« Qui fait quoi? Qui pense quoi? »
VAUCHER MANUFACTURE, REPLI SUR LE HAUT DE GAMME
Entretien avec Jean-Daniel Dubois, directeur, Vaucher Manufacture
L’industrialisation était à nouveau devenue le Graal. Dès 1996, Pierre Landolt, à la tête de la Fondation de Famille Sandoz, avait dessiné les contours de l’ensemble industriel autonome qu’il entendait construire. Et qu’il a construit. Autour de la marque Parmigiani Fleurier, un réseau de production industrielle complet maîtrise aujourd’hui toute la verticalité de la production. Jusqu’aux cuirs que lui gage Hermès, qui y produit ses propres mouvements en étant adossée à 25% à Vaucher Manufacture.
Jean-Daniel Dubois:
«Notre force reste que nous pouvons concevoir 98% des composants dans les différents pôles de notre groupe, pour des marques très créatives qui peuvent ainsi se concentrer sur la commercialisation des montres. Mais aujourd’hui, nous faisons face à un problème systémique: nos capacités de production sont supérieures aux capacité d’absorption du marché.
Nous avons produit 20’000 mouvements en 2015 et environ 12’000 mouvements en 2016. Nous revenons au plus haut de gamme, dont le cœur se situe à 1’000-1’500 francs, et visons à être dans les chiffres noirs d’ici 2019.
C’est la vente qui est le point le plus critique aujourd’hui. Parvenir à se «libérer» de la part industrielle! Or, il y a beaucoup trop d’offre de mouvements sur le marché, c’est en train de devenir un vrai problème. Ronda correspond à l’entrée de gamme de Sellita et ETA, et ont un ADN fort dans le mouvement. Nous ne visons pas les mêmes volumes, nous sommes peut-être complémentaires dans l’originalité de nos démarches, en amont et en aval d’ETA. Nous devons à tout prix nous démarquer. Nous devrons adapter nos structures à un marché de niche, sans concurrence de prix... Toute l’Asie arrive avec du Swiss made à 60%! Attention au nivellement par le bas, on a vu ce qui s’est passé dans le quartz avec des mouvements qui coûtent aujourd’hui deux francs...
Un partenaire comme Richard Mille correspond bien à nos ambitions actuelles. Notre mission, c’est l’originalité. En ce qui concerne Parmigiani Fleurier, un projet comme le Senfine arrive d’ailleurs au bon moment pour le proclamer.»
ETERNA MOVEMENT, DANS LE MILIEU DE GAMME
Entretien avec Samir Merdanovic, directeur, Eterna Movement Company (EMC)
Après 155 ans de profond ancrage helvétique, Eterna est passée en 2011 aux mains du puissant groupe chinois China Haidian (rebaptisé depuis Citychamp, c’est à la fois un fabricant, avec notamment les marques Ebhor et Rossini qui pèseraient plus de 40% du marché intérieur chinois, et un distributeur de première importance). Symboliquement, cette « prise » est importante car Eterna est un acteur historique dans le domaine des mouvements mécaniques. Depuis lors, une entité spécifique, Eterna Movements, a été créée afin de pouvoir livre à des tiers, bien que Citychamp absorbe environ 40% de la production pour des marques comme Eterna et Corum.
Samir Merdanovic:
«Nous ne nous comparons ni à ETA ni à Sellita. En terme de gamme, il faudrait nous placer entre ETA et Vaucher Manufacture. Nous ne faisons pas du volume mais proposons de la bonne qualité à un bon prix.
Les finitions sont standard mais il ne s’agit pas d’un clone ETA, ni copie ni même compatible avec ETA.
L’an passé, nous avons livré entre 4’000 et 5’000 pièces par an et nous entendons doubler à nouveau notre production, voire davantage, cette année. Notre bestseller est le calibre 3914 avec GMT à 6 heures.
Je tiens à dire que si les Chinois n’avaient pas investi en Suisse, il y a fort à parier qu’Eterna n’existerait plus aujourd’hui! Ils ont aussi beaucoup investi dans le développement d’EMC. On peut les remercier car ce sont eux qui «portent» actuellement une partie des marques suisses... Certes, nous ne sommes pas encore rentables, mais nous visons l’équilibre d’ici un an et demi. En 2015, nous avons eu un bilan négatif de 1,8 million de francs. C’est une phase d’investissement contrôlé. Le processus prend du temps!
Notre effectif est remonté à 40 personnes, et nous proposons des éditions mises à jour de mouvements, dans des dimensions contemporaines. On peut mettre 5 ou 6 de nos mouvements différents dans une même boîte, c’est un point très important pour le SAV.
L’industrie horlogère, on le sait, est dans une situation difficile. Mais c’est le meilleur moment d’investir et de gagner de nouveaux clients. Nous suivons notre plan.»