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Bulgari: dans les coulisses de l’Octo Finissimo

RENCONTRE

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janvier 2021


 Bulgari: dans les coulisses de l'Octo Finissimo

Pour comprendre comment s’est développée l’interaction entre esthétique et technique sur le modèle-phare de Bulgari, Europa Star a rencontré Fabrizio Buonamassa Stigliani, Watches Design Senior Director, et Alfredo De Biase, Special Movement Project Manager de Bulgari Horlogerie.

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vec son Octo Finissimo, Bulgari a non seulement réussi la performance de remporter six records mondiaux de finesse en six ans, mais aussi d’y être parvenue avec une montre qui marque une rupture esthétique majeure. De toute évidence, ce résultat est le fruit d’une innovation combinée entre forme et mouvement.

Pour mieux comprendre comment s’est développée cette interaction entre esthétique et technique, Europa Star a rencontré Fabrizio Buonamassa Stigliani, Watches Design Senior Director, et Alfredo De Biase, Special Movement Project Manager de Bulgari Horlogerie.

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Europa Star: Comment est née l’idée de l’Octo Finissimo ?

Fabrizio Buonamassa Stigliani: Au départ d’une idée, il y a parfois un dessin tout à fait original, parfois on retravaille sur ce qui existait par le passé. L’Octo Finissimo est née de cette façon. Dès l’intégration des manufactures Daniel Roth et Genta dans Bulgari, fin 1999, début 2000, nous nous sommes penchés sur l’Octo, dessinée pour la première fois par Gérald Genta et dont la sortie sous la forme de l’Octo Grande Sonnerie tourbillon qui date de 1994 avait marqué les esprits.

A partir de 2002-2003, nous avons travaillé sur le cadran, le boîtier, principalement avec des designers extérieurs. La forme de la montre nous intéressait particulièrement car l’octogone fait aussi partie de l’histoire de Bulgari, notamment dans les pièces Monete, apparues à la fin des années 60. Mais à l’époque Genta / Roth le design des pièces faisait la part belle à l’extravagance, aux couleurs. En 2004, nous avons sorti une première version de la «nouvelle» Octo, la Biretro développée avec la manufacture Gérald Genta du Sentier. Un modèle à complications, avec affichage rétrograde et heures sautantes sur cadran en émail cloisonné. On était encore dans une forme d’extravagance.

Mais à un certain moment, nous avons cherché à insérer dans l’Octo notre propre calibre de base, un trois aiguilles. En même temps, nous avons pleinement «redécouvert» la capacité incroyable de la manufacture du Sentier. Ça nous a amenés à réfléchir au futur de l’Octo en y apportant le design italien plus la technique suisse.

Europa Star: La «Bulgarisation» de l’Octo s’est faite ainsi progressivement. Mais c’est le passage à l’ultra plat qui semble avoir fait une vraie différence...

Fabrizio Buonamassa Stigliani: En 2010, le nom Bulgari apparaît pour la première fois à côté de celui de Genta. Mais, c’est en 2012 que sort la nouvelle génération des Octo. Nous avons pleinement conservé la forme octogonale identitaire, en la retravaillant, en lui apportant des pans coupés qui renforcent encore sa forme, des jeux de poli et de brossé qui améliorent sa lumière. Et nous avons alors entièrement redessiné son cadran, n’y laissant en toute sobriété qu’un 12 et un 6 surdimensionnés et de fins index sur fond en laque noire. C’est la première révolution. Puis en 2013, nous l’avons présentée en acier avec bracelet acier. Mais en parallèle, nous travaillions sur l’extra-plat.

Alfredo De Biase: Je travaillais sur les mouvements déjà avec Gérald Genta. Et je connaissais bien toutes nos potentialités. Lorsqu’on nous a demandé de travailler sur les mouvements plats, et si possible les plus plats au monde, le défi était grand. Pour obtenir les mouvements les plus plats possibles, il nous fallait gratter pour gagner des dixièmes de millimètres. L’avantage avec le boîtier de l’Octo, du fait de sa forme octogonale aussi, est qu’il est grand. Et donc, la grandeur du mouvement nous a aidés à gagner ces dixièmes si précieux pour parvenir à des records mondiaux. Et utiliser des mouvements plats dans un boîtier si structuré, si architecturé était un second défi.

