79
Pour les 15 ans de la marque, Laurent Ferrier lance aussi une version commémorative de la Sport Auto, la «79» en référence à l’année lors de laquelle, après 24 heures d’efforts et 3’988 km parcourus, Laurent Ferrier, François Servanin et François Trisconi franchissent la ligne d’arrivée et accèdent à la troisième place du classement général de la mythique course du Mans.
Le cadran de couleur crème, avec sa finition opalin qui lui confère un aspect poudré, résulte d’un traitement galvanique apportant une teinte argentée-rosée à la surface. Pour contraster avec ce cadran sobre, cette nouvelle version s’habille intégralement d’or rouge 5N – boîtier de 41,5 mm et bracelet inclus. A 6 heures, un cadran de petite seconde azuré est animé de marqueurs poudrés gris. A l’instar de l’ensemble de la collection, la lisibilité est fondamentale: elle est optimisée ici grâce à la minuterie également poudrée grise. Comme la Classic Auto Horizon, la Sport Auto 79 embarque le mouvement LF270.01. Les ponts, subtilement satinés à l’horizontale et traités au ruthénium, insufflent une énergie contemporaine à l’ensemble du mouvement.
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- La marque a également présenté cette année une nouvelle interprétarion de la Classic Traveller.
Florent Perrichon prend les rênes de la marque à un moment où l’horizon horloger se bouche de nuages menaçants, de la Chine aux Etats-Unis. Les objectifs réalistes qu’il a fixés, autour de la grande horlogerie rare et exigeante incarnée par deux générations de la famille Ferrier et prisée des connaisseurs, lui assurent néanmoins, comme à beaucoup d’indépendants, des atouts fondamentaux pour résister à la tempête.