Le marché horloger français


Le retour attendu d’un mouvement mécanique industriel en France

INDUSTRIE

janvier 2022


Le retour attendu d'un mouvement mécanique industriel en France

La maison familiale d’horlogerie Humbert-Droz, établie à Besançon, s’est alliée au motoriste suisse La Joux-Perret pour réimplanter l’assemblage de mouvements mécaniques à une échelle industrielle du côté français du Jura. Le premier fruit de cette collaboration porte sur le calibre G100, un mouvement automatique avec date et réserve de marche de 68 heures. Une autre marque française, March Lab, est également de l’aventure. En attendant d’autres? Explications.

L’

horlogerie contemporaine vit un paradoxe intéressant: toujours plus mondialisée dans ses capitaux et opérations, elle insiste toujours plus sur ses racines et son ancrage local - ce qui se reflète par exemple dans le succès actuel des artisans indépendants, héritiers de savoir-faire anciens et adeptes du «fait main», ou dans la reconquête nécessaire des clientèles «domestiques», suite à l’interruption du tourisme d’achat global.

Cela fait ainsi longtemps que l’on s’intéresse à la réimplantation d’une unité d’assemblage de mouvements mécaniques industriels en Franche-Comté, terreau histoire de l’horlogerie française. Dans un créneau haut de gamme, on peut mentionner les efforts valeureux de la maison Pequignet en la matière, avec son Calibre Royal et son plus récent Calibre Initial - la société vient d’être rachetée par Enowe. Dans cet effort, la région peut désormais également compter sur le soutien d’une maison suisse en mains japonaises, le motoriste réputé La Joux-Perret (groupe Citizen) - exemple éclatant et fascinant s’il en est des enchevêtrements actuels entre mondialisation et retour au terroir!

La collaboration née entre la maison familiale d’horlogerie française Humbert-Droz, établie à Besançon, et La Joux-Perret, a abouti au projet d’assembler de A à Z un mouvement mécanique «franco-suisse» dans la capitale française de l’horlogerie. Le premier fruit annoncé de cette collaboration est le G100, un mouvement automatique pour montre à trois aiguilles avec date, doté d’une réserve de marche de 68 heures.

La collaboration entre Humbert-Droz et La Joux-Perret a abouti au projet d’assembler de A à Z un mouvement mécanique «franco-suisse» à Besançon.

Le retour attendu d'un mouvement mécanique industriel en France

Un signal fort

La production de ce calibre suivra le cheminement suivant: le mouvement arrivera en kit de pièces détachées (toutes les pièces sont élaborées et fabriquées en Suisse) et sera entièrement assemblé, monté et huilé par les horlogers bisontins de la marque Humbert-Droz.

«L’atelier ne va pas recevoir un kit déjà pré-monté, précise Jean-Claude Eggen, CEO de La Joux-Perret. Il va faire le montage complet y compris le collage du spiral. Nous allons aussi collaborer avec la société Bailly, située dans la zone de Trépillot à Besançon, afin de personnaliser les masses aux couleurs des marques partenaires.»

Outre Humbert-Droz, plusieurs autres marques françaises auront en effet accès à ce nouveau calibre.

Le calibre G100 conçu par le motoriste suisse La Joux-Perret sera désormais aussi assemblé dans les ateliers de la marque française Humbert-Droz à Besançon.
Le calibre G100 conçu par le motoriste suisse La Joux-Perret sera désormais aussi assemblé dans les ateliers de la marque française Humbert-Droz à Besançon.

Un premier pas qui pourrait en mener à d’autres... jusqu’à une autonomie retrouvée dans la production française de mouvements mécaniques à une échelle industrielle? Toute une région attend un signal en ce sens depuis la fin du motoriste historique France Ebauches.

Frédéric Humbert-Droz s’est montré prudent lors de la conférence de presse organisée en décembre 2021 pour introduire le projet: «Le but n’est pas de faire un mouvement français mais bien d’établir une collaboration. La manufacture suisse va nous fournir les ébauches afin que le montage soit fait en France.»

