Sous-traitance horlogère


LA «GUERRE FROIDE» DES MOUVEMENTS

SUIVIE DE « QUI FAIT QUOI? QUI PENSE QUOI? »



LA «GUERRE FROIDE» DES MOUVEMENTS

Toute crise agit comme révélateur et précipite ou cristallise, dans le sens chimique du terme, une situation jusqu’alors en germe. C’est particulièrement vrai dans le secteur-clé des mouvements mécaniques. La crise horlogère actuelle – une crise systémique, pensons-nous, et non pas seulement conjoncturelle – révèle au plein jour une grave problématique: l’actuelle surcapacité de production dans le secteur des mouvements. Comment en est-on arrivé là et qui sont les principaux acteurs de cette scène? Quelles évolutions attendre? Europa Star a enquêté.

« Qui fait quoi? Qui pense quoi? »

FELSA, COMPATIBILITÉ ETA

Entretien avec Miro Bapic, directeur, Felsa-Leschot

Felsa est un des «petits» acteurs dans le domaine des mouvements mécaniques suisses. Elle produit essentiellement deux types de calibres de base, un 8 2/4’’ et un 11 ½’’ automatiques, avec quelques complications additionnelles, telles que disque 24h, phase de lune, grande date…

LA «GUERRE FROIDE» DES MOUVEMENTS

Miro Bapic:

«Nous avons livré 60’000 calibres en 2015, mais notre programme, établi jusqu’en 2022, prévoit une montée progressive en quantité pour atteindre de 150 à 200’000 calibres. Ceci dit, nous avons d’ores et déjà la capacité théorique pour en sortir 500’000. Ces calibres sont compatibles avec ceux d’ETA, nommément les 2814 et 2892, les plus répandus. Leur prix moyen va de 95.- CHF à 165.- CHF selon leur complexité.

Mais la situation s’est compliquée et durcie. Les gens râlent, paient mal mais veulent à tout prix des pièces. Les commandes baissent néanmoins et ceux qui diraient le contraire mentent. ETA rouvre les vannes, ça concerne tous nos compétiteurs et ça sème une grande confusion. Un jour on livre, un jour on ne livre plus… Les clients ne sont donc jamais assurés de la constance de leur approvisionnement. Autre questionnement : l’arrivée de Ronda dans le mouvement mécanique risque de bouleverser la donne. Ce sont des gens très sérieux qui sont montés en qualité grâce à leur expertise dans le quartz. On va voir comment ils se débrouilleront dans le mécanique. Mais ils se lancent avec un calibre 3 aiguilles et calendrier, modèle dont nous essayons de sortir. Je ne les considère donc pas comme des concurrents directs.

Malgré la situation délicate, nous avons cependant bien traversé les difficultés car nous avons été pleinement occupés par le développement d’un produit spécifique pour un client. Comme nous le faisons souvent, d’ailleurs. Notre clientèle cherche à obtenir du Swiss Made, ce que nous sommes – nos fournisseurs extérieurs sont suisses, toutes nos opérations sont faites en interne – mais la majorité de nos clients ne sont pas suisses. Ceci dit, même si la nouvelle donne du Swissness ne nous pose pas problème, je pense qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée. Les Japonais sont plus malins, qui ne labellisent leurs produits que par un «Japan» et non un «Made in…». Cela laisse beaucoup plus de liberté, et, dans le contexte actuel, cette liberté est importante.»


IMH: DE TRÈS PETITES SÉRIES

Entretien avec Bruno Karbiche, responsable R&D, IMH

Installée au Locle, Innovations Manufactures Horlogères (IMH) développe et fabrique des montres, mouvements, composants horlogers et boîtiers. Cette manufacture adossée à la marque Julien Coudray a été reprise par l’industriel belge Joris Ide, propriétaire également de Lebeau-Courally. Elle est spécialisée dans les petites séries.

LA «GUERRE FROIDE» DES MOUVEMENTS

Bruno Karbiche:

«Nous proposons des mouvements allant de 300 à 15’000 francs, jusqu’à des tourbillons. Nous faisons partie du même groupe que Lebeau-Courally (7’000 – 20’000 francs) et Julien Coudray (dès 70’000 francs), qui sont des clients. IMH a sa propre vie, nous travaillons pour les trois grands groupes, nous fournissons des petits composants mais faisons aussi des travaux de métiers d’art pour eux.

Nous avons l’ambition d’être plus forts sur les mouvements dans des petites et moyennes séries, allant de 1 à 500 pièces. C’est notre créneau. Nous ne sommes que 25 personnes et l’une de nos spécialités est l’émaillage grand-feu.

Le marché est certes très calme actuellement mais beaucoup d’indépendants viennent nous voir pour des petites séries, allant de 1 à 50 mouvements.

Nous avons été fondé en 2007 et racheté par la famille belge Ide en 2015. Nous visons à répondre à un besoin d’une manière que nos clients ne trouveront pas ailleurs, nous offrons en outre de la flexibilité et de la personnalisation.»