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2014 OCTO FINISSIMO TOURBILLON MANUAL


Europa Star: La première Octo Finissimo apparaît en version tourbillon à remontage manuel en 2017. C’est non seulement un record mondial mais aussi une rupture esthétique qui a choqué.

Fabrizio Buonamassa Stigliani: Oui, ce gris du boîtier platine et ce noir du cadran d’une totale sobriété est pour le moins inhabituel dans la haute horlogerie. Cette montre ultra plate a changé la façon de porter une montre à complication. C’est ça qui a choqué. C’est en radicalisant la démarche que la montre a paradoxalement pris son envol. Elle a marqué un point de rupture. Et si sa forme si reconnaissable et unique en son genre s’est imposée, c’est aussi grâce au choix du mono-colore. La couleur uniforme, comme on le voit dans toute la collection, essentiellement monochromatique, fait ressortir fortement l’architecture très marquée et étagée du boîtier. Cadran et boîtier ne font d’ailleurs plus qu’un.

Europa Star: Et depuis cette date, une nouvelle montre record sort par année. L’«assaut» semble prédéterminé!

Alfredo De Biase: Oui, un programme précis existe, bien-sûr, et est toujours en cours. Chaque mouvement demande de 3 à 4 ans de développement. Aujourd’hui, nous travaillons déjà sur 2023-2024. Et dans un rapport constant entre le design et la technique, sans barrières. Nous travaillons ensemble tous les détails de chaque mouvement, par exemple les ponts. L’aller et retour entre la forme et la technique est incessante, oui ça c’est possible, non ça ce n’est pas possible. On détermine les zones fonctionnelles et les zones «libres» si l’on peut dire.

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2016 OCTO FINISSIMO MINUTE REPEATER


Europa Star: On peut facilement imaginer qu’une des difficultés de l’extra-plate est l’implantation de l’automatisme. Elle arrivera en 2017 puis va prendre plusieurs formes.

Fabrizio Buonamassa Stigliani: Auparavant, en 2016, sort l’Octo Finissimo Répétition Minute. Un deuxième record, avec un mouvement répétition de seulement 3.12 mm et une radicalisation encore du design, nécessitée par la technique.

Alfredo De Biase: Oui, une répétition minute en platine représente un défi bien particulier. Et la solution pour faire résonner la montre depuis le dos du mouvement et amplifier son volume a été trouvée conjointement avec le design, en ajourant tous les index, qui sont ouverts sur le mouvement. L’automatique arrivera l’année suivante, en 2017, et ce sera notre troisième record mondial, l’automatique la plus fine du marché, avec 5.15 mm seulement, et un calibre qui mesure 2.23 mm. Pour cette montre, nous avons utilisé un micro-rotor en platine.

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2017 OCTO FINISSIMO AUTOMATIC


Fabrizio Buonamassa Stigliani: Son bracelet est également un des plus plats du marché. Nous voulions, avec l’Octo Finissimo, offrir aussi autre chose que des complications. Dans l’univers de l’ultra-plat, il n’existait rien qui soit portable en toutes circonstances, au quotidien. Une heure, minute et petite seconde. D’une sobriété absolue, avec une identité formelle unique.

Tout l’intérêt d’être italien et suisse à la fois est qu’en tant qu’Italiens, nous pouvons plus facilement casser les codes horlogers, nous n’avons pas ce sur-moi historique, ce poids, mais en tant que Suisses, nous pouvons accomplir et maîtriser techniquement ce à quoi nous rêvons.

