L’horlogerie indépendante


Czapek face au succès de l’Antarctique

English
juin 2022


Czapek face au succès de l'Antarctique

La marque indépendante a décidé de suspendre pour un an les commandes pour son modèle phare, qui n’ont cessé de grimper. Cela afin d’organiser au mieux sa production au vu de cette demande grandissante. Et justement, l’horloger vient d’emménager dans de nouveaux ateliers plus spacieux à La Chaux-de-Fonds.

C

omme quelques autres marques horlogères artisanales de qualité, Czapek connaît une demande exponentielle. La «ruée sur les indépendants» que l’on a observé depuis deux ans profite en particulier à ceux qui ont su proposer un modèle répondant aux codes les plus prisés de notre époque, ceux du sport-chic. C’est le cas de l’Antarctique, le modèle phare de Czapek, qui représente aujourd’hui 80% de ses commandes.

Le modèle Antarctique de Czapek, qui représente aujourd’hui 80% de ses commandes, répond aux codes prisés du sport-chic.

A la tête de cette société au modèle participatif (elle compte 200 actionnaires!), Xavier de Roquemaurel s’est démené comme un beau diable depuis la présentation des premiers modèles en 2016 pour remettre ce nom historique de l’horlogerie au centre du jeu. Il était de tous les salons et de toutes les présentations, ouvrant de nouveaux sillons esthétiques et commerciaux et trouvant le juste équilibre entre la grande tradition dont se réclame la marque et les goûts contemporains. Nous l’avons rencontré.

Europa Star: Vous venez de suspendre pour un an les commandes de votre modèle Antarctique – une décision que l’on a récemment pu voir chez d’autres artisans indépendants comme Grönefeld. La rançon du succès?

Xavier de Roquemaurel: Ce modèle nous a fait passer dans une autre dimension, au point que nous ne pouvons plus suivre la demande! Quand les frères Grönefeld ont annoncé leur décision en septembre dernier, cela m’avait laissé perplexe. Mais voilà que, quelques mois plus tard, nous sommes dans la même situation. Czapek a 2’800 commandes en cours, dont 80% portant sur des modèles Antarctique. Or, nous ne pourrons pas produire plus de 800 montres cette année. Nos actionnaires se sont mis d’accord: c’était tout simplement une mesure de sauvegarde et de protection pour la marque.

Deux ans après le lancement de la ligne Antarctique, Czapek a présenté cette année l'Antarctique S avec un nouveau boîtier plus fin de 38,5 mm et trois nouveaux cadrans.
Deux ans après le lancement de la ligne Antarctique, Czapek a présenté cette année l’Antarctique S avec un nouveau boîtier plus fin de 38,5 mm et trois nouveaux cadrans.

Pourquoi?

Nos capacités ne sont pas librement extensibles, car ces modèles sont équipés de notre propre mouvement, le Calibre SXH5. C’est très positif, car nous internalisons toujours plus de savoir-faire. Mais il faut savoir quand lever le pied pour organiser une structure de production adaptée. C’est la raison pour laquelle nous venons d’emménager dans de nouveaux ateliers à La Chaux-de-Fonds, près de cinq fois plus grands que ceux que nous occupions au Locle. Et nous recrutons. Nous n’allons pas entrer dans un système de listes d’attentes à plusieurs années et souhaitons croître de manière proportionnée, pas en accumulant les retards.

«Nous n’allons pas entrer dans un système de listes d’attentes à plusieurs années et souhaitons croître de manière proportionnée, pas en accumulant les retards.»

Czapek face au succès de l'Antarctique

Jusqu’à quelle production annuelle pourriez-vous monter?

Il faut se rendre compte de la marge de progression: entre 2016 et 2020, nous avons produit 500 montres en tout; l’an passé, nous en avons produit 300; cette année, sans doute 800; et pour la suite nous n’avons pas d’objectif chiffré mais nous n’avons pas vocation à arriver à 5’000 montres par an, 3’000 à 4’000 devraient suffire. Nous souhaitons satisfaire la demande tout en restant exclusifs. Le modèle Antarctique sera à nouveau disponible en collection courante. Seule la version à rattrapante est produite en série limitée.

Le nouveau modèle Antarctique S Frozen Star
Le nouveau modèle Antarctique S Frozen Star

Un des modèles les plus recherchés, justement, est votre nouvelle Antarctique S, au diamètre réduit de 38,5 mm…

En effet, depuis son lancement à Watches and Wonders, ce modèle représente la moitié des nouvelles commandes enregistrées. Le mouvement reste notre calibre maison mais nous avons réalisé un travail important sur le boîtier, le bracelet et le cadran. Pour créer un boîtier plus petit de 3 mm par rapport au modèle original, il ne fallait pas simplement le rétrécir mais repartir de zéro. Le boîtier a dû être entièrement repensé et les codes réécrits afin de garantir que toutes les proportions fonctionnent parfaitement, notamment le rapport entre l’épaisseur totale et le nouveau diamètre.

Nous avons travaillé étroitement avec nos partenaires AB Concept et Metalem pour le design. Trois choix de cadrans ont déjà été lancés: le motif «Stairway to Eternity», présenté en bleu dans la Passage de Drake «Glacier Blue» et en couleur saumon dans la «Salmon», ainsi que le cadran «Frozen Star», qui est fabriqué à partir du métal précieux le plus rare sur Terre: l’osmium, l’un des six métaux du groupe du platine. Le nombre de couleurs disponibles va augmenter, nous avons un grand nombre de nouveaux cadrans en développement… qui devront être prêts pour le moment de la réouverture des commandes.

Comment garder la tête froide face à une croissance aussi rapide? Cela peut aussi être un danger…

Nous voyons cela comme un début de reconnaissance, mais nous restons avant tout animés par la passion de l’horlogerie, parfois à contre-courant. Nous avons énormément travaillé avant de lancer l’Antarctique et la pandémie a été une période «quitte ou double». L’entreprise aurait pu disparaître, mais nous avons redoublé d’ardeur et de prises de risques en continuant notre activité coûte que coûte et en lancant cette collection en mai 2020, alors que pendant certains mois, nous n’avions pas enregistré une seule commande de montre. Ce pari s’est avéré gagnant: cela a été le bon modèle au bon moment, au point qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus suivre la demande. Il a fallu boire la tasse et ramer avant d’apprendre à surfer de belles vagues!