La transformation numérique de l’horlogerie


SevenFriday, pionnier de l’authentification numérique horlogère

English Español
mai 2021


SevenFriday, pionnier de l'authentification numérique horlogère

Alors que l’on parle énormément de l’arrivée de la blockchain en horlogerie pour garantir l’authenticité des montres, la marque indépendante SevenFriday a mis en place depuis 2016 un système de reconnaissance de ses modèles par puce NFC. Nous avons interrogé son fondateur Dan Niederer pour en savoir plus.

C’

est en 2012, après une première expérience dans l’industrie leur ayant permis de forger les réseaux nécessaires, que Dan Niederer et Arnaud Duval fondent SevenFriday. Celle qui se définit comme «presque une anti-marque», en rupture des concepts traditionnels, propose des designs forts sur des modèles mécaniques (non Swiss made) à un prix moyen de 1’000 francs, vendus en ligne, dans son réseau de boutiques en propre et chez des détaillants partenaires.

«La fondation de la marque était une période passionnante, mais aussi un énorme défi, se rappelle Dan Niederer. Je savais que nous devions tenter le coup et nous étions convaincus d’avoir un positionnement et un prix valables avec quelque chose d’unique en termes de marque et de produit.» De 2012 à 2018, l’entreprise connaît une croissance rapide: sa production passe de 12’000 à 36’000 montres par an. «Nous étions l’une des premières marques horlogères actives sur Instagram et voulions avoir une interaction directe avec notre communauté, poursuit l’entrepreneur. Pourquoi ne pas s’amuser en faisant ce que l’on aime? C’est toute notre philosophie.»

Dan Niederer, fondateur de SevenFriday
Dan Niederer, fondateur de SevenFriday

La marque lifestyle produit également des lunettes ou des collections capsules de vêtements à côté des montres. En 2013, elle lance les «SevenFriday Games», une grande fête annuelle pour sa communauté. Ses boutiques, principalement situées en Asie, reflètent le côté décontracté de la marque, entre musique, gastronomie et accessoires.

Une app dédiée a été développée pour la reconnaissance de la puce NFC (passive), qui contient des données sécurisées uniques relatives à chaque montre.

Mais c’est une innovation lancée par SevenFriday en 2016 qui nous intéresse ici plus particulièrement au vu de l’actualité de l’industrie: à partir de cette année-là, la marque décide d’équiper toutes ses montres de la technologie NFC, permettant une authentification instantanée. Une application dédiée a été développée pour la reconnaissance de la puce NFC (passive), qui contient des données sécurisées uniques relatives à chaque montre. L’application est aussi un moyen de communication et de fidélisation entre la marque et sa communauté. Bref, tout ce que la blockchain nous promet aujourd’hui. Que pense Dan Niederer de l’évolution des technologies de connexion, avec le recul qui est le sien? Nous l’avons rencontré.

P1B01

Europa Star: On voit apparaître de multiples initiatives pour produire des doubles numériques de montres dans la blockchain, afin d’assurer leur authenticité. Vous avez opté de votre côté pour l’intégration de puces NFC dans les modèles SevenFriday il y a quelques années. Pourquoi avoir lancé cette initiative?

Dan Niederer: Avant de lancer la marque, je travaillais dans l’informatique et je trouvais dommage que nous n’utilisions pas davantage ses possibilités au service de l’industrie horlogère. Ce n’est pas normal que l’on fasse encore tout le processus manuellement pour le numéro de référence et les papiers d’authenticité. Je cherchais une solution et je suis tombé sur une technologie de puce NFC, qui n’était d’ailleurs elle-même pas nouvelle car déjà utilisée dans l’industrie pharmaceutique. A l’époque on commençait à parler de l’«internet des objets», avec l’idée de tout connecter, de son frigo à sa montre. En 2016, nous avons commencé à implémenter notre solution.

Le modèle M2/02, bestseller de la marque
Le modèle M2/02, bestseller de la marque

En quoi consiste celle-ci?

Toutes nos modèles sont équipés d’une puce NFC qui permet de reconnaître la montre via une application dédiée. Le plus grand défi technique de ce projet a été l’intégration de la puce NFC car un boîtier de montre en acier constitue une grande interférence pour la connexion. Mais nous ne voulions pas compromettre le design de nos cadrans en y plaçant une puce. Par ailleurs, cela ne faisait pas vraiment sens non plus d’équiper le bracelet, car vous devez pouvoir en changer régulièrement. Certaines marques intègrent une technologie NFC sur la carte de garantie mais c’est encore plus «déconnecté» de la montre elle-même.

«Ce n’est pas normal que l’on fasse encore tout le processus manuellement pour le numéro de référence et les papiers d’authenticité.»

Avec qui avez-vous développé votre solution?

Nous avons collaboré avec une société d’ingénierie basée à Zurich pour concevoir la puce NFC. L’enjeu était de placer la puce à la production de la montre et l’enregistrer simultanément dans notre base de données.

Le modèle SevenFriday x Rocketbyz, une édition limitée
Le modèle SevenFriday x Rocketbyz, une édition limitée

Comment peut-on vérifier qu’il s’agit du modèle authentique?

Grâce à notre application que tout le monde peut télécharger. Plusieurs niveaux d’information sont possibles via cette application, de l’authentification simple en scannant le dos de la montre à l’enregistrement pour disposer d’informations plus complètes sur le cycle de vie du modèle.