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OCTO FINISSIMO TOURBILLON AUTOMATIC


Europa Star: Avec l’Octo Finissimo Tourbillon automatique, en 2018, votre 4ème record mondial, vous changez le système automatique pour passer à un rotor périphérique, ce qui ouvrira la voie au Chronographe GMT automatique, 5ème record mondial en 2019.

Alfredo De Biase: Si le rotor périphérique avait pour fonction de dégager et de dévoiler complétement le mouvement de la Tourbillon automatique, celui-ci nous est devenu techniquement indispensable pour la réalisation du chronographe automatique le plus fin jamais réalisé. Le mouvement ne fait que 3.30 mm d’épaisseur. Un résultat obtenu grâce à ce remontage automatique avec remontage périphérique, doté d’une roue à colonnes et d’un embrayage horizontal.

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2018 OCTO FINISSIMO TOURBILLON AUTOMATIC


Fabrizio Buonamassa Stigliani: Présenté en titane brossé, uniformément gris, ce chronographe a aussi une face inédite puisque son troisième compteur, à 3 h, court sur 24 heures et se règle instantanément par un poussoir dans la carrure à 9h. Il permet ainsi de conserver l’heure de départ, ou le home time. D’ailleurs les poussoirs sont totalement intégrés dans l’architecture octogonale et étagée de la montre.

Notre objectif, avec la Finissimo, est de faire des choses que tout le monde connaît - comme une GMT - mais de le faire de façon totalement différente, tant dans le design que dans les solutions techniques liées aux très hautes exigences de l’extra-plat. Et le succès est vraiment là, sur les deux plans. En attestent tous les prix reçus, que ce soit dans les concours horlogers comme dans les compétitions de design.

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2019 OCTO FINISSIMO CHRONOGRAPH GMT


Alfredo De Biase: Il faut souligner que cette suite de réalisations, et de records, a été rendue aussi possible grâce à l’évolution considérable de notre outil industriel. Une évolution qui s’est faite en parallèle, boostée par le succès de cette ligne extra-plate. La manufacture Genta Roth, autrefois presque exclusivement consacrée à des pièces de grande complication, s’est elle aussi industrialisée et sa production totalement fiabilisée. L’un ne va pas sans l’autre. Notre savoir-faire dans la complication a permis de parvenir à ces réalisations, mais elles n’auraient jamais eu cette forme sans la créativité de l’esprit latin.

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2020 OCTO FINISSIMO TOURBILLON CHRONOGRAPH AUTOMATIC


Europa Star: Vous continuez sur cette lancée car, cette année, vous avez présenté outre de nouvelles finitions monochromatiques en céramique alternativement polie et sablée, en or rose ou encore en acier, deux nouvelles Finissimo, l’Automatique S, pour «Steel» et «Sport», et tout récemment à Genève, votre sixième record, la Finissimo Tourbillon Chronographe monopoussoir Squelette automatique. Le tout sur 7.40 mm. Virtuose ?

Alfredo De Biase: Nous ne recherchons pas la prouesse pour elle-même. C’est une montre, dans ses modèles les plus complexes, qui s’adresse aux connaisseurs de la haute horlogerie dont elle a changé les codes. Mais avec les différentes éditions en céramique ou en or rose sablé, par exemple, nous voulons aussi montrer qu’à chaque changement de matière, la Finissimo change aussi complètement de visage. Il s’en dégage autre chose, mais toujours et partout sa forme est sublimée et mise en valeur. Ce n’est pas par hasard, donc, qu’elle intéresse tout autant les gens sensibles au design, à l’architecture.

Mais, ce qui est très important à nos yeux, est que l’Octo Finissimo a totalement changé la perception de la marque Bulgari. Nous avons certes des racines joaillières très fortes, qui font notre force et notre liberté créatives, mais nous sommes aussi devenus pleinement des horlogers complets. Cette évolution de l’image même de Bulgari, on la doit précisément à ce double processus d’innovation, à la fois formel et technique.

 Bulgari: dans les coulisses de l'Octo Finissimo
OCTO FINISSIMO TOURBILLON CHRONOGRAPH AUTOMATIC