Résilience: l’horlogerie face à la pandémie


Le destin de la foire de Bâle, un crève-coeur

CHRONIQUES DU CORONAVIRUS

English Español
mai 2020


Le destin de la foire de Bâle, un crève-coeur

En tant qu’exposant depuis plus de 80 ans, comme bien des membres de la communauté horlogère globale, nous regrettons le funeste sort réservé à la foire de Bâle. Tant de souvenirs et d’émotions: c’est une partie de la mémoire collective horlogère qui disparaît, sous le coup d’une relation entre le salon et ses exposants qui a tourné au vinaigre. Une nouvelle fois, la pandémie a agi comme un accélérateur d’Histoire.

D

ans les années 1930, c’était mon arrière-grand-père; dans les années 1960, mon grand-père; dans les années 1990, mon père et mon oncle... et aussi moi-même en tant qu’adolescent. Les époques et les générations passaient, les noms changeaient (Mustermesse, Basel Fair, Baselworld), mais un rituel immuable subsistait: rendez-vous à Bâle une fois l’an pour rencontrer le monde entier de l’horlogerie, de ses recoins les plus exotiques (les marques chinoises d’alors, un univers totalement nouveau!), aux halles et stands les plus impressionnants, cathédrales d’un certain âge d’or horloger.

Le plan de la foire de Bâle en 1975 (Europa Star n°6/1974)
Le plan de la foire de Bâle en 1975 (Europa Star n°6/1974)

Avec le départ des plus fidèles des fidèles parmi les exposants, Rolex, Patek Philippe, Chopard et Chanel, le clap de fin semble devoir retentir pour la manifestation plus que centenaire, qui avait déjà été abandonnée par Richemont au tournant du millénaire et Swatch Group il y a deux ans.

Le stand de Rolex à la foire de Bâle en 1957 (Europa Star n°4/1957)
Le stand de Rolex à la foire de Bâle en 1957 (Europa Star n°4/1957)

Dans les années 1970 et 1980, les marques japonaises se battaient pour accéder au club des horlogers présentés à Bâle. Le prestige de l’événement était alors unique, sans aucune remise en cause. L’ivresse de l’altitude qui a contaminé toute l’industrie durant les années 2005-2015, dopée à la croissance chinoise, et qui a abouti notamment au monumental investissement dans un bâtiment réalisé par les architectes stars Herzog & De Meuron, est un lointain souvenir. La croissance a faibli et le numérique a progressivement envahi la vie quotidienne.

Dans les années 1970 et 1980, les marques japonaises se battaient pour accéder au club des horlogers présentés à Bâle. Depuis lors, Seiko et Casio ont quitté l’événement.

La mondialisation de la foire dans les années 1980 (Europa Star, n°2/1984)
La mondialisation de la foire dans les années 1980 (Europa Star, n°2/1984)

Les relations entre marques et salon se sont envenimées, autour de coûts, de factures, de nuitées d’hôtel, de prix de la saucisse... L’époque avait changé et malgré les efforts louables de la nouvelle direction sous Michel Loris-Melikoff, il était peut-être déjà trop tard. Car le capital de sympathie, le prestige, l’image sur laquelle repose tant l’événementiel que l’horlogerie, avait été écornée profondément. Comme un accélérateur d’Histoire, la crise pandémique a accentué les failles et précipité les décisions.

Il y aura désormais un seul événement global horloger, pragmatisme oblige. Genève a remporté sa partie d’échecs, longue et fastidieuse, entamée il y a des années déjà. La coordination envisagée aura finalement précipité la chute de l’un ou de l’autre. Ce fut Bâle, dont le paradoxe était peut-être d’être tenu à bout de bras par des marques genevoises...

La coordination envisagée aura précipité la chute de l’un ou de l’autre. Ce fut Bâle, dont le paradoxe était peut-être d’être tenu à bout de bras par des marques genevoises...

Le point de rencontre de l'horlogerie (Europa Star, n°1/1962)
Le point de rencontre de l’horlogerie (Europa Star, n°1/1962)

Tout n’est bien sûr pas résolu: quid de l’entrée de gamme, du milieu de gamme, des Japonais, des Allemands? Trouveront-ils une place à Genève? Car c’était cela la force de l’événement bâlois, la réunion d’une vraie mondialisation de l’horlogerie. Mais la mondialisation elle-même sera peut-être l’une des victimes de la crise pandémique.

Alors, il nous reste les souvenirs. Tous ces visages, ces rencontres, ces personnalités qui ont sillonné les kilomètres de halles. L’ombre de nos ancêtres. Des bruits et des odeurs. Une partie de l’horlogerie est morte, aujourd’hui.

Alors, il nous reste les souvenirs. Tous ces visages, ces rencontres, ces personnalités qui ont sillonnée les kilomètres de halles. L’ombre de nos ancêtres. Des bruits et des odeurs. Une partie de l’horlogerie est morte, aujourd’hui.

Découvrez nos archives - Rejoignez le Club Europa Star
Nouveau: 40’000 pages ajoutées, depuis l’année 1950!
Plus de 100’000 pages d’archives à découvrir dans notre base de données du Club Europa Star - 70 ans de marques, de modèles, de marchés et leurs développements au fil du temps.