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LE POINT SUR LES MONTRES CONNECTÉES

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LE POINT SUR LES MONTRES CONNECTÉES

Le moins que l’on puisse dire est que la montre connectée suscite peu d’enthousiasme de la part des marques suisses, qui se sentent «forcées» de s’y mettre, sans gros appétit (à part peut-être l’enthousiasme affiché par un Jean-Claude Biver mais l’a-t-on connu autrement?). Toujours est-il que ce marché zigzagant est en train de se constituer, parallèlement à la montre mécanique et directement sur les terres de la montre quartz. Les propositions les plus diverses se sont multipliées depuis l’an passé. L’heure est au bilan, intermédiaire bien sûr.

L

e marché de la montre connectée, qui a connu son réel envol – tant en termes d’image que de ventes – avec le lancement de l’Apple Watch en avril 2015 après plusieurs années de frémissements, affiche un bilan contrasté une année et demi plus tard. On commence néanmoins à mieux en dessiner les contours.

D’un côté, avec des ventes estimées à plus de 11 millions d’unités en 2015 par le cabinet d’études IDC (chiffre sujet à caution, Apple n’ayant pas dévoilé de chiffre précis pour sa montre «noyée» dans les résultats d’une catégorie mixte de produits), la firme de Cupertino se placerait en deuxième position mondiale en tant que marque «horlogère», directement derrière Rolex avec un chiffre d’affaires d’environ 4,5 milliards de francs, selon un classement un peu provocateur de la banque suisse Vontobel (voir tableau en encadré) et du dernier keynote speech de Tim Cook. Une autre marque connectée, Fitbit, (mais dont la plus grosse part des ventes est le fait de bracelets de fitness), se situerait quant à elle en cinquième position avec un résultat de 1.8 milliard, entre Cartier et Patek Philippe.

D’un autre côté, l’engouement «émotionnel» – historiquement, l’une des clés du succès d’Apple – que l’on aurait pu attendre pour cette catégorie de produit, a été moins fort que prévu. L’iPhone ou l’iPad sont devenus de véritables icônes technologiques de notre époque, même si les ventes du premier affichent pour la première fois un déclin; l’Apple Watch reste pour l’heure beaucoup moins mainstream et ses résultats demeurent confidentiels en comparaison avec les 231 millions de iPhone et 55 millions de iPad écoulés l’an passé (retenons tout de même que si certains n’hésitent pas à parler de «contre-performance», celle-ci ferait saliver bien des acteurs horlogers!).

L’expérience client est souvent décevante et il y a fort à parier qu’un nombre considérable de montres connectées finissent dans un tiroir ou en revente après quelques semaines, sous le coup de la déception ou de la lassitude engendrée par un produit qui reste une simple extension au poignet du smartphone et qui n’a pas encore trouvé sa killer app (l’auteur peut en attester). «Moi-même, je n’ai conservé mon Apple Watch que deux semaines», confie René Weber, l’auteur du rapport de Vontobel. Un doublon au même prix que le smartphone?

«Plus d’une année après la sortie de l’Apple Watch, les montres connectées posent toujours autant de questions et aussi peu de réponses. Pour l’instant, nous ne pouvons dire qu’elles aient eu un impact marqué sur le créneau de l’entrée de gamme, puisque c’est ce segment qui résiste le mieux en 2015», note Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse.

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Pari marketing réussi pour TAG Heuer

Ce marché en décollage, qui représente pour l’heure seulement 1.5% de la production horlogère globale, affiche néanmoins une croissance logiquement très forte, de l’ordre de +224% en comparaison annuelle au premier trimestre 2016! Apple est le géant de cette catégorie, avec plus de la moitié des parts de marché, devant Samsung, Fossil, Casio, Garmin et... TAG Heuer.

Son directeur Jean-Claude Biver a réussi un de ces tours de force marketing dont il est coutumier en profilant la marque historique suisse comme une alternative de qualité à l’Apple Watch, depuis le lancement en grande pompe de la Carrera Connected à New York (200’000 exemplaires prévus pour 2017, soit le tiers des ventes totales), en particulier dans l’esprit des consommateurs américains, un marché à haut potentiel où les ventes de montres connectées pèsent déjà sur les résultats des montres à quartz, suisses ou non.

Un facteur qui n’est pas étranger à la vaste offensive en la matière du Fossil Group, qui doit sentir le boulet passer et qui a annoncé une centaine de modèles connectés à Baselworld pour ses différentes marques sous licence. La production tout entière du quatrième groupe horloger au monde pourrait même être connectée dans un horizon de cinq ans, suite au rachat de la société high-tech Misfit!

Certaines marques haut de gamme, espérant séduire de nouvelles générations d’acheteurs, cherchent quant à elles à associer leur image à ce marché en devenir, malgré une obsolescence programmée inhérente en contradiction avec l’esprit de la montre mécanique. Montblanc avait marqué les esprits l’an passé avec son bracelet connecté présenté au SIHH mais celui-ci semble quelque peu sorti du radar.

C’est cependant dans l’immédiat le segment des montres abordables traditionnelles à quartz (97.5% des montres produites dans le monde) qui se trouve sous la menace des nouveaux acteurs de la montre connectée. Contrairement au groupe Fossil, le Swatch Group n’a pas encore lancé de véritable offensive d’ampleur sur ce créneau ni de partenariat avec l’un des acteurs incontournables des écosystèmes connectés. Pour René Weber de Vontobel, il est probable qu’une partie importante des montres à quartz intégreront au moins un module connecté dans les années à venir.

Nokia se lance dans la bataille

«Nous nous attendons à voir des évolutions majeurs dans les prochains temps: des smartwatches qui ressembleront vraiment à des montres, des interfaces plus faciles d’utilisation, des applications rivalisant avec celles de nos smartphones», estime Ramon Llamas, responsable de recherche chez IDC. Si l’expérience client peut s’avérer décevante sur les modèles actuels, la marge de progression reste importante pour les montres connectées. L’un des créneaux les plus prometteurs est sans doute celui des outils de monitoring de la santé: c’est tout le sens du rachat par Nokia de la marque française de montres connectés Withings. Après avoir manqué le tournant des smartphones, la compagnie finlandaise mise sur les technologies médicales. Une économie gigantesque dans nos sociétés vieillissantes, dont les montres connectées pourraient représenter l’un des outils les plus intéressants. Les assurances sont aux abois...

Mais les modules connectés resteront-ils confinés aux montres, alors que l’on évoque de plus en plus les habits, les lunettes, les bracelets ou les écouteurs connectés, quand ce ne sont pas des puces intégrées directement sous la peau? La montre connectée s’intègre dans l’environnement plus large de l’Internet of Things, des frigos aux robots connectés. Selon IDC, le seul marché des wearables (en grande majorité des bracelets connectés pour l’heure) devrait atteindre quelque 110 millions d’unités d’ici la fin de l’année, soit près de 40% de croissance par rapport à l’an passé, et s’élever à 237 millions en 2020. Combien de «montres» parmi ces centaines de millions d’unités? C’est tout l’enjeu des embryons de montres connectées présentés depuis l’an passé.