la fondation et à la tête du Cercle des Horlogers, on trouve un binôme de jeunes quadras, Nicolas Herren et Alain Schiesser. Tous deux ont un parcours identique: CFC d’horloger, puis école d’ingénieur en microtechnique, puis solide expérience professionnelle. Dix ans chez Christophe Claret, pour Schiesser, en tant que constructeur puis responsable du bureau technique à s’affairer au développement et à la mise au point de mouvements compliqués. Six ans dans les locaux d’Audemars Piguet au Locle pour Herren, au prototypage. A la clé, notamment, un tourbillon exécuté de A à Z sur machine traditionnelle. Puis passage fécond dans La Fabrique du Temps de Louis Vuitton, sous la houlette des deux fameux horlogers Enrico Barbasini et Michel Navas.
En 2012, les deux jeunes hommes décident de se lancer et créent Le Cercle des Horlogers, installé dans le village des Hauts-Geneveys, non loin de La Chaux-de-Fonds. Ils démarrent avec le projet de ne travailler que pour des marques de prestige. Les commandes ne tardent pas, tout va aller vite. Ils développent notamment une «répétition minutes exceptionnelle», des pièces à grande complication, disent-ils sans pouvoir en nommer le ou les commanditaires. Un peu désappointés de ne rien pouvoir montrer, ils décident de créer leurs propres calibres, un tourbillon, un double tourbillon (dès 2014), un tourbillon multi-axial, des répétitions minutes… Ils les conçoivent, les construisent, souvent les brevettent puis les proposent à des maisons choisies, sur plan ou en prototypes.
- Mouvement Répétition heure quart minutes à Carillon réalisé pour Biver – Only Watch. Sonnerie sur 3 timbres mis en vibration par 3 marteaux visible à l’arrière. Micro-rotor permettant le remontage automatique du mouvement. Régulation de la sonnerie par un volant inertie. Pièce unique présentant la particularité d’afficher l’heure uniquement à l’arrière du mouvement.
Dès le départ, ils conçoivent leurs calibres de façon à pouvoir les personnaliser profondément voire complétement. Par exemple, leur calibre de répétition minutes a dès le départ été conçu avec la possibilité d’avoir deux, trois ou quatre marteaux à choix.
Autre point important, l’exigence absolue de fiabilisation, dès le départ et étape par étape tout au long du processus, «pour ne pas devoir tout refaire à chaque fois», précisent-ils, soulignant aussi au passage qu’après «la période du grand n’importe quoi des premiers ovnis horlogers», et les dégâts collatéraux provoqués notamment auprès des collectionneurs, la fiabilisation est un devoir absolu. Et toutes les certifications requises sont effectuées sur chaque pièce, Chronofiable entre autres.
Croissance rapide et organique
Le Cercle des Horlogers a ainsi grandi rapidement mais de façon organique. «Nous avons engagé un constructeur, puis un horloger, puis un responsable logistique – fondamentale, la logistique – et aujourd’hui, nous sommes 50 personnes.» (Actuellement 50% d’horlogers, un tiers à la logistique – très importante au vu du nombre de références – un gros bureau technique et 4 personnes à l’usinage). Ce développement assez impressionnant a été intégralement autofinancé «à partir d’une première commande de développement». Puis tout s’est enchaîné.
En dehors de leur indéniable talent horloger, les deux fondateurs du Cercle, forts de leur expérience industrielle, ont mis un accent tout particulier sur la qualité de la logistique, de la planification, des achats, ainsi que de la fiabilisation et du contrôle. L’intégralité du flux rentre en informatique depuis le contrôle technique, esthétique, dimensionnel des 100% des composants jusqu’à l’assemblage final et son contrôle total Un traçage des non-conformités permet d’analyser les données et d’apporter des améliorations en continu. Le Cercle propose à ses clients l’utilisation de LISA, un registre crypté blockchain qui lui permet notamment d’obtenir en temps réel un point de situation sur l’évolution des étapes de la fabrication jusqu’à la livraison, lui offrant un historique individuel de chaque montre.
Au départ, Le Cercle des Horlogers ne faisait ni usinage, ni décoration. Mais il y a trois ans il s’y est mis. Aujourd’hui, 5 CNC tournent non loin, avec lesquelles, entre autres, se font en interne les prototypes et certaines petites séries. Mais pour le reste de la fabrication, le Cercle se repose sur un réseau de sous-traitants – «les meilleurs dans chaque domaine» – et de partenaires. Par contre, maîtrise d’œuvre, mises au point et assemblage final se font tous en interne.
«Faire de l’extraordinaire» mais savoir se diversifier
Avec les calibres «de base» développés en interne, «nous avons réussi à convaincre des clients de faire des pièces extraordinaires, par exemple avec des animations, des choses qui ne se sont jamais faites encore, de nouvelles complications – par exemple un chrono très différent, avec une fonctionnalité nouvelle.» On pense évidemment à l’Astronomia Maestro avec répétition minutes de Jacob & Co., créée ici-même. «On aime être au début des projets, évoluer ensemble avec le client.
On aime aussi proposer des projets originaux. Et du coup, on en reçoit en retour», à l’exemple du fameux Mecascape de Code41. On peut citer aussi la Répétition Minutes de Biver destinée à être vendue aux enchères à Only Watch 2023. Ou encore la répétition minutes à résonance conçue pour Armin Strom.
- Mouvement automatique à remontage par micro-rotor réalisé pour Speake-Marin. Fréquence: 4Hz. Epaisseur du mouvement: 3,90 mm. Diamètre du mouvement: 30,00 mm.
Mais Le Cercle démontre aussi sa capacité à se diversifier. Les équipes ont développé en parallèle un module simple, un micro-rotor sur base très solide, avec l’idée de pouvoir le faire évoluer, le transformer de façon à offrir à chaque marque un mouvement qui lui est propre. Ces automatiques micro-rotor ont déjà convaincu Louis Vuitton pour sa nouvelle Tambour, Trilobe, Speake-Marin…
«En fait, nous travaillons pour tous les groupes – sauf Swatch Group – mais nous aimons beaucoup travailler avec les petites marques. Question volumes, Le Cercle réalise des séries entre 10 et 100 pièces, parfois quelques références à 1’000 pièces voire plus, mais ce n’est pas le cœur de notre métier.»
En 10 ans, Le Cercle des Horlogers a ainsi produit 131 mouvements de référence différente et 311 mouvements avec têtes de montre.
Pour tout mouvement, ils garantissent la réparabilité et la pièce revient directement chez eux pour le SAV. Dans le cas des mouvements micro-rotor, le SAV peut être assuré dans les marchés par des équipes de la marque formés à cet effet.
Des pièces uniques? «Oui, parfois du sur-mesure complet, mais c’est extrêmement cher», répondent-ils en souriant.