Le marché horloger chinois


Fiyta, le soft power chinois version horlogère

PORTRAIT

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novembre 2019


Fiyta, le soft power chinois version horlogère

Faisant partie d’un groupe contrôlant une large partie de la distribution horlogère en Chine, la marque est ce que l’industrie locale offre de mieux en terme de prestige horloger. Et a toujours affiché sa volonté de s’exporter. Mais l’étiquette «Made in China» ne rime pas encore avec «aura» à l’international.

L

es montres de marques chinoises sont rares au Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds, qui retrace le «meilleur» du secteur depuis son origine. Parmi elles figure la Space Watch de Fiyta, qui a équipé la première mission spatiale chinoise habitée en 2003 et a été lancée en version grand public dans la collection Aeronautics. Cette anecdote en dit long sur la position de la marque, fondée en 1987, dans l’horlogerie nationale chinoise. D’autant qu’elle s’est récemment rapprochée de Beijing Watch Factory, autre nom historique, intégré dans le même groupe.

Basé à Shenzhen et coté à la Bourse de Hong Kong, le groupe Fiyta possède également la marque suisse Emile Chouriet et contrôle Harmony, un géant de la distribution horlogère en Chine qui opère plusieurs centaines de boutiques couvrant toutes les gammes de prix. Son actionnaire majoritaire est Aviation Industry Corporation of China (AVIC), un conglomérat aéronautique public. L’un des derniers modèles de Fiyta, dans la collection Mach, s’inspire d’ailleurs de l’avion de chasse J-20 développé par une autre filiale d’AVIC

Fiyta Mach Collection
Fiyta Mach Collection

Figurant parmi les plus gros clients de calibres Miyota, Fiyta affiche une production annuelle de 1,2 million de montres, à 80% automatiques. Son cœur de gamme s’étend de 180 à 500 euros. Elle recourt également à des mouvements ETA et à ses propres calibres, produits en partenariat avec Beijing Watch Factory.

L’exemple de Grand Seiko

Depuis l’implantation de son stand dans la Halle 1 de Baselworld en 2011, Fiyta est en quête de notoriété internationale, à l’inverse de la majorité des marques chinoises qui se «contentent» de l’immense marché domestique. Lors de notre dernière visite, cette année sur le stand bâlois de la marque, nous avons été impressionnés par la belle facture des pièces métiers d’arts qui y étaient présentées, rendant hommage à la cité de Dunhuang sur la roue de la Soie et à ses grottes bouddhistes.

Mais les résultats à l’international restent minces, malgré les investissements consentis: le marché national compte toujours pour plus de 80% des ventes totales et l’essentiel des exportations se concentre en Asie du Sud-Est, à destination des visiteurs chinois

Comme nous l’avons étudié en profondeur dans notre reportage de juin, les marques historiques japonaises elles-mêmes, qui sont bien plus anciennes que les sociétés chinoises, commencent seulement maintenant à essayer de promouvoir une façade plus haut de gamme à l’international – notamment via l’indépendance prise par Grand Seiko.

Les efforts internationaux de Fiyta n’ont-ils pas été trop précoces, alors que le prix moyen à l’exportation de la production horlogère chinoise est de 3 dollars, contre 859 dollars pour l’horlogerie suisse?

Dès lors, les efforts internationaux de Fiyta n’ont-ils pas été trop précoces, alors que le prix moyen à l’exportation de la production horlogère chinoise est de 3 dollars, contre 859 dollars pour l’horlogerie suisse? Est-il réaliste de vouloir rivaliser sur le terrain de la «belle» horlogerie sur les marchés les plus matures? Comment dépasser l’ambition sur le papier seulement?

Soft power chinois

Oscar Madriles, responsable du développement de la marque pour l’Europe, est conscient de la complexité de l’exercice qui lui incombe: «Cela commence par gagner la confiance des détaillants en nous profilant comme alternative crédible pour la montre mécanque, dans la vaste reconfiguration en cours de la distribution et alors que le segment du quartz ne grandit plus. La France est de loin notre premier marché en Europe et nous y sommes la marque numéro un dans certaines boutiques.» La marque compte à l’heure actuelle 60 points de vente en Europe et ses propres plateformes de e-commerce en France et en Allemagne.

«La plupart des marques chinoises se considèrent avant tout comme des producteurs, tandis que nous construisons une marque.»

Fiyta entend assumer ses origines chinoises et se profile comme «la marque d’Orient avec un esprit d’Occident». Oscar Madriles précise: «La plupart des marques chinoises se considèrent avant tout comme des producteurs, tandis que nous construisons une marque. La volonté d’exportation a été présente dès la création de l’entreprise en 1987. Cela fait partie de notre identité, définit notre stratégie, la composition de nos équipes et le choix de nos designs.»

La marque ne subit cependant pas la pression «existentielle» à l’exportation qui a toujours pesé sur les horlogers suisses avec leur minuscule territoire domestique et se heurte à l’image de faible qualité véhiculée par le Made in China. A l’inverse des suisses, elle peut aussi compter sur le soutien de l’Etat, au sein d’un conglomérat public. Cela semble avoir scellé jusqu’à présent le destin international de Fiyta.

Mais Fiyta n’est que le pan horloger du «soft power» chinois à l’international, qui commence seulement à s’exprimer plus fortement. L’entreprise a ainsi récemment été sélectionnée par le Ministère du commerce dans le cadre d’un programme visant à améliorer la vision du Made in China dans le monde. Plus de trente ans après sa création, l’objectif d’exportation tient donc toujours, sur un marché global où le poids de la consommation chinoise est plus fort que jamais.

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