T101 Cocorico

Combien d’utilisateurs se sont enregistrés sur votre application?

A ce jour, 90’000 personnes se sont enregistrées sur l’application. Des utilisateurs vérifient et commentent tous les jours. Nous étions assez seuls quand nous avons démarré ce système dans l’industrie horlogère. Swatch utilisait cette technologie mais uniquement pour le paiement, pas pour la sécurité. Hublot l’employait mais via une carte de garantie. Dans d’autres industries, cela avait déjà commencé à bouger plus rapidement: par exemple, Ferragamo a mis une puce dans les chaussures!

«Le plus grand défi technique de ce projet a été l’intégration de la puce NFC, car un boîtier de montre en acier constitue une grande interférence pour la connexion.»

Néanmoins il y a certainement une forte résistance dans l’industrie horlogère à l’idée de mettre une puce NFC dans un modèle mécanique traditionnel...

Tout ce que je peux dire, c’est que de notre côté, les retours sont bons. J’ai souvent cette discussion sur le fait d’intégrer ou pas une puce dans une montre mécanique. Il faut savoir que c’est une puce «passive», elle ne fonctionne que pour certaines tâches bien spécifiques. L’idée est de rendre notre industrie plus sûre et plus efficace. Les contrefaçons ont toujours existé et ne disparaîtront pas. En tant que client, je veux être sûr d’avoir le vrai modèle. Il faut essayer de trouver le moyen le plus sûr et le plus simple de déterminer si un produit est authentique ou non.

Le modèle P1B/01
Le modèle P1B/01

Un outil de plus en plus populaire est la blockchain. Une marque comme Breitling produit désormais un passeport numérique pour ses modèles. Quel regard portez-vous sur ce développement technologique?

Nous avons eu plusieurs réunions sur la blockchain et c’est certainement une évolution très intéressante. Mais pour l’instant nous ne voyons pas vraiment d’avantages par rapport à la technologie que nous utilisons actuellement. En termes de marketing, cela peut avoir du sens!

«Nous avons eu plusieurs réunions sur la blockchain mais pour l’instant nous ne voyons pas vraiment d’avantages par rapport à la technologie que nous utilisons actuellement.»

P1B01

Vous considérez-vous comme une marque digital native?

Très certainement. SevenFriday a été fondée en 2012 et nous avons tout de suite développé la marque à travers Instagram. Nous étions le premier client de WatchAnish! Dès le démarrage, nous avons mis en place un e-shop plutôt que de devoir argumenter sur ce point plus tard avec un réseau de distribution. L’application que nous avons développée découle aussi de cet état d’esprit. Avant la crise pandémique, nous enregistrions déjà environ 60% de nos ventes en ligne. Vous pouvez imaginer que ce taux a augmenté...

Le modèle T101 Cocorico
Le modèle T101 Cocorico

Les marques fashion ou lifestyle, accessibles, produites hors de Suisse comme SevenFriday ont été beaucoup plus rapides à adopter le numérique que les horlogers établis...

Il faut s’ouvrir à de nouvelles habitudes d’achat et aussi avoir une acceptation plus large de ce qu’est une montre. Nos modèles reflètent un certain mode de vie et on peut tout à fait les collectionner à côté de modèles plus traditionnels. L’un n’empêche pas l’autre. Décloisonnons les mentalités! Aujourd’hui, le terrain de jeu est global. Je déteste profondément le nationalisme qui règne dans cette industrie...

«Avant la crise pandémique, nous enregistrions déjà environ 60% de nos ventes en ligne. Vous pouvez imaginer que ce taux a augmenté...»

Vous êtes actif au-delà de l’horlogerie. Pouvez-vous nous en dire plus?

Notre métier premier reste la montre en tant qu’accessoire de mode. Mais dès le début, je voulais aller au-delà: nous avons lancé, surtout pour le plaisir, beaucoup d’autres accessoires, comme les lunettes depuis plus de deux ans. Nous pouvons appliquer les connaissances et bonnes pratiques acquises en horlogerie à d’autres produits. Mais cela prend du temps à développer car ce ne sont pas forcément les mêmes clients que pour nos montres. On voit tout de même que l’acte d’achat pour une montre est beaucoup moins spontané, plus réfléchi.

Your Favorite Pyjama Festival, le festival virtuel organisé par la marque
Your Favorite Pyjama Festival, le festival virtuel organisé par la marque

Vous avez même lancé un festival de musique...

Oui, Your Favorite Pyjama Festival (YFPF)! Notre marque reflète d’abord une attitude, un état d’esprit un peu décalé... Quand nous avons ouvert notre première boutique en 2016, nous voulions en faire un lieu vivant, selon un concept de gastro-boutique où les gens peuvent interagir, écouter de la musique, prendre un verre, manger, se détendre, à côté des produits lifestyle. Depuis lors, nous avons ouvert 25 «Sevenfriday Spaces» à travers le monde.

Avec le temps, cela nous a donné l’idée de développer un festival de musique: nous avions prévu une première date aux Etats-Unis , mais la pandémie est passée par là. Du coup nous avons lancé une série de festivals virtuels, en collaboration avec Shawn Stockman du groupe de R&B américain Boyz II Men: des concerts numériques et de l’interaction en ligne avec les artistes programmés.

«Décloisonnons les mentalités! Aujourd’hui, le terrain de jeu est global. Je déteste profondément le nationalisme qui règne dans cette industrie...»

YFPF Your Favorite Pyjama Festival