Un partenariat qui vise avant tout à mettre en avant un savoir-faire, ajoute Jean-Claude Eggen: «Il n’y a pas eu de business plan de 50 pages ou de rendez-vous à la banque, il n’y a eu aucun financement extérieur.»

Le retour attendu d'un mouvement mécanique industriel en France

Unir plutôt qu’opposer les forces

L’affaire est plus simple que cela: c’est en réalité La Joux-Perret qui a contacté Humbert-Droz pour proposer que son dernier mouvement, le G100, équipe les modèles de la marque bisontine. Celle-ci a accepté... à condition que les calibres soient montés en France dans l’atelier familial. Une implantation vue dans la continuité de la reconnaissance des savoir-faire horlogers par l’UNESCO en décembre 2020, portée justement par une candidature franco-suisse.

Une conférence de presse a été organisée en décembre 2021 pour introduire le projet.
Une conférence de presse a été organisée en décembre 2021 pour introduire le projet.

Comme l’a exprimé Julien Humbert-Droz, «on ne peut pas avoir l’ensemble des pièces qui viennent de France. C’est pour cette raison qu’il est important de s’unir autour de l’Arc jurassien et non de confronter Besançon à la Suisse. Les deux pays ont besoin l’un l’autre. La Suisse a besoin des Français pour ses travailleurs frontaliers. Et la France a besoin de la Suisse pour les mouvements ou les pièces. L’objectif est de monter un projet à long terme avec, peut-être, d’autres mouvements.»

Le retour attendu d'un mouvement mécanique industriel en France

Autre acteur impliqué dans ce projet: Alain Marhic, le fondateur de la marque horlogère française March Lab. L’atelier bisontin d’Humbert-Droz assemble déjà aujourd’hui entre 2’000 et 3’000 montres par an pour la marque, dont le siège se trouve à Paris. «March Lab a aujourd’hui dix ans et mon souhait est de faire des montres les plus françaises possibles, souligne Alain Marhic. Lorsque Julien Humbert-Droz m’a présenté le projet d’assembler un mouvement suisse à Besançon, c’était une évidence - la clé qui me manquait pour faire évoluer la marque vers ce à quoi j’aspirais.»

Le calibre G100, un mouvement automatique avec date, est doté d'une réserve de marche de 68 heures.
Le calibre G100, un mouvement automatique avec date, est doté d’une réserve de marche de 68 heures.

Une stratégie commune a été établie pour les cinq années à venir entre La Joux-Perret, Humbert-Droz et March Lab. Mais le mouvement G100 ne sera pas une exclusivité pour ces deux marques. Les clients principaux de La Joux-Perret, une société qui compte plus de 100 collaborateurs, demeurent bien les grandes marques horlogères suisses.

Une nouvelle gamme industrielle

A la suite de la crise sanitaire, le motoriste a souhaité développer une nouvelle stratégie en proposant une gamme de mouvements standards industriels. C’est ainsi qu’est apparu le G100, un mouvement automatique à trois aiguilles et date qui possède les mêmes dimensions que l’ETA 2824. Ce nouveau calibre, disponible en trois finitions, se distingue par ses 68 heures de réserve de marche.

Le président de la Fédération de l’horlogerie française, Jean-Jacques Weber, lui-même natif de Besançon, s’est également exprimé sur le projet: «Il est important de pouvoir contribuer, même modestement, à la renaissance de l’industrie horlogère française. Personnellement, j’ai connu les heures les plus heureuses de l’horlogerie française, mais aussi les plus difficiles. Cependant, l’industrie française à toutes les clés en main et le savoir-faire nécessaire pour rebondir et la Fédération de l’horlogerie fera tout ce qu’elle peut pour les aider.»

Aujourd’hui, l’essentiel des horlogers français travaillent pour l’industrie suisse: plus de 15’000 frontaliers traversent la frontière chaque jour, soit quatre fois le nombre de ceux qui sont actifs dans l’industrie hexagonale.

«L’industrie française à toutes les clés en main et le savoir-faire nécessaire pour rebondir.»